LES ENFANTS D’ARNA par Gwen Breës

Parmi les nombreux films que des cinéastes ou des producteurs ont mis gratuitement en ligne, ces derniers mois, sur la situation de la Palestine, il y en a un qui m’a beaucoup marqué à l’époque : “Arna’s Children”. Le lien est sous l’article. Et un peu de contexte d’abord…
Arna Mer est née en 1929, dans une petite colonie juive établie en 1878 en Palestine. Très jeune, alors que la Palestine est sous mandat britannique, Arna devient combattante dans un groupe paramilitaire sioniste. Après la création d’Israël, elle adhère au Parti communiste israélien, qui prône la démocratie binationale juive et arabe. Elle devient Arna Mer-Khamis en épousant un Palestinien chrétien d’Israël, cadre du Parti communiste.

Arna se définit comme juive palestinienne. En 1989, elle ouvre un centre d’éducation dans le camp de Jénine, créé en 1953 pour accueillir des Palestiniens expulsés de chez eux pendant ou après la guerre de 1948. L’idée est de proposer une réponse aux dépressions et aux stress post-traumatiques que l’occupation militaire provoque aux enfants.
En 1994, Arna se voit attribuer le “Prix Nobel alternatif”. Avec l’argent reçu, elle fonde le Stone Theatre, pour permettre aux enfants du camp de canaliser par le théâtre leurs traumatismes psychologiques et troubles du comportement. En 1995, Arna décède de maladie.

En 2002, pendant la seconde Intifada, l’armée israélienne envahit le camp de Jénine. Plusieurs étudiants du Stone Theatre sont tués dans les combats. Le théâtre est démoli au bulldozer. Juliano Mer-Khamis est l’un des fils d’Arna. Il est alors comédien et cinéaste – il a notamment joué dans des films de George Roy Hill, de Michel Khleifi, d’Amos Gitaï…
En 2004, Juliano co-réalise “Arna’s Children”. Partant des rushes qu’il a filmés quelques années plus tôt au Stone Theater, le documentaire retrace le parcours des jeunes acteurs de l’époque. Que sont-ils devenus ? La plupart d’entre eux ont été tués. Et deux d’entre eux ont commis un attentat-suicide en Israël.
Arna’s Children” est un portrait de groupe poignant, donnant un éclairage cru mais indispensable sur un système qui fabrique du désespoir et de la haine en sacrifiant des générations entières. Le film est visible gratuitement en ligne, avec sous-titrage anglais.

Mais l’histoire ne s’est pas arrêtée là… Pour poursuivre le travail que menait sa mère, Juliano Mer-Khamis a fondé à Jénine en 2006 The Freedom Theatre, en se basant sur la méthodologie du “théâtre de l’opprimé”.
En 2011, Juliano a été abattu par un tireur masqué, en pleine rue, alors qu’il sortait du théâtre avec son jeune enfant dans les bras. Son meurtre n’a jamais été élucidé. Le Freedom Theater, lui, existe toujours. Plus qu’un théâtre, il est devenu un lieu où se pratiquent aussi cinéma, photo, écriture…
En décembre 2023, le théâtre a été éventré au bulldozer par l’armée israélienne. Tout le matériel a été détruit. Ce n’est pas la première fois que le théâtre fait l’objet d’attaques semblables. Cette fois, le directeur artistique Ahmed Tobasi, et le directeur général Mustafa Sheta ont également été arrêtés. Le premier a été relâché après 24 heures. Le second a été libéré en mars 2025, au terme de 15 mois de détention administrative renouvelée. Sans charges à son encontre. Et sans jugement.
Il existe en France une association qui soutient l’existence et les activités du Freedom Theater : Les amis du Théâtre de La Liberté de Jénine. Et du soutien, ils en ont besoin.

Gwen Breës (sur sa page Facebook et dans l’Asympto, avec l’aimable autorisation de l’auteur)

Le film :
https://www.youtube.com/watch?v=cQZiHgbBBcI
La bande annonce :
https://www.youtube.com/watch?v=IHcxFLqY86E
La manif de dimanche :
https://www.cncd.be/Une-ligne-rouge-pour-Gaza-la
Pour soutenir le Théâtre de la Liberté :
https://atljenine.net/

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