
30 juillet 2025
L’EUROPE DE L’APLAVENTRISME par Gwen Breës
Pour suspendre l’Accord d’association UE- Israël, il fallait l’unanimité des États-membres. Personne n’y croyait. Mais pour prendre des sanctions plus ciblées, telle que la suspension partielle d’Israël du fonds Horizon Europe, il faut une majorité de 55% des membres représentant 65% des citoyens de l’UE. Cela semblait plus réaliste.
Mais c’était sans compter sur les remarquables facultés d’aplaventrisme de l’UE, qui ont déjà atteint des sommets, l’autre jour, en signant l’accord sur les droits de douane avec les États-Unis.
Aujourd’hui, la Hongrie, la Bulgarie et la République tchèque se sont opposées, comme à leur habitude, à toute sanction envers Israël. Mais c’est surtout l’Allemagne et l’Italie, fortes de leur poids démographique, qui ont empêché une décision sur la sanction proposée, pourtant minimale. « L’Allemagne souhaitait poursuivre le dialogue avec Israël plutôt que de prendre des mesures, mais nous savons tous que le dialogue ne fonctionne pas », a déclaré à Euronews une source présente à la réunion. Une autre source a expliqué à Haaretz que l’Allemagne et l’Italie « ont demandé un délai supplémentaire afin d’évaluer si la situation humanitaire à Gaza s’était améliorée, avant de décider de soutenir ou non une suspension partielle de la coopération ». C’est sûr que les Gazaouis ont du temps devant eux…
Le pire, c’est que la réponse est dans la question. Et que l’UE le sait bien… Aujourd’hui, Maciej Popowski, directeur général des affaires humanitaires à la Commission européenne, a expliqué à la presse qu’Israël avait mis en œuvre certaines parties de « l’entente » — non contraignante juridiquement, contrairement à un accord — conclue avec l’UE il y a trois semaines, en échange d’un abandon des sanctions. Les points de raccordement de l’eau entre Israël et Gaza auraient été réparés, ainsi que la connexion électrique de l’usine de dessalement dans le sud de Gaza.
Popowski a avoué ne pas pouvoir évaluer la quantité d’aide entrant dans Gaza, notamment parce qu’Israël lui a interdit l’accès à l’enclave… pour des raisons qu’il qualifie lui-même « d’irrationnelles ». Popowski a toutefois indiqué que, selon ses informations, Israël n’a laissé entrer que 86 camions d’aide humanitaire, hier, alors qu’il s’était engagé à en laisser entrer 160 chaque jour — ce qui est largement insuffisant : selon l’UNRWA, il faut au moins 500 à 600 camions de nourriture, de médicaments et de produits d’hygiène chaque jour pour subvenir aux besoins de la population de Gaza.
Et cela fait penser à ce constat qu’on peut faire, toutes et tous, quand on observe le comportement quotidien d’Israël : « Israël n’écoute pas le langage ». Nomi Bar-Yaacov, experte en diplomatie au Moyen-Orient, née en Israël, le disait la semaine dernière à Associated Press : « Le langage n’a aucun effet sur le gouvernement israélien actuel. À moins qu’un mécanisme ne soit convenu et appliqué rapidement, alors les mots n’ont strictement aucune signification. » Seuls les actes comptent.
Mais certains pays semblent avoir une étonnante constance à se ranger du mauvais côté de l’Histoire…
Gwen Breës le 30 juillet 2025
(sur sa page FB et dans l’Asympto, avec l’aimable autorisation de l’auteur)
EDIT 1er AOÛT 2025 :
« Celles et ceux qui n’agissent pas pour faire cesser ce génocide et ces violations du droit international bien qu’ils aient la possibilité de le faire, s’en rendent complices. C’est le cas malheureusement des dirigeants actuels de l’Union européenne et de ceux de ses États membres qui refusent de sanctionner Israël bien que l’Union européenne en ait l’obligation juridique. (…)
En persistant à ne pas suspendre l’accord d’association bien qu’il soit manifestement violé par Israël, à ne pas bloquer les livraisons d’armes vers ce pays malgré les crimes de guerre et contre l’humanité commis à Gaza, à ne pas interdire les importations en provenance des colonies illégales malgré les décisions en ce sens de la Cour de justice Internationale, à ne pas sanctionner les ministres et les dirigeants politiques israéliens qui tiennent des propos génocidaires, à ne pas interdire à Binyamin Netanyahou d’utiliser l’espace aérien européen malgré le mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, à ne pas soutenir les juges de la Cour pénale internationale et les responsables des Nations unies sanctionnés par les États-Unis, l’Union européenne et ses États membres se déconsidèrent aux yeux du monde et discréditent le droit international et l’ordre multilatéral qu’ils sont censés défendre. »
— Josep Borrell, ancien Haut Représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, dans une carte blanche parue aujourd’hui dans Le Soir :
https://www.lesoir.be/691047/article/2025-08-01/josep-borrell-sur-la-situation-gaza-cessons-detre-complices?
Spéciale dédicace à toutes les organisations et personnes qui ont lancé aujourd’hui l’action GazArizona pour forcer le gouvernement belge à agir.
Lire l’appel : https://www.association-belgo-palestinienne.be/gazarizona-des-paroles-steriles-sont-pires-que-le-silence-complice-agissez-aujourdhui/
Signer la pétition : https://www.change.org/p/gazarizona-basta-blabla?utm_medium=custom_url&utm_source=share_petition&recruited_by_id
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