ADRIEN ET NOUS, FACE À NOUS-MÊMES par Laurence Dudek

La psychopédagogue Laurence Dudek, féministe et proche de “La France Insoumise”, défend dans ses livres une éducation “bienveillante et non-violente” (1). Elle revient ici sur la gifle que le député (LFI) Adrien Quatennens a reconnu avoir donnée à son épouse, au cours d’une dispute, et pour laquelle il vient d’être condamné en France à quatre mois de prison avec sursis. Une “affaire” qui aujourd’hui encore interpelle les médias et continue à diviser la NUPES et ses militant·es (lire par exemple, ce week-end encore, l’interview de Clémentine Autain dans le Journal du Dimanche)(2).
Laurence rappelle au passage que 87% des parents reconnaissent avoir déjà frappé leur enfant. Comment combattre le plus efficacement possible cette violence qui parfois s’exprime en nous et à travers nous ? (C.S.)

Par quelle contorsion intellectuelle réussissons-nous à la fois à nous penser bienveillant.es et non-violent.es et à réclamer à corps et à cri la ruine professionnelle et la déchéance sociale pour quelqu’un qui reconnaît la violence de son geste et qui le regrette publiquement, qui accepte sa condamnation (exemplaire en l’occurrence si l’on en croit la complaisance habituelle de la justice pour des actes bien plus graves), qui est en thérapie et qui refuse de se défendre avec les armes du patriarcat (tel que cela lui est suggéré par beaucoup de ses supporteurs et supportrices qui sont loin d’être ses ami.es quoi qu’ils en pensent) ?
J’ai déjà dit ici (et c’est même un gimmick) que la bienveillance n’est pas l’art de laisser les dominants dominer par politesse.
Et je précise donc qu’il ne s’agit pas de cela, bien au contraire.

Frapper un homme à terre quand il demande pardon, comment appelez-vous cela ? Je suis dévastée de voir comment la violence individuelle et la répression punitive sont devenues la seule réponse politique aux problèmes de violence systémique (et comment la solidarité de classe est en train d’y laisser sa peau), sans plus aucune retenue et visiblement sans conscience, y compris de la part de personnes qui se disent non-violentes et qui se dissocient intellectuellement et affectivement pour participer à cette corrida.
C’est une capitulation collective sur fond d’addiction au pouvoir narcissique du buzz. Il suffirait donc d’invectiver sur internet et de retourner à ses occupations quotidiennes, sans jamais mesurer les conséquences réelles de tout ça, sur les enfants en particulier.
Comment vont-ielles pouvoir faire la part des choses et apprendre la nuance si tout se vaut et que la seule modalité qui existe c’est la guerre ?
Et comment va-t-on leur expliquer qu’ielles peuvent continuer à nous aimer, nous adultes fragilisé.es par notre propre conditionnement patriarcal, même quand on a eu un geste violent ou une attitude autoritaire ?

87% des parents déclarent avoir déjà frappé leur enfant… Haaa c’est pas pareil ? Hé si, c’est pareil, exactement pareil. Qui de vous qui me lisez ne l’a-t-il jamais fait ? Qui choisit de nier, qui choisit de le revendiquer et qui choisit de changer ? N’avons-nous plus aucun discernement ?
Si chaque fois qu’un.e adulte lève la main sur un enfant, ielle devait perdre son emploi et être lynché.e en place publique, il n’y aurait plus jamais moyen de faire changer les choses (et ça, permettez, c’est mon domaine d’expertise : ça fait 25 ans que je fais changer ces choses-là, en luttant contre la violence punitive car la punition n’apprend rien d’autre qu’à haïr et à dissimuler). Pas de pitié, pas d’empathie, pas de pardon… de la vengeance alors ?
La justice est passée, c’est ce qu’on demande habituellement sans presque jamais l’obtenir.

Je ne peux pas me taire, c’est se rendre complice. Je ne veux pas que le féminisme dont je me revendique soit laminé par cet acharnement défouloir et cette confusion dont nous pâtirons toutes. Nous avions, pour la première fois depuis la nuit des temps, un homme qui reconnaît des faits de violence sans en minimiser l’impact, sans se justifier, qui entreprend de déconstruire en thérapie et de montrer l’exemple.
Qui montre l’exemple en politique aujourd’hui ? Quel exemple donnent les gens qui coupent des têtes ?
Quand vous avez frappé votre enfant, vous décidez de ne plus jamais exercer de fonctions parentales et de démissionner ?
Je m’adresse à toutes les personnes qui, malgré une conscience aiguisée de la systémique des dominations, semblent trouver normal de demander la mise au ban d’un homme ordinaire (une personne qui nous ressemble) et sa déchéance publique “pour l’exemple”.
Ont-elles expié leurs propres fautes avec tant de sévérité ? Ou n’est-ce juste que parce qu’elles n’ont pas été dénoncées … ?
Que la droite bourgeoise (c’est presque un pléonasme mais cela ne l’est pas toujours) réclame toujours plus de cette violence punitive pour asseoir ses privilèges, c’est en accord avec l’impunité qu’elle s’octroie, mais nous, camarades, nous ?!!

Laurence Dudek (le 19 décembre 2022) (3)

(1) Lire son interview dans l’Asympto :  Interview de Laurence Dudek BIENVEILLANTE DANS UN MONDE DE BRUTES
(2) https://www.lejdd.fr/Politique/clementine-autain-les-propos-dadrien-quatennens-vont-rouvrir-le-debat-sur-sa-reintegration-au-groupe-4154926
(3) Son site : https://laurencedudek.com/

 

Suite à la publication de ce texte sur sa page “Facebook” professionnelle, Laurence Dudek a été confrontée à des réactions virulentes en sens divers.
Voici le texte qu’elle a collectivement publiée en “réponse” sur la même page.

Lendemain d’hier…

A l’occasion de mon article “Adrien et nous, face à nous-mêmes” et des partages qu’il a suscités, de nombreuses personnes que je ne connais pas et qui ne me connaissait pas avant hier ont commenté sur cette page comme c’est l’usage sur le réseau, sans faire vraiment attention où l’on met les pieds. Et j’ai donc eu à “modérer” des propos qui, sans être franchement ni ouvertement sexistes ou adultistes, dévoyaient mon sujet en mettant l’accent sur la bataille entre les “pour virer Adrien” et les “contre virer Adrien”, ce qui m’a mise très mal à l’aise étant donné que c’est très précisément ce dont je voulais me départir. Ayant relu à maintes reprise mon article, je ne vois vraiment pas comment j’aurais pu être plus explicite : comment en me lisant certaines personnes ont-elles pu imaginer que c’était OK de venir insulter “les féministes” en mode mansplaining ?
Une autre personnes qui elle est abonnée depuis longtemps à ma page (pour des raisons qui du fait m’échappent), m’a taxée de complaisance masculiniste et accusée de nier “les victimes” (présumant au passage sans la moindre honte que je ne ferais pas partie des 9 femmes sur 10 ayant été frappée par un homme au moins ni des 100% d’enfants l’ayant été par un adulte), cela pourrait être comique (si ça n’était pas si violent). Comme j’ai peu d’humour avec le fait d’être utilisée comme un punching-ball par des gens qui prétendent savoir ce que c’est qu’en être un, j’ai eu la nausée plutôt que de pouvoir en rire.
Quoi qu’il en soit il me semble nécessaire et opportun d’informer certain.es et de rappeler à d’autres ce que cet espace, qui est le mien même s’il est ouvert au public, propose et ce qu’il n’admet pas. Ma page accueille plus de 34 000 abonnées (le féminin l’emporte ici, #habituetoi).

Depuis 10 ans je publie quotidiennement et j’entretiens cet espace comme un atelier d’éducation populaire interactif, en garantissant entre autre la sécurité des personnes qui commentent et une qualité des échanges qui ne souffre pas les pratiques habituelles du réseau (invectives, prophéties, projections anxiogènes, etc..).
Ici, c’est chez moi. Vous n’y trouverez pas de gens qui vous interpellent sans dire bonjour, ni en vous appelant “la dame” ou “les gens comme vous”, ni en parlant de vous à leur copine comme si vous ne lisiez pas leurs commentaires (ou justement parce que vous les lisez), pas de gens qui s’essuient les pieds sur vos publications, vous attaquent ad hominem, injurient les autrices que vous aimez, dénigrent votre travail ou jugent votre valeur, vous reprochent de ne pas être à leur disposition, de vivre de votre travail, font semblant de s’intéresser à votre parcours pour finalement vous injurier, sans avoir manifestement aucune idée de là où ils sont…
Pas non plus de personnes qui viennent faire leur promotion personnelle en loucedé en coupant un échange que vous aviez avec une autre personne, ou la promotion d’autres livres que les miens quand je publie gratuitement des articles, des extraits. Il n’y a pas non plus de débat d’opinions en mode “on sait bien que”, “moi j’ai vu de nombreux enfants qui…” ou “Pour une psy, vous n’êtes pas très disponible…“(alors que vous venez de répondre à 12 commentaires longs comme un jour sans pain), pas non plus de gens qui donnent des leçons de solfèges à Mozart ni qui viennent mecspliquer que “pour le coup” ils ne sont pas certains que les dix-sept livres que vous avez écrits soient vraiment… quoi ? des livres ?

Ce que ce réseau dit social peut faire de nous si l’on n’y prend garde me répugne : des anonymes sans foi ni loi dont la rudesse fait recette et pour qui le harcèlement tient lieu de politesse. J’ai réussi au prix d’une vigilance quasi permanente à faire de mon espace (cette page donc) un havre de paix et de bienveillance pour les justes : quelques milliers de personnes qui n’ont pas besoin de haïr pour briller, de dévaloriser l’autre pour exister, de dominer pour se sentir puissant, de se mettre en compétition, de punir et d’être le chef…
Les autres (celleux qui s’adonnent àla jouissance de punir et de prendre le pouvoir), vous ne les rencontrerez pas ici, parce que je supprime sans état d’âme leur commentaires toxiques (même si je me fais encore un peu “avoir” en essayant de trouver un terrain d’entente, je commence à connaître la musique). Et je bannis plus vite que l’ombre de Calamity Jane quand la moindre malveillance pointe le bout de son nez, même inconsciente (adultisme, classisme, racisme, sexisme, grossophobie, validisme, homophobie, etc…). Ici, c’est chez moi, mon hospitalité est immense et ma patience est légendaire. Soyez les bienvenu.e.s.

Avec toute ma bienveillance
LD 🌸

https://www.facebook.com/LaurenceDudek

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