IN GOLD WE TRUST par Théo Poelaert

Un show flamboyant, vous en prendrez plein la vue, et moi votre portefeuille ! Chansons country, musique fanfaronne, comédie burlesque. Et voilà la grande parade : indiennes trapézistes, gladiateurs mexicains, éléphants roses gonflés au gaz de schiste, cavaliers de l’apocalypse. Mon joker, le milliardaire nazi Elon Musk et ses lubies supermaniaques. Et par-dessus tout, applaudissez le Maître du leurre, j’ai nommé le sidérant Poisson-Clown Donald Caligula Trump ! 

Mais, c’est quoi ce Barnum ? La caravane somptueuse d’un Circus Politicus en marche vers un fascisme remâché, dont l’idiot utile est un pitre. Ce qui nous consterne, nous concerne. Nous, les gens qui ne sommes rien, n’avons pas droit au chapitre ? Panem et circenses, du pain et des jeux du cirque. Cette tactique impériale romaine démontra son efficacité, néanmoins elle n’empêchait pas les mouvements de foule. A présent, si la société des loisirs fait encore diversion, figeant le Pouvoir dans le court-terme, la multitude d’écrans omniprésents paralyse et isole les gens, pourtant hyperconnectés.

Comment recycler de vieilles recettes ? Oyez Dolly Parton ! The Bargain Store – Ma vie est telle un magasin de bonnes affaires, je peux vous offrir tout ce que vous cherchez, si vous réalisez que toute la marchandise est usée, un peu de rafistolage et elle sera aussi éclatante que du neuf.

Les USA, exhibés en modèle de Liberté, incarnée par la statue éponyme contemplant la mer, phare de LA civilisation. Exemple à suivre, vraiment ? Hyperpuissance à l’offre politique binaire, parti démocrate ou républicain, tous deux sponsorisés par la haute finance. Elections adoubées par de « grands électeurs » issus de la haute bourgeoisie. Peine de mort dans vingt-sept Etats sur cinquante. Présidents ayant coutume de prêter serment sur la bible. Devise nationale In God we trust figurant sur billets et pièces de monnaie. Diffusions chroniques de mises en scène de prières exaltées autour de saint Donald dans le bureau ovale de la White House.

Certes après avoir nourri en douce la bête immonde dans la genèse du troisième Reich, la tête de l’Hydre U.S. contribua à libérer l’Europe de l’Ouest au prix de 150 000 GI’s sacrifiés, la préservant du péril rouge, l’URSS, elle-même exsangue de vingt millions de morts civils et militaires sur le front de l’Est. Puis The American Way of life et ses casseroles ont déferlé sur le vieux continent. Quant à The American Dream, loin d’être un songe c’est un mensonge. Roman écrit à l’encre rouge sur le génocide des amérindiens, sur l’esclavage meurtrier des noirs, prélude d’un enchainement dans la ségrégation, une forme d’exclusion sociale délibérée.

Nina Simone, rejetée de bourse d’études au conservatoire de musique classique, parce que noire, s’est interrogée toute sa vie… I wish I knew how it would feel to be free – J’aimerais savoir ce que ça fait d’être libre, j’aimerais pouvoir briser toutes les chaînes qui me retiennent, j’aimerais pouvoir vivre comme j’en ai envie, je voudrais être comme un oiseau dans le ciel, je m’envolerais vers le soleil et contemplerais la mer.

Constatons la nuée de ghettos délaissés, la fabrique de l’ignorance d’une populace méprisée, trop précaire pour se payer l’université, et souvent sous emprise de sectes évangélistes. Recensons la foison d’obèses, de diabétiques ou de cancéreux contaminés par la malbouffe, pulvérisée de pesticides. L’industrie agroalimentaire se gave, Big Pharma tire les marrons du feu, la roue tourne. Observons la légion de sans-abris, planqués dans les caves de Las Vegas, étalés dans les rues d’autres métropoles. Kyrielle de spectres errants, zombies défoncés aux stupéfiants, opioïdes.

Alors que son public éclaire les gradins de ses feux, plus de vingt ans que Bonnie Raitt, disciple de John Lee Hooker, chante : Silver Lining – Nous sommes nés avec les yeux grands ouverts, au fil du temps ils glissent vers le bas, en bas dans la plus sombre des profondeurs, des fous et de leur folie alentour, sachez que la lumière ne dort pas.

Diviser pour régner, toutes divisions valent nos peines. D’abord celles qui incitent à regarder en bas, à scruter les pauvres, les étrangers, les divergents et non à élever les yeux, excepté vers les chimères, glamours, mirages de Hollywood. Ensuite celles qui sclérosent, confinent en séries de clics dans les miroirs en abîme de l’e-commerce. Enfin celles qui terrorisent : menaces de pandémies, suivies aussitôt de menaces de guerres. La peur, arme du Pouvoir, à la tétanie plus durable que la décharge d’un taser.

A propos, la militante Joan Baez ne manque pas d’ironie : Donna Donna – Dans un wagon plein pour l’abattoir, il y a un veau avec un œil morne, au-dessus de lui une hirondelle bat des ailes dans le ciel. Arrête de te plaindre dit le fermier, qui t’a demandé d’être veau ? Pourquoi n’as-tu pas d’ailes pour voler ?

Le démocrate Harry Truman atomise 150 000 civils à Hiroshima et Nagasaki. Sous l’œil du sénateur Joseph Mc Carthy, le républicain Dwight D. Eisenhower refuse de gracier les époux Rosenberg. Le démocrate John F. Kennedy est l’artisan de l’escalade au Vietnam. Le républicain Richard Nixon chapeaute le putsch contre Salvador Allende au Chili. Jamais autant de migrants renvoyés dans leur pays d’origine que sous le démocrate Bill Clinton. Démocrates ou républicains, ces meuniers tournent le rouet d’un même moulin à broyer les êtres humains, dont ils n’ont que faire. Leur souci n’est pas l’intérêt général, c’est l’argent, le Pouvoir. In gold we trust, la ruée vers l’or est leur quête du Graal. Donald Trump ne s’en cache pas.

Le canal de Panama, c’est fait. Le Groenland, les bases militaires américaines y sont installées de longue date. Gaza, au bout de 21 mois de bombardements, le bilan des victimes palestiniennes serait fixé à 57 000 selon nos médias mainstream occidentaux, alors qu’il y a un an déjà, soit en juillet 2024, la revue The Lancet estimait le nombre total de morts militaires et surtout civiles, directes ou indirectes à 186 000, soit de faim, d’épidémies, de manque de soins, ou disparus en miettes dans les décombres. Qui peut dire à combien nous en sommes réellement aujourd’hui ? Il reste à pulvériser les 35% de murs qui tiennent encore debout sur l’ensemble du territoire de ce ghetto, où étaient emprisonnés plus de deux millions d’habitants. Les livraisons d’armes, de bombes et de munitions en provenance des USA et de pays de l’UE vers Israël se poursuivent. Bientôt la Riviera ! A Moscou, le plan de partage des terres noires et rares d’Ukraine est sur la longue table de Poutine, au grand dam d’Emmanuel Macron, coq sans tête éborgneur de gilets jaunes. Business is business, alors que Donald Trump promet la paix entre le Rwanda et la RDC en échange de « la projection des intérêts économiques des Etats-Unis dans la région » (sic), ordre a été donné ce 30 juin dernier à ses principaux Directeurs de Cabinet de réexaminer la politique américaine à l’égard de Cuba, d’évaluer les sanctions actuelles et de les durcir dans un délai de 30 jours. Afin d’asphyxier radicalement l’économie de l’île rebelle, le décret stipule de chercher tous moyens de mettre fin à ses activités touristiques.

De l’empire Babylonien à l’en pire de Washington, ici-bas Pharaons, Empereurs, Césars, Tzars, Kaisers, Dictateurs et leurs castes croassent sur les terres conquises, vampirisant ressources minières, agraires, animales, humaines. Masses corvéables sans merci, bêtes de somme, esclaves, serfs, moujiks, galériens, bagnards, prostituées, déportés, migrants, smicards, intermittents, livreurs Uber. Tant que la roture épuise son énergie à sa propre survie, elle n’a pas le temps de réfléchir.

Qu’en pense Bob Dylan ? No time to think – Nu de toute vertu tandis que tu rampes dans la saleté, tu peux donner mais ne peux recevoir. Pas de temps à perdre ou pour dire au revoir, pas de temps pour souffrir ou cligner des yeux, et pas de temps pour penser. 

Quid de la démocratie originelle de la Grèce antique, opérant par tirage au sort dans le Dêmos, le Peuple afin de garantir son Krátos, Pouvoir ? Certes femmes et esclaves étaient exclus de ce système politique. Au sein de nos démocraties modernes, où le droit de vote des femmes n’a été concédé qu’au milieu du vingtième siècle, où la précarité se développe à nouveau, et où l’esclavage persiste, notre acte plébéien se résume en fait à élire nos Maîtres, sans contrepouvoir. Les lobbies engraissent les mandataires politiques en coulisses afin de voter des lois propices à leur fortune. Le pantouflage entre public et privé est monnaie courante. Le liquide n’a jamais tant circulé dans le vase communiquant de l’anémie des caisses de l’Etat vers le bourrage des coffres des paradis fiscaux. Et voilà que nous assistons médusés au coup d’Etat de milliardaires. Concentrant désormais tous les Pouvoirs, un individu mène la grouillante humanité par le bout du nez dans une course suicidaire pour notre planète, des milliards de nez pelés sur les genoux d’oncle Picsou. Le projet : dynamiter les services publics, en récupérer les pépites pour le secteur privé. Avant de jeter le gant, chargé d’efficacité gouvernementale, Elon Musk a dégagé pléthore de fonctionnaires. Linda McMahon, ministre fédérale de l’Education a pour mission de démanteler son propre ministère. Etape suivante, dissoudre l’ultime résidu de la fable démocratique américaine, jusqu’à éliminer les élections en vue d’adopter le tirage au sort ?

Nenni, vraisemblablement afin d’ancrer une autocratie totalitaire à la botte du gratin. De quoi inspirer Ursula von der Leyen, prête à accoucher cet automne prochain du fichage généralisé des données de chaque citoyen européen, véritable passe-électronique, encouragé par la docilité des populations face au laisser-passer vaccinal durant « la crise Covid 19 ». Bref un système de contrôle liberticide calqué sur le crédit social chinois. La dure lutte ne cesse jamais, en route vers le futur.

Enfin un vent favorable, Willie Nelson est toujours vivant ! On the road again – A nouveau sur la route, comme une bande de gitans nous allons sur la route, insistons pour que le Monde tourne à notre manière, et notre manière est à nouveau sur la route.

 Theo Poelaert (texte et illustration)

Une première version de ce texte est parue dans le journal “Des Vieux en Colère”, que nous vous conseillons vivement.

Lien vers le journal : https://gangdesvieuxencolere.be/

 

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