LES POMPIERS PYROMANES par Bernadette Schaeck

“Être disposé à travailler” : obligation d’être surexploité ?
Il travaille en intérim. Le maximum d’heures qu’on lui “propose”. Il perçoit un complément en Revenu d’intégration (= allocation du CPAS) à son salaire d’emploi à temps partiel.
Il a dû quitter son logement insalubre, sur décision du service salubrité et hygiène de la Commune. Il a passé une énergie de dingue pour trouver un logement pour lui, son épouse et leurs quatre enfants. Il n’a pu compter que sur lui-même pour ce faire.
Il l’a trouvé, le logement !
Et là, c’est une véritable prouesse : être réfugié, avec quatre enfants, n’avoir pas la peau blanche, et émarger au CPAS.
La firme d’intérim pour laquelle il travaille lui a proposé trois heures de plus par semaine. Il a demandé un répit d’un mois ou deux pour poursuivre ses recherches de logement et assurer le déménagement et l’installation.
Nous savons tous, au moins un peu, ce que ça peut représenter comme temps, énergie, et argent, pour assurer tout cela avec quatre enfants et des moyens financiers extrêmement bas. Le CPAS l’aurait-il aidé dans tout cela ?
N’y pensez pas : au contraire, il lui a supprimé le RI pour “non disposition au travail” parce qu’il n’a pas accepté tout de suite les 3 heures supplémentaires par semaine. Si je pouvais hurler, je hurlerais ! Je hurle. Situation dans un CPAS wallon à la con.

X X X X X X X

Elle me remercie du fond du cœur… Elle vient de percevoir les arriérés de RI (« revenu d’intégration », l’allocation du CPAS) depuis mars 2025.
Il en fallu, des démarches, de sa part, puis de la nôtre, pour y parvenir !
Elle n’a pas fait, comme une autre dont je vous ai parlé récemment, “un carnage au CPAS” qui avait entraîné l’intervention de la police, intervention qui avait permis qu’elle soit enfin reçue par un AS (« Assistant Social » – ce qui ne veut pas encore dire que son dossier sera traité rapidement, affaire à suivre).
D’autres qu’elle sont aussi sans aucun revenu depuis plusieurs mois. Dans deux semaines, combien de centaines de chômeurs en fin de droit introduiront-ils une demande au CPAS d’Anderlecht ? Carnage social assuré !
Pas qu’à Anderlecht, mais là, ce sera inévitablement un sacré carnage !
Cela fait évidemment infiniment moins de bruit – c’est peu dire ! – que le reportage de la VRT qui, voilà un an, avait fait croire qu’au CPAS d’Anderlecht, on obtenait une aide les deux doigts dans le nez sans contrôle …

X X X X X X X

Compensations financières 2025 au CPAS : elles seront versées en 2026 !
Confirmation par le SPP Intégration sociale dans sa lettre d’informations d’hier 17 décembre que les 26 millions promis pour 2025 ne seront versés aux CPAS que début 2026 !
Les CPAS ont donc préparé (ou pas) l’afflux de nouvelles demandes au 1er janvier 2026 sans aucun moyen financier compensatoire ! Pour rappel, il s’agit de 26 millions à répartir entre 589 CPAS belges ! Chaos assuré. Chaos organisé. Chaos délibéré.
En même temps, le SPP IS a adopté le 15 décembre une circulaire à propos de la gestion de l’agressivité dans les CPAS intitulée “Circulaire sur les bonnes pratiques en cas d’agressivité dans le CPAS.” Une circulaire pour lutter contre la violence des usagers.
Qui incite entre autres, je cite à “Obtenir des informations de la police, par exemple sur les personnes présentant un risque d’incendie”.
Sérieux ? De qui se moquent-ils ? Le SPP IS et la ministre craignent-ils que les usagers mécontents mettent le feu aux locaux du CPAS ?
Il faudrait donc que les CPAS détectent parmi les futurs chômeurs en fin de droit ceux qui seraient susceptibles de mettre le feu au sens propre ? Van Bossuyt démission …

X X X X X X X

Violences verbales ou physiques priveront du revenu d’intégration sociale ?!?
Après la VRT, RTL, Sud Info (et sans doute beaucoup d’autres médias), les réseaux dits sociaux (dont des groupes de travailleurs sociaux) diffusent cette “information” : une circulaire du SPP Intégration sociale indiquerait que les CPAS retireront le RI aux bénéficiaires violents. La circulaire ne dit pourtant absolument pas cela. Elle dit textuellement (j’ouvre les guillemets) : « Il en ressort que lorsque le comportement agressif, intimidant ou menaçant d’une personne est tel que le travailleur social n’arrive pas à récolter les éléments nécessaires à l’enquête sociale auprès de l’intéressé, il peut proposer une décision de refus au Conseil ou organe délégué pour ce motif. Il y a toutefois lieu de rappeler que le CPAS est également tenu de récolter lui-même les éléments faisant défaut, notamment via les flux de données de la BCSS. Il y aura également lieu de rappeler à la personne son droit d’être entendu par le Conseil ou organe délégué.” (je ferme les guillemets).
C’est tout de même infiniment plus mesuré que ce qui circule dans les gros titres des médias, repris tels quels dans les réseaux sociaux. Soit Van Bossuyt a diffusé la circulaire avec un communiqué. Soit la VRT, ou d’autres journalistes, l’ont interrogée et elle a fait des déclarations telles que rapportées pour la première fois hier par la VRT. Je ne sais pas, je ne suis pas dans le secret des dieux…
La circulaire est intitulée “Circulaire sur la gestion de l’agressivité dans les CPAS” et est datée du 15 décembre. Je mets à le lien en note. Lisez-la, elle est très courte (1).

X X X X X X X

On peut supposer que les juristes et autres membres du personnel du SPP IS savent que les délires de leur ministre ne peuvent pas raisonnablement être coulés en circulaire officielle.
Invoquer les violences des usagers permet de taire les violences induites par les politiques d’austérité présentes et surtout à venir.
Bien évidemment, cela trouve toute sa place dans la désormais campagne anti pauvres permanente.
Si la circulaire n’incite donc pas, et encore moins oblige, les CPAS à refuser ou retirer le RI aux bénéficiaires agressifs, elle n’en contient pas moins des pistes d’action inacceptables, comme une collaboration directe avec la police (ce qui est jusqu’à présent illégal).
J’y reviendrai un de ces jours.
J’espère que des parlementaires auront à cœur d’interpeller cette ministre Haine-VA sur tout ce qui n’est pas de sa part des “dérapages”, mais une manière de penser et d’agir ultralibérale. Et elle n’a pas fini ! Le pire est encore à venir.

X X X X X X X

L’humiliation en plus !
62 ans, exclue du chômage au 1er janvier 2026.
Elle est en très mauvaise santé.
Elle a eu du mal à faire la démarche d’introduire une demande au CPAS.
Elle ne s’était jamais imaginé qu’elle en arriverait là un jour.
Elle doit fournir ses extraits de compte des 3 derniers mois.
Elle ne comprend pas pourquoi.
Elle se sent “mise à nu”, considérée comme une moins que rien.
Elle a dû aussi subir une visite à domicile.
Elle ne comprend pas pourquoi.
Heureusement, la visite ne fut pas intrusive comme elles le sont trop souvent.
N’empêche, elle ne comprend pas pourquoi elle a dû subir cela.
Elle ne sait pas m’en parler sans pleurer, et moi, ma foi…
Combien de chômeurs en fin de droit vont-ils vivre ce sentiment d’humiliation, de déchéance ? Il n’y a aucune honte à être amené à introduire une demande au CPAS. Mais c’est tellement ancré dans les mentalités ! Et certaines pratiques de trop de CPAS sont effectivement humiliantes. Il va falloir agir aussi là-dessus.
Bonne soirée quand même.

Bernadette Schaeck, de l’Association de Défense des Allocataires Sociaux

contact : http://www.adasasbl.be

(1)  https://www.miis.be/sites/default/files/documents/Circulaire%20sur%20les%20bonnes%20pratiques%20en%20cas%20d%27agressivit%C3%A9%20dans%20le%20CPAS.pdf

No Comments

Sorry, the comment form is closed at this time.