
06 mai 2025
DERNIERS MOTS À IGOR MOLTCHANOV par Jean-Pierre Frandebise (sur Facebook)
Très étrange sentiment en me retrouvant complètement seul dans ce funérarium... personne nulle part, sauf toi, dans ta boîte en bois. Ça ne m’a pas dérangé du tout, au contraire. Je me suis assis à tes côtés, et nous avons parlé comme autrefois. Les souvenirs de nos fous rires me sont revenus ; tu étais incapable de retenir tes larmes quand tu riais, c’était magnifique à voir… et particulièrement communicatif.
Puis René ( Stock ) est arrivé, on s’était filé rencard. On était bien là, tous les trois, à nous rappeler des anecdotes de concerts, de voyages, de soulographies… faut dire qu’à l’époque on ne se retenait pas. Ensuite un couple est arrivé, une artiste un peu déjantée qui a commencé par aller t’embrasser à travers le bois en murmurant quelques mots en russe, puis elle nous a lu le poème qu’elle a écrit à ton intention. C’était de bon ton. Ça m’a fait plaisir. Puis j’ai embrassé René, salué le couple et je me suis barré.
Je ne t’ai pas connu longtemps, par ci, par là, jusqu’à ce qu’on nous engage tous les deux pour cette pièce de théâtre, grâce à laquelle nous avons tous deux obtenu ce fameux ” statut d’artiste ” – qui était devenu notre blague obsessionnelle pendant deux ou trois mois, genre ” passe-moi le statut d’artiste ” pour dire ” passe-moi le sel “, putain j’en ris toujours…
Pendant la tournée qui s’ensuivit, toute l’équipe t’adorait, comme nous adorions tous deux Suzy et Monique, les deux plus vieilles comédiennes de Belgique à l’époque, que tu vas rejoindre aujourd’hui, sans doute pour porter leurs valises, comme nous le faisions autrefois, nous, les chevaliers servants des vieilles dames de théâtre… que de chouettes souvenirs, mon pote. Que de rires, que de bouteilles… Trois mois intenses, à bosser tous les jours, à tout partager, à te réveiller quand tu t’endormais sur scène, ha ha ! Bon je te laisse, je ne viendrai pas à la cérémonie vendredi mais ça n’a plus d’importance à présent, ni pour toi, ni pour moi. Je t’embrasse, samouraï, et là où tu vas… tu n’as plus besoin du statut d’artiste !
Jean-Pierre Froidebise (sur sa page Facebook)
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