L’AUTODESTRUCTION VIOLENTE DES STATES AU XXIᵉ SIÈCLE OU COMMENT CELUI QUI MANIE LE GLAIVE, PÉRIT PAR LE GLAIVE par Rudy Demotte

L’assassinat de Kirk, évangéliste de la brutalité, est un symptôme. Soyons clair, je condamne toute violence. Sous toutes ses formes. Posons-nous la question, que révèle-t-elle?
Un mot d’abord sur ce monstrueux assassinat. Quels que soient les mots et l’ignominie d’une pensée exprimée par un homme, rien n’excuse ou ne justifie cet acte immonde.
À y regarder de près, ce drame porte pourtant en lui les traits d’une tragédie grecque jouée dans un cirque médiatique moderne : les prophètes de haine tombent sous les coups des monstres qu’ils ont enfantés.

Quelques éléments de mise en perspective. Qui est Charlie Kirk? Charlie Kirk, la victime de cet attentat était, aux côté de Bill Montgomery, un des fondateurs de « Turning Point USA », pépinière de slogans pour étudiants en mal d’épopée, en fournit deux paraboles d’une ironie macabre. À quelle ironie fais-je allusion?
L’un et l’autre n’avaient pas peur des images fortes, poussées au paroxysme. Au point que leur rhétorique tranchante a fini par les rattraper.

Revenons un instant sur son comparse, Bill Montgomery, d’abord. Ce cofondateur ricana en 2020 face au Covid-19 et aux masques sanitaires, ces « muselières » qu’il voyait comme l’emblème d’une tyrannie. Il transformait chaque geste de prudence en capitulation. Le virus qu’il tournait en dérision lui cloua la bouche à jamais. Cruel retour de flamme : ce masque, dont il se moquait, aurait prolongé son souffle.

Charlie Kirk, ensuite. L’orateur qui transformait la rancœur en spectacle, l’architecte du clip vengeur, le catéchiste d’une jeunesse gavée de ressentiment, s’effondre ce 10 septembre 2025 sur une estrade d’Utah, fauché par Tyler Robinson, 22 ans, casier vierge, issu d’une famille religieuse et conservatrice, enregistrée comme républicaine. Non pas un ennemi extérieur, mais un pur produit du sérail. À peine le sang séché, Donald Trump et ses valets hurlent à l’« antifa armé », au migrant, au transgenre. Mensonge grossier, digne du bateleur qu’il est.

En fait, Trump, tel un Néron devant l’incendie, s’empare -sans vergogne- du cadavre pour en faire une arme. Fox News et ses satellites relayent des récits délirants : un assassin transgenre, un agent de l’extrême gauche, un complot d’immigrés.
Deux douilles, laissées intactes, portaient des inscriptions pseudo-antifascistes (ciao bella), grotesques et contradictoires. Tout indique moins un cri politique qu’un montage grossier destiné à incriminer la gauche et à nourrir la dramaturgie victimaire de l’extrême droite.
Le château de cartes s’écroule dès que la vérité commence à se faire jour : l’assassin présumé appartenait au sérail, enfant du conservatisme local. Fils d’un ex-policier, MAGA.

Les premiers éléments de l’enquête esquissent donc une tout autre piste. Selon certains journalistes d’investigation américains, Robinson pourrait être proche des Groypers, une nébuleuse ultra-droite rassemblée autour de Nick Fuentes. Ce mouvement, composé de jeunes nationalistes blancs et chrétiens, s’est illustré par ses actions d’entrisme : infiltrer, perturber et pousser le Parti républicain vers l’extrémisme pur et dur. Hostiles à Charlie Kirk, qu’ils accusaient de mollesse et de compromission – trop indulgent envers Israël, trop tolérant envers les conservateurs LGBTQ -, ils l’avaient pris pour cible depuis des années.

Dans leur logique délirante, Kirk n’était pas trop radical, il ne l’était pas assez.
Pendant ce temps, sur les réseaux, ses partisans se sont livrés à une inquisition digitale : scruter les messages ironiques, dénoncer leurs auteurs, les faire licencier. Professeurs, fonctionnaires, pompiers : tous passés à la moulinette.
Laura Loomer et d’autres se sont érigés en commissaires politiques, publiant des profils LinkedIn et exigeant des têtes. La liberté d’expression, pourtant sacralisée par ces milieux, se retournait en instrument de censure.

Les trumpistes vivent du mensonge permanent. Du détournement de sens. Ils crient à l’invasion, mais l’assassin venait de chez eux. Ils voient partout des « gauchistes radicaux », mais c’est un de leurs enfants qui a tiré. Ils sanctifient les armes comme des hosties, puis feignent la stupeur quand l’autel ruisselle de sang.
Et voilà Kirk hissé au rang de martyr, canonisé par une droite en mal d’icône. Toute critique devient blasphème ; toute ironie, une faute punissable. Comme dans les vieilles liturgies totalitaires, la mort d’un homme sert à museler les vivants.

Le grotesque alla jusqu’aux funérailles : cercueil transporté par Air Force Two, drapeaux nationaux en berne, garde d’honneur, avec JD Vance portant le cercueil , caméras offertes à la veuve transformée en Pythie. Comme si un polémiste, marchand d’influence privée, méritait les hommages d’État. Indécence suprême : canoniser en martyr officiel celui qui avait fait profession de semer la discorde.

Il faut rappeler son évangile : les morts par balles comme « prix rationnel » du Deuxième amendement ( droit de porter une arme) . Il affirmait « Je pense que ça vaut la peine d’avoir, malheureusement, chaque année un certain nombre de morts par armes à feu, afin que nous puissions conserver le deuxième amendement pour protéger nos autres droits donnés par Dieu. C’est un marché judicieux. C’est rationnel. »

L’empathie dénoncée par Kirk est vue comme une faiblesse. Le racisme qui suinte de chaque propos qu’il tient. Les pilotes noirs soupçonnés d’incompétence. Les femmes noires aux études qui ne devraient leur progression qu’à des quotas. La discrimination positive décrite comme une fraude où on vole des places aux blancs. Les migrants assimilés à une horde barbare, qu’il faudrait « fouetter ou abattre ».
Dix ans de martèlement, une génération dressée à croire que la brutalité est une vertu et la compassion une trahison.

Et son épouse, vengeresse, avertit : « vous n’avez aucune idée de ce que vous venez de déclencher dans tout le pays et dans le monde entier. Vous n’avez aucune idée du feu que vous avez allumé (…) » La menace est claire. La guerre de la haine se poursuivra.
Paradoxe tragique : Kirk n’est pas tombé sous le feu des ennemis fantasmés qu’il désignait, mais sous celui d’un disciple issu de la même matrice idéologique. L’Amérique s’est tirée dessus.

Dans la discorde et la violence politique des USA sous Trump, le pays ne se contente plus de fabriquer des armes : il fabrique les récits qui les justifient, fabrique les idoles qui les brandissent, et fabrique les martyrs involontaires qui en paient le prix. Montgomery a succombé au Covid qu’il niait. Kirk est tombé sous les balles qu’il bénissait. Entre les deux, une nation qui farde sa pulsion de mort aux couleurs de la liberté.

Voilà le vrai visage de l’Amérique trumpiste : une civilisation qui ne sera pas détruite par un virus étranger ou un complot imaginaire, mais par son propre culte de la violence et ses prédicateurs qui cultivent la haine. Dans ce théâtre morbide, les bouffons deviennent prophètes, et les prophètes finissent en cadavres.
Mon fidèle ami Serge Hustache, un homme sage et avisé, commentant ces événements relevait -justement- les propos attribués à Jésus “ Remets ton épée à sa place ; car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée” (Matthieu 26, verset 52).

Rudy (sur sa page FB)

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