« BLOQUONS TOUT » : PAN SUR LE BEC ! par Claude Semal

Le 10 septembre s’annonce déjà comme une spectaculaire journée de mobilisation en France contre la politique de Macron et Bayrou : « Bloquons tout ! ». Le 15 juillet, Bayrou a en effet dévoilé dans une conférence de presse un budget imposant des « économies » de 43,8 milliards d’euros au détriment des classes populaires et moyennes, avec la suppression symbolique de deux jours de congé (le jour de Pâques et le 8 mai, jour de la victoire… contre le nazisme). À l’échelle d’une vie, cela signifierait en fait travailler tout un trimestre gratuitement pour l’État et les patrons !
Ce budget est d’autant plus insupportable que ce gouvernement Bayrou, comme son prédécesseur, est totalement illégitime – puisque, rappelons-le,  c’est la gauche qui avait gagné les législatives de juillet 2024 – et que dans toutes les démocratie, c’est la coalition arrivée en tête du scrutin qui doit pouvoir former le gouvernement.
Initialement lancée dans la mouvance des « Gilets Jaunes », cette journée d’action est aujourd’hui appuyée et soutenue par un nombre croissant de forces syndicales et progressistes (alors que la droite et le Rassemblement National la dénoncent plutôt comme un soi-disant appel au chaos).

Dans son édition du 20 août 2025, le « Canard Enchaîné » prétend que Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise auraient « changé d’avis » à ce sujet, en publiant des extraits caviardés d’un texte de JLM daté du 30 juillet. Ce qui est totalement faux. Car non seulement le texte de JLM est un appel explicite à soutenir la journée d’action du 10 septembre – mais il y explique clairement en quoi ce genre de mouvement valide la théorie « insoumise » de la « révolution citoyenne », et quelles sont les conditions de sa réussite (notamment son autonomie organisationnelle).
En publiant de soi-disant « extraits » de ce texte, le « Canard » lui fait donc dire exactement le contraire de ce qu’il affirme.

Dans le torrent de boue, de désinformation et de propagande généré aujourd’hui quotidiennement par les médias de milliardaires, l’articulet du « Canard » peut sembler totalement anecdotique. Et de fait, il l’est.
Mais venant d’un journal réputé précisément pour son indépendance d’esprit et sa liberté éditoriale, il montre aussi comment cette « maladie » s’est aujourd’hui répandue dans l’ensemble de la presse, et démontre combien la quasi-totalité des médias français tournent aujourd’hui le dos à ce qui est pourtant l’ABC du journalisme : partir de la réalité et des faits.
Comme si, dès qu’il s’agit de « canarder » LFI, il n’y avait plus ni principes, ni morale, ni déontologie. L’autre hypothèse étant que le scripteur anonyme du « Canard » est simplement un imbécile incapable de lire un texte – mais cela est évidemment totalement impossible.
Voici donc l’articulet du « Canard » et le texte initial de JLM. À vous d’en juger.

Claude Semal le 21 août 2025.

LE VIRAGE DE MÉLENCHON (« Le Canard Enchaîné » du 20 août 2025, p. 3)

Bayrou n’est pas plus impressionné par l’appel qu’ont lancé Jean-Luc Mélenchon et neuf autres dirigeants de LFI dans « La Tribune du Dimanche » (17/8) à une grève générale et à la censure de son gouvernement. « La grève générale, c’est le mantra du trotskisme », balaie-t-il. Et la censure ? Mélenchon, dans cette même tribune, appelle à soutenir le blocage prévu le 10 septembre, proposant même de « se mettre au service » de ses mystérieux initiateurs. Un virement sur l’aile tout schuss. Car, comme l’a révélé le site Politico (18/8), c’est une autre chanson qu’entonnait le camarade Méluche sur son blog le 30 juillet. Il semblait alors prendre ses distances avec « cette initiative (qui) comme celle des Gilets Jaunes en son temps, se construit en dehors de tout cadre politique ou syndical » et ne voulait pas « en dire plus par respect pour l’indépendance et l’autonomie de ce mouvement ». Disons que ses vacances l’auront fait réfléchir… (le « Canard Enchaîné », p. 3, 20 août).

LES GRANDS RETOURNEMENTS (par Jean-Luc Mélenchon, sur son blog le 30 juillet 2025).

La date du 10 septembre engendre une agitation remarquée sur les réseaux sociaux comme rendez-vous de mobilisation pour « tout bloquer » à la rentrée. Cette sensibilité exprime un état nouveau de l’opinion en plein été. La résignation ne prime plus seulement. Et cela commence par un retournement de température sociale. De nombreux insoumis y participent comme j’en ai été saisi. Mais cette initiative, comme celle des gilets jaunes en son temps, se construit en dehors de tout cadre politique ou syndical. Si elle trouve une dynamique ce sera par elle-même. Et comme pour les gilets jaunes, si je dois donner mon avis je dirai que je me reconnais dans les motifs de cette action. Mais je n’en dirai pas davantage par respect pour l’indépendance et l’autonomie de ce mouvement dont les motivations sont pleinement justifiées. J’y insiste.
L’indépendance et l’autonomie d’un mouvement social de cette nature ne sont pas des inconvénients mais la condition de son succès. Parce qu’en évitant de mettre en scène les divergences liées aux affiliations politiques elle oblige à se concentrer sur des mots d’ordres concrets immédiat qui fasse l’unanimité. La dynamique de telles situations est considérable. Dans le passé récent on a vu en France et ailleurs, comment très vite des assemblées de base apparaissent et fonctionnent comme des « assemblées citoyennes ». Comme le firent les gilets jaunes quand ils se sont installés sur les ronds-points. C’était un symbole qui se révéla très efficace. Dans le livre « Faites Mieux » je décris dans le détail les formes et les étapes que ce type de mouvement a franchi partout dans le monde à partir de ces méthodes. J’analyse le processus de « transcroissance » qui le conduit à s’affirmer progressivement sur des positions et dans des formes désormais assez connues.
La première de ces étapes est le moment où le mouvement s’auto désigne comme « le peuple » refusant toute étiquette particulière. Puis il passe à une étape destituante que l’on nomme « dégagiste » selon le mot désormais inscrit au dictionnaire.
Avec un mot d’ordre comme : « tout bloquer » on comprend qu’est déjà affirmé une certaine volonté et direction d’action à l’œuvre. L’unique objectif sur le terrain pour nous dans de telles situations est de se mettre au service de l’action, de son élargissement, de sa cohésion. Dans tous ses aspects. Donc de son autonomie qui est la condition de son enracinement.
La phase « destituante » d’un tel mouvement peut parfaitement fonctionner et aboutir si le gouvernement est pris en tenaille entre ce mouvement et la motion de censure que nous avons proposé de déposer à l’Assemblée. Cette fois-ci, le syndicalisme salarial voudra sans doute appuyer ce mouvement social s’il a lieu. En déposant un préavis de grève de longue portée à partir de septembre Force ouvrière a donné un signal d’implication dans la rentrée sociale assez vigoureux. Mais là encore l’autonomie doit rester la règle si cette action s’engage. La nôtre aussi comme mouvement politique, cela doit s’entendre. (JLM, sur son blog, le 30 juillet 2025)

« Respecter l’autonomie d’un mouvement », ce n’est donc en aucun cas « prendre ses distances » (sic) vis-à-vis de lui, mais au contraire « se mettre au service de l’action, de son élargissement, de sa cohésion ». C’est quoi, le mot qu’il ne comprend pas dans cette phrase, le volatile ? De quel “virement sur l’aile” le Canard parle-t-il donc ? En ce qui me concerne, j’estime donc que le camarade Canardo ferait bien de s’acheter des lunettes… ou de prendre des vacances ? Il parait que cela fait réfléchir. (C.S.)

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