Coup de théâtre dans la majorité LES AVANIES POSTALES D’OTTIGNIES-LLN par Stéphane Vanden Eeden

C’est (au moins) la troisième fois qu’une sombre histoire de courriers ou de mails ébranle les projets de l’Alliance Citoyenne, cet attelage, ce « ménage à trois » politique pour reprendre l’expression de Julie Chantry.
On croyait ce genre de ficelle dramatique réservée aux livres de Pagnol. La lettre d’annonciation qui se perd dans les sables d’Afrique du Nord (Manon des Sources), la mère abusive qui brûle le mot d’excuse (La Fille du Puisatier) et, bien entendu, le courrier perdu, entre Fanny et Marius et retrouvé par Césariot, dans la trilogie marseillaise… En bord de Dyle, il y a un peu de tout ça, l’accent en moins…

1999 – Max & l’accusé de réception

Nous sommes dans l’année qui précède les élections communales de l’an 2000. Après six années de maïorat avec Jacques Otlet (PRL), ses alliés socialistes et écologistes en ont ras la caisse et préparent patiemment une configuration « Olivier » avec le PSC. Dans la liste des reproches, un tract déloyal du MR s’arrogeant sans partage toutes les réalisations de la mandature. Dans un premier temps, ils signent un accord selon lequel aucun des futurs partenaires, et ce jusque fin 1999, n’aura de pourparlers avec les libéraux. Les travaux culminent à la date du 18 décembre, quand les trois partis organisent, chacun de leur côté, une assemblée générale de ratification des accords. Au PS et chez Ecolo, ça passe crème. Au PSC, surprise : le chef de groupe Max Roch sort une lettre de Jacques Otlet, reçue avec accusé de réception, proposant aux chrétiens une bipartite où ils ne recevraient pas moins de 4 échevinats ainsi que la présidence du CPAS. La section se déchire sur ce qui ressemble à des pourparlers. Sur les 12 élus, 3 resteront fidèles à l’Alliance Citoyenne (dont Jeanne-Marie Oleffe) et 9 rejoindront la liste de Jacques Otlet. Résultats des élections : l’Alliance Citoyenne, au total de ses trois listes, remporte une majorité très étroite de 15 élus contre 14 pour la liste du bourgmestre. Majorité très très étroite puisqu’elle sera rapidement mise à mal par l’explosion en plein vol du conseiller communal, Directeur des logements sociaux de l’Habitation Moderne (ex-IPB… présidée à l’époque par le même Jacques Otlet) et président du CPAS, le socialiste Roberto Fernandez. Mais cela, c’est une autre histoire.

2006 – Le squat & la lettre égarée

Cela commence par un drame. La nuit du 6 mars, un incendie ravage une roulotte et cause la mort de deux très jeunes enfants dans un squat le long de la N4. Dans les jours qui suivent, trois courriers et un PV, documents provenant d’une fuite de l’administration de l’UCL, sont révélés par le quotidien La Dernière Heure et font l’objet d’une récupération politique insensée par l’opposition libérale, cornaquée par Jacques Otlet. But de la manœuvre : prouver que le Bourgmestre Jean-Luc Roland et l’échevine du logement, Jeanne-Marie Oleffe étaient parfaitement au courant de la situation insalubre de ce squat. Au final, trois documents n’avaient qu’un lointain rapport, temporel ou géographique, avec le squat ; le quatrième, une lettre de l’UCL à Jeanne-Marie Oleffe, datée du 20 janvier, s’inquiétant de la sécurité des lieux, avait été adressée par erreur à un ancien numéro de rue de l’avenue des Combattants. Elle sera retrouvée par la police dans une boîte aux lettres désaffectée… Une issue qui blanchira le Collège et qui démontrera que la fuite provenait bien de l’UCL.

2022 – Lettres et mails en pagaille

Le budget 2022 est voté ; le plan stratégique transversal est évalué, à mi-mandature, à la plus grande satisfaction des trois partenaires de l’Alliance Citoyenne. Bref, tout semble aller dans le meilleur des mondes dans le Collège de Julie Chantry. Mais voilà que le 13 janvier, une lettre ouverte est adressée aux médias par le conseiller communal Avenir CDH Yves Leroy. Il y dénonce l’attitude de l’échevin écologiste Philippe Delvaux, coupable de crime de lèse-université envers l’UCL et ce, dans le cadre d’une interview parue dans la revue Médor, un bon mois plus tôt. Ce n’est pas la première fois, loin s’en faut, que l’échevin déplore que l’université ne contribue pas assez au budget de la ville, compte-tenu des impacts directs et indirects de sa présence sur le territoire. Les esprits s’échauffent et voilà que le 17 janvier, en réponse à une question posée par un militant, un conseiller communal Ecolo envoie par erreur sa réponse à l’ensemble des conseillers de la majorité

Le militant : Je considère que nous ne pouvons pas laisser passer cela sans perdre en crédibilité et en autorité. Un minimum serait d’exiger des excuses publiques d’Yves (Leroy) à Philippe (Delvaux).

Le conseiller : Ce serait une erreur de se fâcher avec le CDH, sauf si on a la certitude de signer une majorité alternative avec le MR dans l’heure, ce qui je le rappelle n’est pas à l’ordre du jour. Le parti qui a le maïorat est toujours un peu otage de ses alliés. C’est la règle du jeu.

Cet échange parvient donc entre les mains des alliés PS et CDH et là, boum bardaf c’est l’embardée. L’échange est interprété (mais comment font-ils ?) comme l’annonce d’une négociation avec le MR et, en moins de 24h, les 3 élus socialistes et les 7 chrétiens tombent dans les bras des 9 libéraux pour former une nouvelle majorité. Il leur faudra cinq bonnes journées pour rassembler papiers et signatures et déposer entre les mains du Directeur Général de la commune leur Motion de défiance constructive et l’annonce du nouveau pacte de majorité. Entretemps, Jeanne-Marie Oleffe (encore elle !) annonce qu’elle ne suivra pas le mouvement et l’on apprend que le conseiller Vincent Malvaux sera absent lors du Conseil communal programmé le vendredi 4 février… Yves Leroy rajoute une bonne rasade d’huile sur le feu en ahanant sur quatre interminables pages le pourquoi du comment. On y retrouve, au rayon des reproches, l’existence d’un tract où Ecolo s’arrogeait toutes les réalisations de la majorité… Quant à Jacques Otlet, 74 ans, il déclinera l’invitation légale qui lui était faite de re-ceindre, 23 ans plus tard, l’écharpe maïorale. Et voilà qu’une lettre, encore une, signée par plus de 1300 citoyens, somment les adultérins de revenir dans la maison commune. Peut-être assistons-nous, cinq années après la consultation populaire sur l’avenir de l’extension de l’Esplanade, à une nouvelle et décisive irruption citoyenne dans le jeu de quilles des petits arrangements politiques.

La crise aura finalement duré 14 jours. Aux termes desquels le CDH récupèrera le portefeuille des finances à Ecolo, voilà qui ne manquera pas de rassurer l’UCLouvain. De même, la re-majorité s’est engagée à reprendre la zone inondable du Parc de Courbevoie. Ce futur gouffre financier, ajouté au désenfumage des dessous routiers de la Dalle, aux coûts exorbitants des opérations nocturnes de la police et au nombre sans cesse croissant de jeunes étudiants émargeant au CPAS, voilà l’héritage d’Yves du Monceau aux générations futures des politiciens du cru bien compromis. Quant au MR, toute honte bue, on verra ce qu’il en restera…

Stéphane VANDEN EEDE (sur sa page Facebook, et en libre lecture dans l’Asympto avec son aimable autorisation et nos remerciements)

 

Daniel Hélin chante “Ottignies”:

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