05 novembre 2025
Au Théâtre des Martyrs PETITES SCÈNES ET FORCE DE JEU par Françoise Nice
Je suis allée voir « Ex » mis en scène par Thibaut Wenger au Théâtre de la place des Martyrs à Bruxelles. Une comédie satirique d’un dramaturge allemand très réputé que je ne connaissais pas, Marius von Mayenburg.
La comédie est banale par son thème : un couple apparemment bien en scène (avec deux jeunes enfants), dont l’ordre apparent et cool va être bousculé par l’irruption de l’ancienne amoureuse de Daniel. Pas du vaudeville, non, plutôt du drame bourgeois, pas du Brecht, non, peut-être une comédie qu’on pourrait voir sur les petits écrans…
Sauf que les répliques et la langue allemande de l’auteur traduites par Joséphine de Weck, la scénographie et les lumières, et, et, et surtout ! les trois comédiens, France BASTOEN (Sibylle), Nicolas LUÇON (Daniel) et Émilie MARÉCHAL (Franziska) sont d’une folle efficacité et d’une belle complicité dans le jeu.
« Cela » sourit, cela soupire, dans le grand canapé de leur vie confortable, et très vite cela va grincer, s’agresser, crier : les miroirs de la conjugalité et de la société aux rêves de confort foireux éclatent à chaque coin de réplique.
France Bastien campe une formidable harceleuse du foyer, Nicolas Luçon incarne un époux et ex-amant qui cherche l’impossible paix avec ses deux amours, est lui aussi juste et hilarant dans ses mimiques et gestes… quant à Emilie Maréchal, elle joue imparablement l’ancienne amoureuse percluse de chagrins amoureux qui ressurgit au milieu du salon, l’espace d’une nuit.
Les deux femmes déploient rivalité, coups de gueule, scénettes de chantage et larmes appuyées. Et le mâle patauge à l’aveuglette dans ses sentiments. Du désir, sans doute de l’amour, il en a pour ses deux femmes.
Je n’en dirai pas plus, car c’est la force du jeu qui tourne, rapide et enlevé, qui est l’essentiel : il faut aller les voir, et rebondir à leur rythme.
Ce trio de comédien·nes nous donne généreusement la représentation réaliste à peine appuyée des névroses amoureuses prises dans la machinerie d’un couple qui se déglingue sous nos yeux. Installés sur les trois bords du plateau comme si l’on était face à un ring, on rit beaucoup, on savoure…
Et je me suis demandé comment le théâtre se prolongerait de retour à la maison, pour ceux et celles qui, dans leur beau costume, ont aussi l’une ou l’autre couture conjugale qui claque, et une petite collection de blessures d’ego, de névroses, d’urticaire sociétal.
Car au cœur des répliques, Marius von Mayenburg évoque aussi les maux du système.
Vous étouffez d’épuisement, de burn-out, de doute, de méfiance pathologique, courez passer deux heures de grand plaisir malin et de jeu étincelant avec « Ex » et ses trois comédien-ne-s au Théâtre des Martyrs.
Et, qui sait ? Dans la salle ou dans le foyer, peut-être y rencontrerez-vous votre « futur·e » ?
Françoise Nice
« Ex » de Marius Von Mayenburg, un spectacle de la Cie Premiers actes, mise en scène de Thibaut Wenger, à voir au Théâtre des Martyrs à Bruxelles jusqu’au 12 novembre.


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