10 SEPTEMBRE par Frank Lepage (sur FB)

À toute insurrection il faut un détonateur : l’abus de pouvoir de trop. Souvent une petite chose : ici la suppression de deux jours fériés. Avant le 14 juillet 1789 il y eut l’émeute du 23 avril quand les patrons de deux grandes manufactures annoncèrent de baisser les salaires, affirmant que” les ouvriers peuvent bien vivre avec 15 sols par jour au lieu de 20″ “qu’ils seraient bientôt plus riches que nous”, ! En 1995 l’attaque contre un régime de retraite spéciale des cheminots mit 9 millions de personnes dans la rue, le mouvement des gilets jaunes partit d’une augmentation du diesel pour compenser les 50 milliards de cadeaux faits par Hollande sans contrepartie d’emplois aux patrons (CICE, le fameux Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi qui aura généré zéro emploi mais creusé le budget de l’Etat de 50 milliards) et que dire de la grève générale de 1968, partie d’un chahut étudiant, encore plus drôle, encore plus anodin, encore plus imprévisible !

Il faut l’inculture de la caste journalistique pour répercuter le mensonge de la dette – la poule au oeufs d’or des marchés bancaires spéculatifs et des entreprises du CAC 40 – et la fadaise des 40 milliards d’économies à trouver pour nos enfants !!! . Dans le septième pays le plus riche du monde – la France – qui dégueule de richesse, le programme crapuleux du premier ministre n’est dicté par aucun impératif économique, il est un geste de pure haine de classe, et n’a aucune autre fonction que d’humilier, de rabaisser, de marquer la domination…discours de détestation hallucinée à l’égard des personnes sans emploi, la classe gouvernante au service du patronat est obsédée par l’idée de nous tenir rabaissés, violentés, mais surtout de nous tenir employés…notre liberté est leur terreur. Qui sont ces gouvernants qui ne pensent qu’à faire du mal à leur peuple ? Plus aucun acquis depuis 1983, quand “l’atlantiste” Delors convainc Mitterrand d’abandonner le programme social qui le porte au pouvoir, pour choisir la carte de l’union européenne (et de l’austérité) au service des patronats (et des états unis). Depuis, la vie sociale en France est une lente descente aux enfers. Le mouvement historique d’avancée régulière de l’âge de la retraite s’inverse, les cotisations des entreprises sont gelées, l’Etat démolit la sécu pierre par pierre, le management à l’américaine bousille les métiers et la souffrance au travail explose, le droit au chômage devient une mendicité conditionnelle, et partout le même discours de haine contre les travailleurs sans emploi, la même détestation des fonctionnaires (dont ils sont eux-mêmes !!!).

Quand Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, écrit son pamphlet sur le droit à la paresse, il ne fait pas l’éloge de l’oisiveté mais du temps libéré pour faire de la politique, pour s’occuper du monde, comme l’ont fait les gilets jaunes qui ont très vite laissé tomber le gas oil pour se mettre à l’économie politique, aux fonctions de la démoctratie, au mandat impératif et au tirage au sort, à la dénonciation de la dette…bref de l’éducation populaire. Et ce que Antonio Gramsci, fondateur du parti communiste italien appelle le Bloc historique, est le moment où les deux cœurs de la gauche : le cœur intellectuel de la petite bourgeoisie culturelle, qui a le temps de lire de réfléchir, et d’analyser, et le cœur social des travailleurs – ouvriers, employés, etc. – dont les conditions matérielles d’existences rendent plus difficiles cette capacité de dégager du temps libre, se rencontrent et font alliance contre la classe dominante. Une occasion historique a été manquée en France avec le mouvement inouï des gilets jaunes, que le travail de distinction sociale de la Culture et la nécessaire vigilance contre l’extrême droite (on nous refait le coup avec le 10 septembre) ont empêché d’être rejoint par la gauche bien pensante. Gageons qu’à force de conférences gesticulées, ce bloc se reformera un jour. Pourquoi pas le 10 septembre ? Ce n’est pas tant l’origine de ce mouvement qui importe, (les médias officiels nous ont assez seriné que c’était parti d’un site souverainiste) mais le nombre de personnes transpartisanes que cela mobilisera, (si cela ne fait pas pschitt en l’absence des centrales syndicales). On verra. L’Histoire ne s’arrête jamais même si la manière dont elle se met en marche est imprévisible.

Frank Lepage (sur FB).

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