ARIZONA : RACISME ET CHAISES VOLANTES par Bernadette Schaeck

Le Pen et Bardella en rêvent. L’Arizona le fait ! Le Conseil des ministres a adopté le 23 décembre deux avant-projets de loi que l’on doit qualifier de raciste. Qui va plus loin que le programme en 70 points que le Vlaams Blok avait adopté en 1992 quand il ne faisait pas encore semblant comme le Vlaams Belang, de ne pas être ouvertement fasciste.
– Suppression du droit au Revenu d’intégration aux demandeurs de protection subsidiaire (ils et elles pourront fuir la guerre ou une dictature, par exemple, mais ils n’auront pas de quoi vivre).
– Suppression du droit à l’aide sociale (sauf aide médicale urgente et inscription en adresse de référence) pendant les 5 premières années de séjour légal en Belgique. Séjour LEGAL !
– Suppression du droit à l’aide sociale (sauf aide médicale urgente) pendant toute la durée des demandes diverses d’autorisation de séjour en Belgique (durée qui peut être très longue).
D’autres choses encore. Ce sont des mesures extrêmes !
D’autres que moi analyseront en détails ces avant-projets et en expliqueront les conséquences concrètes. Mais je trouve important de l’évoquer, parce défendre les usagers des CPAS comporte aussi pour moi une opposition à ces mesures racistes.
Souhaitons-nous beaucoup de combativité, de ténacité, de courage pour 2026 !

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Le gouvernement Arizona : criminel !
A qui donc l’Arizona veut-il supprimer le droit au Revenu d’intégration ? (voir mon post d’hier)
Aux personnes qui bénéficient de la protection subsidiaire.
C’est-à-dire qui obtiennent, souvent au prix d’un véritable parcours du combattant, le statut de protection subsidiaire (qui est différent de celui de réfugié).
Ce statut leur est accordé si elles encourent dans leur pays d’origine le risque de :
✅La peine de mort ou l’exécution
✅La torture
✅Les traitements inhumains ou dégradants
✅Des menaces graves contre la vie ou la personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
C’est la définition officielle.
C’est à ces personnes-là que le gouvernement Arizona, dans un des deux avant-projets de loi adoptés le 23 décembre, veut retirer le droit au Revenu d’intégration.
Qu’elles crèvent de faim, de froid, qu’elles dorment dans la rue, qu’elles se fassent exploiter par du travail au noir, qu’elles subissent la traite des être humains. Si elles ne sont pas d’accord, qu’elles aillent se faire torturer ou tuer ailleurs.
Si elles veulent échapper à un traitement inhumain et dégradant dans leur pays d’origine, qu’elles le subissent ici, en somme.
Bravo, les Engagés ! Beau cadeau de Noël à ces damnés de la terre.
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Criminalisation de la pauvreté.
E. était bénéficiaire du RI (revenu d’intégration, l’allocation attribuée par le CPAS).
Il a eu une petite activité non déclarée découverte par la fouille de son compte Facebook. Des petits soins à domicile (je n’en dis pas trop pour que ce ne soit pas reconnaissable, mais disons par exemple, des soins manucure).
Sur plusieurs années, il a gagné de l’ordre de 5.000 euros.
Le CPAS a déposé plainte contre lui à l’auditorat du travail.
Il a été interrogé pendant plusieurs heures par la police. Son téléphone a été fouillé.
Toute sa vie privée aussi. Il a dû fournir mille et une preuves. Il a été humilié.
Le CPAS lui a retiré le RI depuis un an et a refusé de le lui réaccorder à chacune de ses nouvelles demandes. Il lui réclame en outre le remboursement de la totalité des RI perçus depuis qu’il en est bénéficiaire. Ça fait des dizaines de milliers d’euros.
C’est totalement illégal.
Il s’est excusé de n’avoir pas déclaré son activité. Il a proposé de rembourser la totalité de ce qu’il a perçu au cours des dernières années grâce à ses petits soins de manucure. Le CPAS a refusé.
Les voilà donc, les « grands fraudeurs » ! Ceux qui sont traités comme de grands criminels.
Parce qu’ils gagnent quelques dizaines d’euros par mois sans l’avoir déclaré.
En revanche, par ses décisions de retrait, récupération et refus, le CPAS est dans une totale illégalité qui ne sera pas sanctionnée. Or, c’est lui, en fait, qui est redevable de plusieurs dizaines de milliers d’euros à E. et non l’inverse. L’acharnement contre les allocataires sociaux, c’est quelque-chose ! Tant qu’ils y sont, qu’ils le jettent en prison ?

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Pour Erik, Assistant social au CPAS de Gand, tué lors d’une visite à domicile en août dernier : un peu de respect, SVP ! La ministre Van Bossuyt (N-Va) commence son courrier aux Présidents des CPAS, à propos de la circulaire sur la gestion de l’agressivité, par ces termes :
” Nous nous souvenons toutes et tous du 13 août 2025. Ce jour-là, un travailleur social a violemment été tué lors d’une visite à domicile.”
J’ai dit ce que je pense de cette circulaire et de l’interprétation qui en a été faite par les médias dans un post précédent.
Mais je crois que ce qui me dégoûte le plus, c’est que la ministre utilise la mort d’Erik pour légitimer une politique répressive à l’égard des usagers.
En fait, je n’ai pas de mots face à pareille instrumentalisation.
Il y aurait pourtant beaucoup à en dire.

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Des chaises qui se trompent de direction.
Il est arrivé que des chaises soient jetées sur les travailleurs“, déclare dans la DH du 19 décembre le président du CPAS d’Anderlecht, Guy Wilmart.
Le président précédent, actuellement échevin, Lotfi Mostefa, déclare quant à lui que ” La commune d’Anderlecht a déjà pris des mesures pour se préparer à cette nouvelle réalité [l’afflux de demandes des chômeurs en fin de droit]. L’accueil se fera dans une salle plus grande. Il y aura des gardes et des gardiens de la paix”.
Le président actuel ajoute encore : ” Lorsqu’il y a agression, menaces ou insultes, nous envoyons automatiquement un courrier à la personne concernée pour l’avertir qu’en cas de récidive, une sanction sera prise (…). Beaucoup se calment après ce rappel, certains s’excusent même par la suite“.
Des courriers de rappel, ce CPAS en reçoit, lui, non-stop. De l’aDAS, mais aussi de nombreux services sociaux et associations. Les courriers portent le plus souvent sur des situations de personnes qui sont sans revenus depuis plusieurs mois parce que les prolongations du RI n’ont pas été faites, ou que les nouvelles demandes ne sont pas instruites.
Aujourd’hui, par exemple, j’enverrai un 3ème courrier à propos d’un jeune qui a introduit une demande le 26 août et n’a toujours pas reçu de décision 4 mois plus tard (le CSSS Comité spécial aurait décidé d’un refus, dont les raisons ne sont pas connues, et dont la notification n’a pas été envoyée). Le jeune se trouve dans une situation d’extrême précarité.
Celui-là, comme tant d’autres, ne passera pas de “joyeuses fêtes”.
Il n’a jamais lancé de chaise ni autre projectile. Il n’a même pas crié. Aurait-il dû le faire pour qu’enfin on l’entende ?
D’autres ont crié fort, la police a été appelée et a plus d’une fois donné raison à la personne qui a enfin été reçue par un AS (Assistant·e Social·e) grâce à son intervention.

La violence – quand il y en a – est souvent très relative. Elle est souvent – pas toujours – causée par la violence institutionnelle.
Elle se dirige vers les seuls interlocuteurs directs : les travailleurs, pas uniquement les AS, mais aussi et même avant tout, le personnel administratif et d’accueil qui essuie souvent les plâtres.
Les chaises ne peuvent pas être lancées vers les responsables du CPAS (président, Conseillers de l’action sociale, secrétaire ou directeur général, qui sont à l’abri aux étages ou qui sont chez eux), vers le gouvernement, vers le parlement, vers les cabinets ministériels où se prennent les décisions.
Je ne préconise pas le lancer de chaises, mais vous voyez ce que je veux dire…
Quand les responsables d’un CPAS ne parviennent pas à respecter les droits de leurs usagers, quand ils ne parviennent pas à donner des conditions de travail décentes à leurs travailleurs, la moindre des choses serait qu’ils ne rendent pas les usagers responsables d’une situation invivable. Non à la criminalisation de la pauvreté !

Bernadette Schaeck de l’association de Défense des Allocataires Sociaux.
Contact : www.adasasbl.be

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