
27 septembre 2025
UN QUINQUENNAT EN TÔLE POUR SARKO par Claude Semal
Quelqu’un m’a dit que Sarko en avait pris pour cinq ans. Putain, cinq ans… comme disait Chirac dans Les Guignols !
La foudre est tombée sur les plateaux des télés-Bolloré ce vendredi matin en apprenant la condamnation de l’ancien président Nicolas Sarkozy à cinq ans de prison ferme pour « association de malfaiteurs » – dans le cadre du financement de sa campagne présidentielle de 2007 par la Lybie de Kadhafi. Ce simple énoncé serait déjà, en soi, gravissime.
Mais si on ajoute que le « négociateur » de cette « association de malfaiteurs » fut, du côté libyen, Abdallah Senoussi, le chef des services secrets militaires du régime de Kadhafi, qui avait été condamné six ans plus tôt à la perpétuité en France pour sa supposée participation à l’attentat contre l’avion du vol UTA 772 (qui fit 170 morts en 1989, dont plusieurs dizaines de Français) on atteint sans doute le summum de la forfaiture au sommet de l’État français.
Pour qui a un peu suivi l’affaire révélée par Médiapart en 2011 – et ce site a consacré depuis 200 articles à l’affaire (1) – il ne fait pas de doute que Nicolas Sarkozy est plongé jusqu’au cou dans une affaire qui relève au minimum de la corruption – et peut-être même de la haute trahison. Mais le journalisme est une chose, et la justice en est une autre.
Cette dernière – modestement incarnée par les 29 juges qui se sont prononcés successivement sur cette affaire – n’a judiciairement retenu « que » « l’association de malfaiteurs » à l’encontre de Nicolas Sarkozy.
Ce qui sous-entend que ses propres « subordonnés », condamnés eux clairement pour « corruption » (comme son chef de cabinet à l’Élysée Claude Guéant, qui a pathétiquement essayé de faire passer un versement de 500.000 euros sur son compte en banque pour la « vente » imaginaire de deux tableaux imaginaires) auraient pu agir en cette matière sans l’approbation de l’homme qu’ils servaient pourtant fidèlement. Mais comme l’enquête n’a pas pu l’établir « judiciairement » à 100%, la juge ne l’a pas retenu dans son jugement.
Voilà pourquoi l’avocat de Nicolas Sarkozy, Me Jean-Michel Darrois, a pu affirmer partout sur les plateaux télés que « les deux accusations les plus lourdes contre mon client se sont effondrées : la corruption et le financement de sa campagne électorale par un dictateur ». Or, pas du tout.
La juge ne les a pas retenues parce qu’en droit le doute doit profiter à l’accusé – et que les preuves de l’implication personnelle de Sarkozy dans cette corruption n’ont pu être formellement établies.
Mais toute cette histoire, avec les risques inouïs qu’elle faisait courir à ses protagonistes, n’a aucun sens si ce n’est pas, in fine, la campagne présidentielle de Sarkozy qui en a profité.
Et tout le monde a gardé en mémoire l’image un peu surréaliste des tentes bédouines du colonel Kadhafi dans les jardins parisiens de la République, dès l’accession de Sarkozy à la présidence – ce qui ressemblait furieusement à un coup de chapeau de remerciement et à un renvoi d’ascenseur.
Une image aussi forte et aussi « parlante » que Sarkozy en slip et lunette de soleil U.S. fêtant sa victoire sur le bateau de luxe de Bolloré – alors que ce menteur professionnel avait préalablement évoqué « une retraite dans un monastère pour s’imprégner de sa nouvelle fonction ». Avec vin de messe au champagne et des zakouskis comme hosties ?
En se pourvoyant en appel, Sarkozy prend donc, à mon avis, un risque énorme.
Car se réfugiant dans un perpétuel déni « surjoué », il spécule sur le fait que la Cour d’Appel pourrait finalement « lui donner raison ». Or la Justice pourrait tout aussi bien, en conscience et en droit, s’asseoir sur les « prudences » de la première juge, et le désigner comme bénéficiaire principal de toute cette affaire – en alourdissant donc sensiblement sa peine.
Sans compter que la guerre déclarée à la Libye quelques années plus tard, où la France joua un rôle central, et qui se solda par la liquidation physique de Kadhafi dans un trou d’égout, ressemble étrangement, dans ce contexte judiciaire, à un règlement de compte maffieux pour éliminer un témoin gênant.
Il est parallèlement très significatif que Marine le Pen, elle-même engoncée dans une spirale de « condamnations judiciaires » pour une accusation de détournements de fonds au Parlement Européen, vole aujourd’hui au secours de l’ex-président Sarkozy – au prétexte que, celui-ci ayant fait « appel », il devrait automatiquement être considéré comme « innocent » jusqu’au jugement « final ». D’un « simple » point de vue « juridique », cela peut sans doute se discuter et se justifier.
Mais je trouve assez culotté que l’extrême-droite, qui a systématiquement dénoncé le supposé « laxisme » de la justice face à tous les « petits délinquants de banlieues » … et qui exigeait autrefois publiquement « l’inéligibilité à vie » pour tous les élus coupables de corruption… en vienne soudain à ménager « le pire du pire » de la corruption à la tête de l’État français pour protéger tactiquement sa propre candidate !
Je vous invite donc à vous documenter plus en profondeur à ce sujet.
Le film de Médiapart, « Personne n’y comprend rien », est par exemple mis en location pour deux euros cinquante (1). Cela me semble un excellent retour sur investissement pour la démocratie.
Et sinon, vous pouvez toujours aussi vous réabonner à l’Asympto ;-).
Ce rappel pécuniaire est certes ici un peu culotté. Mais en la circonstance, c’est un pet d’ange parfumé à la violette face aux autres pratiques ci-dessus évoquées.
Claude Semal, le 26 septembre 2025.
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