LA REVOLTE DES BLOUSES BLANCHES par Anne Löwenthal

Avant la pandémie, il y a quelques années, les blouses blanches ont tiré la sonnette d’alarme : l’hôpital était devenu un truc dirigé par des gestionnaires qui pensaient “rendement”, qui déshumanisaient, qui réduisaient les moyens humains et matériels.
Des gens mouraient à cause de cette gestion. Pas que des patient.es. Des infirmières aussi se donnaient la mort. Les” burn out” étaient légion, les stagiaires fuyaient, le personnel était épuisé. Si un drame arrivait, avertissaient-elles, on irait droit dans le mur. Et puis il y a eu le drame. Un virus. Et il y a eu le mur.
Pendant la pandémie, les blouses blanches ont été tellement maltraitées, épuisées, privées de moyens que pendant des mois, que tous les soirs à heure fixe, des milliers de citoyen.nes les applaudissaient. Et puis un jour, lors d’une accalmie, une manif de blouses blanches et autres services de première ligne a rassemblé des milliers de citoyen.nes. Et à la fin, quand tout s’était bien passé, dans le respect des règles et sans anicroches, la police a maltraité ceux et celles qui étaient encore là.
Et puis il y a eu des promesses. On allait renforcer les hôpitaux, améliorer les conditions de travail, rendre les soins de santé dignes d’une civilisation du 21e siècle. C’était il y a bientôt deux ans.
Aujourd’hui, alors qu’au moindre contact avec une personne testée positive, vous et moi, que nous soyons ou non vaccinées, sommes en quarantaine le temps d’aller nous faire tester, d’attendre le résultat et, si nous sommes positives, de ne plus être contagieuses. Pour de nombreuses blouses blanches, ce n’est pas le cas : elles doivent aller travailler en attendant le résultat du test. Et certaines, quand elles sont positives, doivent aller travailler si elles sont asymptomatiques. (Mais on va les obliger à se faire vacciner, uh uh)
Elles doivent donc aller travailler alors qu’elles sont potentiellement contagieuses, dans les lieux où se concentrent toutes les fragilités humaines. Les hôpitaux, les résidences.
Il faut dire que les promesses n’ont pas été tenues et que pour couronner le tout, les blouses blanches ont le culot d’être des gens comme tout le monde, qui doivent récupérer des heures quand ils en ont trop fait et qui sont épuisés après des mois d’enfer au travail. Donc les effectifs se réduisent, encore et encore.
Aujourd’hui, alors que certaines d’entre elles ont décidé de rappeler les pouvoirs publics à leurs promesses (et à leurs devoirs), on leur envoie la police et on les réquisitionne. Et on les traite d’irresponsables sur les réseaux sociaux. Et on fustige la poignée d’entre elles qui ne veulent pas être les seules obligées à se faire vacciner alors qu’on les envoie au front qu’elles soient porteuses ou non d’un virus qu’elles combattent depuis bientôt deux ans avec des bouts de ficelle.
Les blouses blanches n’ont plus confiance. On se demande bien pourquoi, franchement.

Anne Löwenthal (sur Facebook, et pour l’Asympto, avec son aimable autorisation)

NB: L’image qui illustre cet article est extraite d’un reportage vidéo sur la manif tourné par Bernard Crutzen.

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