NOUS SOMMES LE 20 AOÛT
https://www.asymptomatique.be/nous-sommes-le-20-aout/

© Asymptomatique.be

NOUS SOMMES LE 20 AOÛT

Publié le 20 août 2022 par André Clette
Mais que font ici Darwin et Trotski en compagnie de Léopold II ? Ils sont dans la chronique quotidienne d'André Clette du 20 août, mais pour le moment, seul Hugo Pratt le sait et seule Juliette le chante.

Catégorie :

Nous sommes le 20 août 2022.

C’est la Saint-Bernard ! Bonne fête à tous les Bernard. Bonne fête aussi à tous les St-Bernard et à leurs tonneaux de rhum (certains disent de schnaps, d’autres de Stroh…il faut goûter pour le savoir).

Léopold II en statue

Le 20 août 1908
La loi votée ce jour-là par le parlement belge retire à Léopold II son titre de souverain de l’État indépendant du Congo. Les négociations en vue de régler les conditions de l’annexion de l’État Indépendant du Congo par l’État Belge duraient depuis 1906.

Une autre image du Congo dit "belge"

L’E.I.C. fondé par le Congrès de Berlin existait officiellement depuis le 1er juillet 1885. Le roi des Belges s’était vu confier « la mise en valeur de ces régions nouvellement explorées ». De fait, par l’entremise de quelques très grosses sociétés, s’y était installée une économie de pillage au détriment des populations et des ressources locales. Le terribles révélations de la Commission d’enquête envoyées sur place en 1904 et la campagne d’opinion qui s’est ensuivie contre les méthodes de gouvernement et d’administration de l’État Indépendant ont précipité le processus d’annexion.
La Belgique est entrée dans exercice de son droit de souveraineté le 15 novembre 1908, jour de la Saint Léopold. Hasard ou pied-de-nez mijoté par quelque esprit malin ? On l’ignore, mais c’est bien trouvé…
Cela dit, il n’est pas sûr que les Congolais y aient rapidement vu le changement, puisque la pratique du travail forcé s’est poursuivie au moins jusqu’en 1945, et que les coups de chicotes faisaient toujours aussi mal.

Tout autre chose

Trotski fut assassiné sur ordre de Staline

Le 20 août 1940
À Coyoacan, au Mexique, Lev Davidovitch Bronstein, dit Léon Trotski, décédait brutalement. En cause, une rencontre violente avec le pic à glace manié par un agent de Staline, du nom de Ramon Mercader.
Ce dernier mûrissait son plan de longue date. L’année précédente, il avait rencontré « par hasard », puis séduit une militante qui assurait des travaux de secrétariat pour Trotski. C’est par son entremise, et sous un faux nom, qu’il aura l’occasion de rencontrer Trotski à plusieurs reprises, et de gagner sa confiance.
Trotski était, en effet, du genre méfiant. À raison, puisqu’il avait déjà survécu à plusieurs tentatives d'assassinat, dont la dernière remontait au 24 mai précédent. Ce jour-là, il échappait à un mitraillage nourri déclenché par le peintre mexicain David Siqueiros. Pour ce haut fait d'armes raté, ce fervent stalinien recevra néanmoins le prix Lénine pour la paix en 1966...
Ce 20 août 1940 donc, Mercader se rend à la villa mexicaine sous prétexte de présenter au leader révolutionnaire un projet d’article qu’il se propose de rédiger. Il porte un trench-coat, la compagne de Trotski s’en étonne. « Il va peut-être pleuvoir », lui dit-il. En fait, sous cet imper, Mercader cache un piolet. Tandis que Trotski se penche sur l’article en question, il se prend un coup mortel à l’arrière du crâne. Staline aura enfin eu raison de la concurrence.
Sorti de prison, 20 ans plus tard, Mercader se rend en URSS, il y est décoré (discrètement) de l’Ordre de Lénine pour avoir (de sa propre initiative) éliminé un ennemi du socialisme. Il meurt le 18 octobre 1978 à l’âge de 65 ans. Ses cendres se trouvent au cimetière de Kountsevo à Moscou sous l’étiquette « Ramon Ivanovitch Lopez, Héros de l'Union soviétique ».

Changeons de sujet, si vous le voulez bien, en évoquant une toute autre révolution…

Darwin vu par Tim Bryant

C’est le 20 août 1858 que Charles Darwin, à l’issue d’une conférence, présente au monde scientifique, sa « théorie de l'évolution par la sélection naturelle » qui fait, pour la première fois, l’objet d’une publication dans le Journal des débats de la société linnéenne, (“Journal of the Proceedings of the Linnean Sociey”), aux côtés de la théorie similaire d’Alfred Russel Wallace. Les deux scientifiques faisaient une présentation conjointe de leurs articles : « Sur la tendance des espèces à former des variétés et sur la perpétuation des variétés et des espèces par les moyens naturels de la sélection ». Cette présentation est un condensé du «grand livre » de Darwin sur la sélection naturelle, « Sur l’origine des espèces », qui sera publié en 1859, suscitant un vif intérêt dans le monde scientifique, et déclenchera la colère, les sarcasmes et les anathèmes de la part des religieux de tous poils.
Les caricaturistes s’en donneront à cœur joie. On verra Darwin tantôt en cage dans un zoo, tantôt mangeant une banane dans un arbre, tantôt exécutant un numéro de cirque, toujours caricaturé sous les traits d’un singe, fine allusion suscitée par une lecture sommaire, elle-même caricaturale, de sa théorie qui se résumerait à l’énoncé simplificateur : « l’Homme descend du singe ».
On notera au passage que personne n’a hurlé au blasphème, qu’aucun naturaliste ne s’est emparé d’une kalachnikov, qu’aucun journal publiant ces caricatures n’a été incendié…
On peut évidemment se moquer de Darwin sans que cela blesse quiconque. En effet, il est l’auteur d’une conjecture scientifique basée sur un ensemble de relations logiques entre des faits observables et irréfutables. Sa théorie ne fait pas appel à la foi, mais exclusivement à l’observation, à l’intelligence et au raisonnement. Rien de magique, rien d’irrationnel, rien de sacré là-dedans. Et c’est tant mieux.
Les convictions religieuses, ça se respecte, ça ne se discute pas. C’est sacré, point-barre. On n’y touche pas, sinon gare. En revanche, tout ce qui se discute, s’explique, se démontre, se met en débat, tout ça n’a rien de sacré. On peut donc s’en moquer allègrement. Détendons-nous.

Une dernière chose…

Ne nous séparons pas ce 20 août sans avoir évoqué Hugo Pratt, le magistral dessinateur de BD qui nous a quittés le 20 août 1995.
Il était né en 1927 à Rimini en Italie mais, dans ce qu’il raconte de sa propre existence, on ne sait jamais vraiment séparer le vrai du faux. Il invente, il exagère, il affabule, et le mieux, c’est qu’il s’en flatte, le bougre : « J’ai treize façons de raconter ma vie et je ne sais pas s’il y en a une de vraie, ou même si l’une est plus vraie que l’autre. » Aventurier, dilettante, touriste, il se plaît à laisser croire que sa vie fut aussi mouvementée et cosmopolite que celle de son héros, Corto Maltese, dont on ne sait jamais s’il est cet individualiste farouche que l’on perçoit, ou ce subversif impliqué que l’on devine.
Hugo Pratt aurait parfois laissé entendre que les prises de position anarchistes et libertaires de Corto Maltese furent une des causes de la rupture avec la rédaction communiste du magazine Pif-Gadget. Bah, c’est moche, mais c’est toujours moins grave que de se prendre un pic à glace dans la tête…

André Clette

Puisqu’il est question d’évolution, écoutons donc « Evolution Mama » par The Even Dozen Jug Band
C’est par ici : →

Ne soyons pas radin, on écoute aussi « Lucy » par Juliette
C’est par ici : →

L'asymptomatique | NOUS SOMMES LE 20 AOÛT

NOUS SOMMES LE 20 AOÛT

Nous sommes le 20 août 2022.

C’est la Saint-Bernard ! Bonne fête à tous les Bernard. Bonne fête aussi à tous les St-Bernard et à leurs tonneaux de rhum (certains disent de schnaps, d’autres de Stroh…il faut goûter pour le savoir).

Léopold II en statue

Le 20 août 1908
La loi votée ce jour-là par le parlement belge retire à Léopold II son titre de souverain de l’État indépendant du Congo. Les négociations en vue de régler les conditions de l’annexion de l’État Indépendant du Congo par l’État Belge duraient depuis 1906.

Une autre image du Congo dit “belge”

L’E.I.C. fondé par le Congrès de Berlin existait officiellement depuis le 1er juillet 1885. Le roi des Belges s’était vu confier « la mise en valeur de ces régions nouvellement explorées ». De fait, par l’entremise de quelques très grosses sociétés, s’y était installée une économie de pillage au détriment des populations et des ressources locales. Le terribles révélations de la Commission d’enquête envoyées sur place en 1904 et la campagne d’opinion qui s’est ensuivie contre les méthodes de gouvernement et d’administration de l’État Indépendant ont précipité le processus d’annexion.
La Belgique est entrée dans exercice de son droit de souveraineté le 15 novembre 1908, jour de la Saint Léopold. Hasard ou pied-de-nez mijoté par quelque esprit malin ? On l’ignore, mais c’est bien trouvé…
Cela dit, il n’est pas sûr que les Congolais y aient rapidement vu le changement, puisque la pratique du travail forcé s’est poursuivie au moins jusqu’en 1945, et que les coups de chicotes faisaient toujours aussi mal.

Tout autre chose

Trotski fut assassiné sur ordre de Staline

Le 20 août 1940
À Coyoacan, au Mexique, Lev Davidovitch Bronstein, dit Léon Trotski, décédait brutalement. En cause, une rencontre violente avec le pic à glace manié par un agent de Staline, du nom de Ramon Mercader.
Ce dernier mûrissait son plan de longue date. L’année précédente, il avait rencontré « par hasard », puis séduit une militante qui assurait des travaux de secrétariat pour Trotski. C’est par son entremise, et sous un faux nom, qu’il aura l’occasion de rencontrer Trotski à plusieurs reprises, et de gagner sa confiance.
Trotski était, en effet, du genre méfiant. À raison, puisqu’il avait déjà survécu à plusieurs tentatives d’assassinat, dont la dernière remontait au 24 mai précédent. Ce jour-là, il échappait à un mitraillage nourri déclenché par le peintre mexicain David Siqueiros. Pour ce haut fait d’armes raté, ce fervent stalinien recevra néanmoins le prix Lénine pour la paix en 1966…
Ce 20 août 1940 donc, Mercader se rend à la villa mexicaine sous prétexte de présenter au leader révolutionnaire un projet d’article qu’il se propose de rédiger. Il porte un trench-coat, la compagne de Trotski s’en étonne. « Il va peut-être pleuvoir », lui dit-il. En fait, sous cet imper, Mercader cache un piolet. Tandis que Trotski se penche sur l’article en question, il se prend un coup mortel à l’arrière du crâne. Staline aura enfin eu raison de la concurrence.
Sorti de prison, 20 ans plus tard, Mercader se rend en URSS, il y est décoré (discrètement) de l’Ordre de Lénine pour avoir (de sa propre initiative) éliminé un ennemi du socialisme. Il meurt le 18 octobre 1978 à l’âge de 65 ans. Ses cendres se trouvent au cimetière de Kountsevo à Moscou sous l’étiquette « Ramon Ivanovitch Lopez, Héros de l’Union soviétique ».

Changeons de sujet, si vous le voulez bien, en évoquant une toute autre révolution…

Darwin vu par Tim Bryant

C’est le 20 août 1858 que Charles Darwin, à l’issue d’une conférence, présente au monde scientifique, sa « théorie de l’évolution par la sélection naturelle » qui fait, pour la première fois, l’objet d’une publication dans le Journal des débats de la société linnéenne, (“Journal of the Proceedings of the Linnean Sociey”), aux côtés de la théorie similaire d’Alfred Russel Wallace. Les deux scientifiques faisaient une présentation conjointe de leurs articles : « Sur la tendance des espèces à former des variétés et sur la perpétuation des variétés et des espèces par les moyens naturels de la sélection ». Cette présentation est un condensé du «grand livre » de Darwin sur la sélection naturelle, « Sur l’origine des espèces », qui sera publié en 1859, suscitant un vif intérêt dans le monde scientifique, et déclenchera la colère, les sarcasmes et les anathèmes de la part des religieux de tous poils.
Les caricaturistes s’en donneront à cœur joie. On verra Darwin tantôt en cage dans un zoo, tantôt mangeant une banane dans un arbre, tantôt exécutant un numéro de cirque, toujours caricaturé sous les traits d’un singe, fine allusion suscitée par une lecture sommaire, elle-même caricaturale, de sa théorie qui se résumerait à l’énoncé simplificateur : « l’Homme descend du singe ».
On notera au passage que personne n’a hurlé au blasphème, qu’aucun naturaliste ne s’est emparé d’une kalachnikov, qu’aucun journal publiant ces caricatures n’a été incendié…
On peut évidemment se moquer de Darwin sans que cela blesse quiconque. En effet, il est l’auteur d’une conjecture scientifique basée sur un ensemble de relations logiques entre des faits observables et irréfutables. Sa théorie ne fait pas appel à la foi, mais exclusivement à l’observation, à l’intelligence et au raisonnement. Rien de magique, rien d’irrationnel, rien de sacré là-dedans. Et c’est tant mieux.
Les convictions religieuses, ça se respecte, ça ne se discute pas. C’est sacré, point-barre. On n’y touche pas, sinon gare. En revanche, tout ce qui se discute, s’explique, se démontre, se met en débat, tout ça n’a rien de sacré. On peut donc s’en moquer allègrement. Détendons-nous.

Une dernière chose…

Ne nous séparons pas ce 20 août sans avoir évoqué Hugo Pratt, le magistral dessinateur de BD qui nous a quittés le 20 août 1995.
Il était né en 1927 à Rimini en Italie mais, dans ce qu’il raconte de sa propre existence, on ne sait jamais vraiment séparer le vrai du faux. Il invente, il exagère, il affabule, et le mieux, c’est qu’il s’en flatte, le bougre : « J’ai treize façons de raconter ma vie et je ne sais pas s’il y en a une de vraie, ou même si l’une est plus vraie que l’autre. » Aventurier, dilettante, touriste, il se plaît à laisser croire que sa vie fut aussi mouvementée et cosmopolite que celle de son héros, Corto Maltese, dont on ne sait jamais s’il est cet individualiste farouche que l’on perçoit, ou ce subversif impliqué que l’on devine.
Hugo Pratt aurait parfois laissé entendre que les prises de position anarchistes et libertaires de Corto Maltese furent une des causes de la rupture avec la rédaction communiste du magazine Pif-Gadget. Bah, c’est moche, mais c’est toujours moins grave que de se prendre un pic à glace dans la tête…

André Clette

Puisqu’il est question d’évolution, écoutons donc « Evolution Mama » par The Even Dozen Jug Band
C’est par ici : →

Ne soyons pas radin, on écoute aussi « Lucy » par Juliette
C’est par ici : →

Pas de commentaires

Poster un commentaire