NOUS SOMMES LE 24 AOÛT
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NOUS SOMMES LE 24 AOÛT

Publié le 24 août 2022 par André Clette
Entre les massacres de la Saint-Barthélémy et l'explosion en 68 de la première bombe nucléaire française en Polynésie, aujourd'hui, on se réécoute une petite chanson de Ferré pour se remonter le moral. Quoique ? (Illustration "Un matin devant le Louvre" d'Edouard Debat-Ponsan).

Catégorie :

Nous sommes le 24 août 2022.

Bonne fête à tous les Barthélemy.

Diverses légendes situent Saint Barthélemy (1er siècle), apôtre du Christ, comme missionnaire dans tout l'Orient, en Turquie, en Perse, en Inde. Sur les fresques de la chapelle Sixtine, Michel-Ange le représente écorché vif. C’est sans doute pourquoi Barthélemy était bien placé pour devenir le patron des bouchers et des tanneurs…

À propos de boucherie, tout le monde a déjà plus ou moins entendu parler de la Saint-Barthélemy 1572, non ?
Il y a tout juste 450 ans, ce dimanche 24 août 1572, à 3 heures du matin, à Paris, le bourdon de l’église Saint-Germain-L’auxerrois, en face du Louvre, donne le signal du massacre. Il s’agissait pour le roi Charles IX, conseillé par son entourage catholique, de se débarrasser des chefs de la faction protestante, qui donnaient des signes de rébellion. Plus de 200 nobles protestants du quartier de Saint-Germain-L’auxerrois sont massacrés, dont l’amiral de Coligny, chef du parti huguenot, qui est décapité, émasculé et dépecé.
Mais le peuple de Paris, dans un enthousiasme débordant, en profite pour donner la chasse à tous les protestants de la capitale, convaincu que Dieu est à ses côtés, puisque le bruit court qu’un miracle vient de se produire.
Au cimetière des Saints-Innocents, ce dimanche midi, un buisson d’aubépine, desséché depuis des mois, s’est mis à reverdir auprès d’une image de la Vierge. À la rumeur du prodige, les Parisiens accourent, on entre en transes, des malades guérissent. Cette aubépine qui refleurit, c’est à coup sûr le signe que Dieu donne sa bénédiction au carnage qui doit ressusciter la France monarchique, éternelle et catholique. Dans cette ivresse mystique, « la messe ou la mort » va devenir le mot d’ordre d’un exorcisme collectif. C’est d’autant plus excitant que le roi aurait permis, dit-on, non seulement d’égorger les huguenots, mais aussi de piller leurs maisons.
Du 24 au 31 août, quelque 3 000 protestants sont tués à Paris et autant en province où l'ordre du massacre est plus ou moins bien suivi.
« Saignez, saignez, la saignée est aussi bonne au mois d’août qu’au mois de mai ! » conseille le maréchal de Tavannes, l’un des plus fanatiques adversaires des réformés, et peut-être bien l’instigateur du massacre.
Dans la déposition notariée d’un strasbourgeois présent le 24 août, on peut lire : « Il n’y avait point de ruelle dans Paris, quelque petite qu’elle fût, où l’on n’en ait assassiné quelques-uns […] Le sang coulait dans les rues comme s’il avait beaucoup plu. »
La tuerie se poursuivra sporadiquement jusqu’en octobre. La « grande purge » (plus de 15 000 huguenots tués) est célébrée comme une victoire par le pape Grégoire XIII. La France est lavée de la souillure hérétique. Henri de Navarre abjure sa foi protestante, ce qui a pour effet de lui sauver la peau et lui permettra accessoirement de monter quelques années plus tard sur le trône de France, pour le prix d’une messe.

Tout autre chose, mais ça reste français, et bien guerrier…

Le 24 août 1968, dans le Pacifique sud, au-dessus de l’atoll de Fangataufa, en Polynésie (il paraît que c’est en France…), une bombe à hydrogène nommée Canopus est accrochée à un ballon dirigeable et lâchée, à 520 mètres d'altitude. L’énergie dégagée par l’explosion en fait, aujourd’hui encore, le plus puissant essai nucléaire français jamais réalisé, soit 170 fois la bombe larguée sur Hiroshima). La France devient la cinquième puissance nucléaire. Charles de Gaulle n’était pas peu fier. Ça lui aura mis du baume sur le cœur, après mai 68 et après avoir assisté impuissant au coup de force soviétique en Tchécoslovaquie. Selon les scientifiques qui observent le site depuis 50 ans, « la nature a repris ses droits ». Quant aux Polynésiens, je ne sais pas…

Un peu de poésie…

Léo Ferré en 1973 (photo J-P Roche)

Léo Ferré aurait aujourd’hui 106 ans, puisqu’il est né le 24 août 1916, à Monaco. Il y a plein des gens venus d’ailleurs qui s’installent à Monaco pour bénéficier du système fiscal, avec le soleil en prime. Ferré, lui, né dans une famille aisée, quittera Monaco pour s'installer à Paris où il commencera par mener une vie financièrement difficile.
À 9 ans, ses parents le placent en pension en Italie chez les Frères des Écoles chrétiennes, il y passera 8 ans et découvrira à 14 ans le mot « anarchie » dans les pages d’un dictionnaire. Après un bac de philo, Léo Ferré, passionné de musique depuis tout jeune, devient critique musical pigiste pour le journal « Le Petit Niçois ».
Installé à Paris après la guerre, Il fréquente le mouvement libertaire et apporte son soutien à la Fédération anarchiste, au Théâtre Libertaire de Paris, à la Radio Libertaire et au Monde libertaire.
Il commence à chanter dans les cabarets. Il y rencontre Francis Lemarque et Jean-Roger Caussimon. Édith Piaf reprend certaines de ses chansons sur Paris. Léo Ferré donna alors de nombreux concerts dans les cabarets parisiens. Au début des années ’50, viennent les premiers succès avec « Paris-Canaille » et « Les amants de Paris ». En 1955, il passe à l'Olympia, ouvrant ainsi une carrière de près de quarante ans où il réalisera une cinquantaine d'albums. À aucun moment de sa carrière, il ne cessera d’afficher ses sympathies libertaires, malgré une forme de censure pratiquée par sa maison de disque qui, en 1961, refuse de distribuer certaines chansons enregistrées en studio et destinées à paraître sur un 33 tours 25 cm. Entre autres : Les Rupins, Miss guéguerre, Thank you Satan, Les Quat'-Cents Coups,…
En 1968, après la mort de son chimpanzé « Pépée » et la rupture pénible avec son épouse, Madeleine, il s'installe en Toscane.
Le 10 mai 1968, il interprétait pour la première fois « Les Anarchistes » lors du gala annuel du Monde Libertaire. Curieux hasard, le même soir, dans le Quartier Latin, les barricades commençaient à fleurir. Ferré n’y est évidemment pour rien. Certains lui reprocheront de ne pas avoir pris part aux « événements » de mai 68. Toutefois, cette année-là, marque pour lui un second souffle dans sa production artistique.
En 1970, l’hommage aux libertaires dans « Paris je ne t’aime plus » était particulièrement appuyé.
En 1971, il chantait pour l’anniversaire de la Commune de Paris et le groupe Louise Michel. D’une manière générale, les années 1970 furent celles qui soulignèrent l’image d’un Léo Ferré anarchiste. Il édite alors son double album « Amour Anarchie », et puis « Et Basta »…
Bon, assez causé de Léo Ferré, citons-le plutôt :

« Cette parole d’Évangile
Qui fait plier les imbéciles
Et qui met dans l’horreur civile
De la noblesse et puis du style
Ce cri qui n’a pas la rosette
Cette parole de prophète
Je la revendique et vous souhaite
NI DIEU NI MAITRE. »

On s’écoute « Madame la Misère »
« … comme s’il fallait toucher du doigt pour croire qu’un peuple heureux rotant tout seul dans sa mangeoire, vaut bien une tête de roi ! »
C’est par ici : →

Illu de la page : Edouard Debat-Ponsan, Un matin devant le Louvre (1880)

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NOUS SOMMES LE 24 AOÛT

Nous sommes le 24 août 2022.

Bonne fête à tous les Barthélemy.

Diverses légendes situent Saint Barthélemy (1er siècle), apôtre du Christ, comme missionnaire dans tout l’Orient, en Turquie, en Perse, en Inde. Sur les fresques de la chapelle Sixtine, Michel-Ange le représente écorché vif. C’est sans doute pourquoi Barthélemy était bien placé pour devenir le patron des bouchers et des tanneurs…

À propos de boucherie, tout le monde a déjà plus ou moins entendu parler de la Saint-Barthélemy 1572, non ?
Il y a tout juste 450 ans, ce dimanche 24 août 1572, à 3 heures du matin, à Paris, le bourdon de l’église Saint-Germain-L’auxerrois, en face du Louvre, donne le signal du massacre. Il s’agissait pour le roi Charles IX, conseillé par son entourage catholique, de se débarrasser des chefs de la faction protestante, qui donnaient des signes de rébellion. Plus de 200 nobles protestants du quartier de Saint-Germain-L’auxerrois sont massacrés, dont l’amiral de Coligny, chef du parti huguenot, qui est décapité, émasculé et dépecé.
Mais le peuple de Paris, dans un enthousiasme débordant, en profite pour donner la chasse à tous les protestants de la capitale, convaincu que Dieu est à ses côtés, puisque le bruit court qu’un miracle vient de se produire.
Au cimetière des Saints-Innocents, ce dimanche midi, un buisson d’aubépine, desséché depuis des mois, s’est mis à reverdir auprès d’une image de la Vierge. À la rumeur du prodige, les Parisiens accourent, on entre en transes, des malades guérissent. Cette aubépine qui refleurit, c’est à coup sûr le signe que Dieu donne sa bénédiction au carnage qui doit ressusciter la France monarchique, éternelle et catholique. Dans cette ivresse mystique, « la messe ou la mort » va devenir le mot d’ordre d’un exorcisme collectif. C’est d’autant plus excitant que le roi aurait permis, dit-on, non seulement d’égorger les huguenots, mais aussi de piller leurs maisons.
Du 24 au 31 août, quelque 3 000 protestants sont tués à Paris et autant en province où l’ordre du massacre est plus ou moins bien suivi.
« Saignez, saignez, la saignée est aussi bonne au mois d’août qu’au mois de mai ! » conseille le maréchal de Tavannes, l’un des plus fanatiques adversaires des réformés, et peut-être bien l’instigateur du massacre.
Dans la déposition notariée d’un strasbourgeois présent le 24 août, on peut lire : « Il n’y avait point de ruelle dans Paris, quelque petite qu’elle fût, où l’on n’en ait assassiné quelques-uns […] Le sang coulait dans les rues comme s’il avait beaucoup plu. »
La tuerie se poursuivra sporadiquement jusqu’en octobre. La « grande purge » (plus de 15 000 huguenots tués) est célébrée comme une victoire par le pape Grégoire XIII. La France est lavée de la souillure hérétique. Henri de Navarre abjure sa foi protestante, ce qui a pour effet de lui sauver la peau et lui permettra accessoirement de monter quelques années plus tard sur le trône de France, pour le prix d’une messe.

Tout autre chose, mais ça reste français, et bien guerrier…

Le 24 août 1968, dans le Pacifique sud, au-dessus de l’atoll de Fangataufa, en Polynésie (il paraît que c’est en France…), une bombe à hydrogène nommée Canopus est accrochée à un ballon dirigeable et lâchée, à 520 mètres d’altitude. L’énergie dégagée par l’explosion en fait, aujourd’hui encore, le plus puissant essai nucléaire français jamais réalisé, soit 170 fois la bombe larguée sur Hiroshima). La France devient la cinquième puissance nucléaire. Charles de Gaulle n’était pas peu fier. Ça lui aura mis du baume sur le cœur, après mai 68 et après avoir assisté impuissant au coup de force soviétique en Tchécoslovaquie. Selon les scientifiques qui observent le site depuis 50 ans, « la nature a repris ses droits ». Quant aux Polynésiens, je ne sais pas…

Un peu de poésie…

Léo Ferré en 1973 (photo J-P Roche)

Léo Ferré aurait aujourd’hui 106 ans, puisqu’il est né le 24 août 1916, à Monaco. Il y a plein des gens venus d’ailleurs qui s’installent à Monaco pour bénéficier du système fiscal, avec le soleil en prime. Ferré, lui, né dans une famille aisée, quittera Monaco pour s’installer à Paris où il commencera par mener une vie financièrement difficile.
À 9 ans, ses parents le placent en pension en Italie chez les Frères des Écoles chrétiennes, il y passera 8 ans et découvrira à 14 ans le mot « anarchie » dans les pages d’un dictionnaire. Après un bac de philo, Léo Ferré, passionné de musique depuis tout jeune, devient critique musical pigiste pour le journal « Le Petit Niçois ».
Installé à Paris après la guerre, Il fréquente le mouvement libertaire et apporte son soutien à la Fédération anarchiste, au Théâtre Libertaire de Paris, à la Radio Libertaire et au Monde libertaire.
Il commence à chanter dans les cabarets. Il y rencontre Francis Lemarque et Jean-Roger Caussimon. Édith Piaf reprend certaines de ses chansons sur Paris. Léo Ferré donna alors de nombreux concerts dans les cabarets parisiens. Au début des années ’50, viennent les premiers succès avec « Paris-Canaille » et « Les amants de Paris ». En 1955, il passe à l’Olympia, ouvrant ainsi une carrière de près de quarante ans où il réalisera une cinquantaine d’albums. À aucun moment de sa carrière, il ne cessera d’afficher ses sympathies libertaires, malgré une forme de censure pratiquée par sa maison de disque qui, en 1961, refuse de distribuer certaines chansons enregistrées en studio et destinées à paraître sur un 33 tours 25 cm. Entre autres : Les Rupins, Miss guéguerre, Thank you Satan, Les Quat’-Cents Coups,…
En 1968, après la mort de son chimpanzé « Pépée » et la rupture pénible avec son épouse, Madeleine, il s’installe en Toscane.
Le 10 mai 1968, il interprétait pour la première fois « Les Anarchistes » lors du gala annuel du Monde Libertaire. Curieux hasard, le même soir, dans le Quartier Latin, les barricades commençaient à fleurir. Ferré n’y est évidemment pour rien. Certains lui reprocheront de ne pas avoir pris part aux « événements » de mai 68. Toutefois, cette année-là, marque pour lui un second souffle dans sa production artistique.
En 1970, l’hommage aux libertaires dans « Paris je ne t’aime plus » était particulièrement appuyé.
En 1971, il chantait pour l’anniversaire de la Commune de Paris et le groupe Louise Michel. D’une manière générale, les années 1970 furent celles qui soulignèrent l’image d’un Léo Ferré anarchiste. Il édite alors son double album « Amour Anarchie », et puis « Et Basta »…
Bon, assez causé de Léo Ferré, citons-le plutôt :

« Cette parole d’Évangile
Qui fait plier les imbéciles
Et qui met dans l’horreur civile
De la noblesse et puis du style
Ce cri qui n’a pas la rosette
Cette parole de prophète
Je la revendique et vous souhaite
NI DIEU NI MAITRE. »

On s’écoute « Madame la Misère »
« … comme s’il fallait toucher du doigt pour croire qu’un peuple heureux rotant tout seul dans sa mangeoire, vaut bien une tête de roi ! »
C’est par ici : →

Illu de la page : Edouard Debat-Ponsan, Un matin devant le Louvre (1880)

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