JE VAIS AVOIR L’ÂGE QU’AVAIT MON PÈRE QUAND J’AI PENSÉ QU’IL ÉTAIT VIEUX par Anne Löwenthal

Cette semaine, je vais avoir l’âge qu’avait mon père quand j’ai pensé qu’il était vieux. Et pourtant, il était à peine à un peu plus que la moitié de sa vie. On fêtait toujours mon anniv en même temps que sa fête et en plus j’étais sa chouchoute. Cette semaine, je vais très fort penser qu’il faut absolument que quand je ne serai plus là, on se dira comme pour lui ”Il n’y a rien à regretter, elle a quand même tout bien fait, en tout cas pour l’essentiel”.
Depuis sa mort, j’ai découvert plein de choses, à commencer par ma mère. Et que l’amour que je porte à mes frères et soeur était carrément en-dessous de ce qu’ils sont (pourtant, il était déjà grand). Et, à travers des lettres, des documents, des choses qu’il a voulu qu’on ne découvre qu’après, que ce gars était vachement résilient. Que toute cette capacité au bonheur qu’il m’a transmise n’était pas gagnée d’avance. Que le sien n’était pas gagné d’avance. Que c’est ça, qu’on doit transmettre.
Mon père était économiste. LA matière que je me suis toujours obstinée à ne pas comprendre. Mais j’ai compris une chose : on peut à la fois être une pointure en économie, une clenche en gestion de budget familial et quand même être heureux. Et quand même transmettre ce bonheur. Je ne serai jamais une pointure en économie. Mais j’ai gardé l’essentiel : je serai toujours fauchée et toujours heureuse. Et je conchierai toute ma vie ceux et celles qui nous prétendent qu’on est né.e.s pour travailler, sous peine d’être méprisables. J’aurai toujours un peu pitié d’eux.elles, aussi.
Voilà, ça fait longtemps que je n’ai plus parlé de moi, vous avez droit à une soupe bien lourde. Mais que voulez-vous, le vin était bon, le bonheur partagé.

Anne Löwenthal (sur Facebook)

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