
25 mai 2025
LA FRANCE MALADE DE SON ISLAMOPHOBIE par Claude Semal
En contrepoint de son humanisme universaliste, la France, ancienne puissance coloniale, a régulièrement engendré un parfum de racisme endémique – fruit pourri de son expansionnisme territorial. Logique.
Il fallait bien que les autres peuples et les autres cultures fussent “en-dessous” des Français pour prétendre aller les “civiliser” aux quatre coins de l’univers.
Au cours de sa longue histoire, la France sut en outre s’inventer quelques ennemis intérieurs (protestants, juifs, communards…) qui engendrèrent à leur heure autant de Saint-Barthélémy, semaines sanglantes, révolutions nationales et autres Procès Dreyfus.
Pour combattre ces fantasmagoriques “cinquième colonnes”, venues brouiller le code génétique occidental et chrétien de nos prétendus “ancêtres les Gaulois”.

Lausanne, 2017
Au confluent de ces deux mécanismes, la xénophobie post-coloniale et le bouc émissaire de saison, le racisme anti-arabe prend aujourd’hui la forme d’une véritable islamophobie d’état – qui a pulvérisé ces dernières semaines toutes les barrières de la raison et de la morale.
Car cet air puant que l’on respire aujourd’hui en France, ce n’est plus seulement le fumet fromager des godillots légionnaires qui font suer les pagnes et les burnous dans des territoires exotiques hantés par le chikungunya.
C’est l’odeur pestilentielle d’un cadavre honteux qui pourrit au coeur même de la République, en propageant ses miasmes délétères jusqu’à la tête de l’État et du gouvernement, et dans tous les membres de son administration. J’ai nommé : l’islamophobie.
Dans une interview-portrait dans “Le Monde” du 13 février 2025, Louis Sarkozy, qui a désormais table ouverte dans tous les médias mainstream, avec pour seule qualité d’être le fils d’un ex-président de la République sous bracelet électronique, et d’avoir pour parrain Martin Bouygues, le bétonneur milliardaire propriétaire de TF1, a ainsi pu tranquillement déclarer à l’antenne vouloir “mettre le feu à l’ambassade d’Algérie“. Ce mec est certes complètement taré – mais l’audience qu’on lui prête est très représentative du climat islamophobe de nos grands médias.
Le 26 mars 2025, le Ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, qui avait pourtant, à ce titre, le Bureau des Cultes dans ses attributions, pouvait conclure un discours de 14 minutes au meeting “Pour la République, contre l’Islamisme”, organisé par le lobby pro-israélien Elnet (1), par cette forte exhortation : “À bas le voile !“. Rien à voir avec un amour immodéré pour la laïcité, Bruno Retailleau ayant travaillé pendant vingt-cinq ans avec Philippe de Villiers, l’ultra-catho et ultra-conservateur fondateur du Puy du Fou.
L’ex-Premier Ministre Gabriel Attal s’était déjà distingué par sa circulaire “abaya” du 31 août 2023, instituant une police du vêtement dans les établissements scolaires. Le 21 mai 2025, en contradiction avec toutes ses positions antérieures, Attal s’est brusquement prononcé pour l’interdiction du voile dans l’espace public pour les jeunes filles de moins de quinze ans.
Le prétexte ? Elles n’auraient pas pu, à cet âge, porter le foulard “par choix”. Au contraire, je le suppose, des bébés catholiques qui se font baptiser à six mois, ou des bébés juifs qui se font circoncire à huit jours.

Lausanne, 2017
En plus d’être discriminatoire pour les musulmans, cette mesure est en outre parfaitement inapplicable – à moins de vouloir absolument vivre dans un cauchemar policier et totalitaire. Vous imaginez les forces de l’ordre arrêtant toutes les jeunes filles voilées de 14-16 ans dans la rue pour vérifier leur âge ? Et quelles seraient alors les “sanctions” prises contre celles qui ne se soumettraient pas à cette limite d’âge “officielle” ?
Cela n’a aucun sens – comme l’ont d’ailleurs affirmé plusieurs autres députées du parti de Monsieur Attal.
Cette proposition est donc simplement une façon particulière débile de courir au cul du Rassemblement National – mais qui, par son simple énoncé, renforce aussi une sorte d’islamophobie d’état.
Toutes les religions, avec leurs rituels, leurs interdits alimentaires et leurs fables fondatrices, peuvent nous sembler absurdes, ridicules ou discriminatoires. Aux yeux du moins d’un athée, ou du membre d’une autre religion. Absolument toutes. Un exemple entre mille : chez les catholiques, la soi-disant “vierge” Marie, pourtant mariée à Joseph, qui serait “visitée” par l’ange Gabriel, qui lui apporterait la semence de “dieu”. Et mon cul, c’est un hareng saur.
Mais à partir du moment où vous reconnaissez la pluralité des cultes, et la liberté de pouvoir (ou non) les pratiquer, tant que l’ordre public et l’intégrité physique des “individus croyants” sont assurés, l’État laïc n’a pas à régimenter leur contenu et leur exercice. En principe, dans une société démocratique et laïque, ce n’est simplement pas son problème.
Car contrairement à ce que l’on croit parfois, la “laïcité à la française” n’est pas une forme d’athéisme d’état.
Mais plutôt une forme de “neutralité”, “d’indifférence” de l’état face au fait religieux.
Pour permettre ainsi à chacune de ces religions de cohabiter avec toutes les autres, comme elles doivent, toutes ensemble, pouvoir cohabiter avec les non-croyants – qui sont de plus en plus nombreux dans nos sociétés sécularisées.
Pour avoir connu un siècle de sanglantes guerres de religions entre catholiques et protestants, puis un siècle de guérrilla parlementaire entre catholiques et laïcs, la France a déjà payé un lourd tribu à la question religieuse.
Et les lois en vigueur jusqu’ici visaient précisément à normaliser cette question et à maintenir dorénavant la paix civile.
Revenons donc à l’islam et à l’islamophobie. Ce même 21 mai 2025, Emmanuel Macron tenait un “Conseil de Défense” (!), un sujet touchant donc à la sécurité nationale, autour d’un dossier sur les Frères Musulmans en France – dossier commandité par Darmanin quand il était encore ministre de l’Intérieur. Ce qui me frappe surtout, dans cette histoire, c’est (à nouveau) l’instrumentalisation de l’islam par des gens comme Retailleau, Darmanin et Macron, pour faire peur aux gens et tenter de récupérer les électeurs de Le Pen. Car pour le reste, ce dossier ne nous apprend pratiquement rien.
Les “Frères Musulmans” représenteraient entre 400 et 1000 personnes en France, et seraient influents dans 7% des mosquées. Leur financement aurait diminué de moitié en quelques années. Aucune menace physique n’aurait été relevée par ce rapport.
En outre, tous les actes terroristes islamistes commis en France ne sont pas nés à la périphérie “des Frères Musulmans”, mais dans certains milieux salafistes financés par l’Arabie Saoudite et le Qatar – deux pays arabes… “amis” des pays occidentaux !
À ce sujet, je vous invite vraiment à écouter ci-dessous l’interview de David Guiraud (député LFI) sur Europe1.
Comme tout le monde, j’avais bien sûr été ému, bouleversé, révolté et horrifié par les attentats terroristes islamistes qui ont fait des centaines de morts à Charlie-Hebdo, à l’épicerie casher et au Bataclan en 2015, à l’aéroport de Zaventem, dans le métro de Bruxelles ou sur la digue de Nice le 14 juillet 2016 – sans compter les meurtres horribles des enseignants Samuel Paty et Dominique Bernard. Plus quelques autres victimes moins médiatisées. Je n’ai donc pas besoin qu’on m’explique la peur, le dégoût, la colère, ni même l’esprit de vengeance que cela a pu engendrer chez certains : je les ai moi-même ressentis.
Mais pas une seconde, je n’ai assimilé ces criminels terroristes à l’ensemble des musulmans, ni même à une minorité d’entre eux.
En commettant ces actes barbares, ces terroristes islamistes avaient pour but de fractionner la société française, de provoquer la peur et le rejet des musulmans, en espérant ainsi semer les germes d’une guerre civile à l’intérieur même de l’Hexagone. Face à cette stratégie du pire, notre seule réponse doit être au contraire celle de la raison et du coeur : la solidarité et la fraternité. Vis à vis des victimes, bien sûr, mais aussi vis-à-vis de l’ensemble des musulmans de France, qui dans leur écrasante majorité, sont totalement étrangers à ces calculs pourris.
Là où d’autres sèment perpétuellement la haine, nous devons au contraire inlassablement combattre la xénophobie et le racisme pour construire ensemble l’unité des classes populaires – qui, j’en suis profondément convaincu, ont toutes le même goût pour la justice, la liberté et le bonheur.
Claude Semal, le 23 mai 2025.
David Guiraud sur Europe 1
L’excellente émission de critique des médias de Mourad Guichard, sur la chaîne Le Média-TV, à laquelle on peut évidemment s’abonner :
Laurette Vankeerberghen
Posted at 16:48h, 24 maiC’est un manière de stigmatiser tous les musulmans en France bien sûr et d’encourager, développer encore plus l’islamophobie, la peur et la haine de «l’autre»
Et ça tombe bien au moment où plus personne ne peut plus (n’ose plus) nier le génocide des Palestiniens et Palestiniennes de Gaza qui majoritairement sont musulmans.
Je me trompe ?