CES MRDEUX QUI NOUS GOUVERNENT par Claude Semal

Nous voilà donc confrontés à un gouvernement de racistes, de menteurs, de manipulateurs et d’incompétents. Et je peux expliciter chacun de ces termes. « Des gouvernements », devrais-je plutôt dire, puisque dans notre complexe système fédéral, nous en avons sept. Ou plutôt six, puisque celui de Bruxelles-Capitale est toujours dans les limbes, et qu’un tatoué du bulbe montois vient d’y sauter en parachute comme sur le kop des Francs-Borains, ou sur les bottes de paille du circuit de Spa-Francorchamps. Avec lui, ça va d’aller mieux, c’est sûr (les Francs-Borains sont 14ème sur 16 en division 1B, et les Socialistes et Vooruit ont quitté les négociations avant même qu’elles ne commencent).
La semaine passée, je vous expliquais pourquoi Bart de Wever, indépendantiste flamand et chef de la N-Va, n’occupait pas son poste de Premier Ministre belge pour « diriger » la Belgique, mais pour la liquider (1). Cette semaine, ce sont les plus hauts dirigeants du MR et de leur célèbre Centre Gogol qui, à deux reprises, ont diffusé des « fake news » qui repoussent un peu plus loin les limites du mensonge et du cynisme en politique.

Nadia Geerts, de la Fondation Gogol, qui n’en rate décidément pas une

Nous avons d’abord croisé sur les « rézozozios » la vidéo virale de Carol Zanin, qui a présenté la météo dans plusieurs médias belges et français (RTBF, RTL,TF1…). Une « animatrice » donc, pas une journaliste. Sous son bonnet rouge de chômeuse lambda, Carol a prétendu qu’une employée de l’ONEM « lui aurait dit » qu’elle était « manipulée » par la CSC pour lui « faire peur » et l’inciter « à aller manifester » alors qu’elle n’était pas « vraiment » exclue du chômage (et cette vidéo a évidemment été aussitôt relayée par tous les ministres MRdeux).
Or il n’y avait pas de manifestation prévue, … et elle sera vraiment exclue du chômage !
Renversement résolument orwellien, pour ne pas dire trumpiste, où le « scandale » qu’elle « dénonce » ne sont plus les 200.000 exclusions… mais le malheureux syndicat qui s’efforce de conjurer la catastrophe et de défendre les droits de ses adhérents !

Et ensuite, la même semaine, nous avons eu la sortie du Ministre de l’Emploi David Clarinval dans Sud-presse, qui prétendait que « 57% des exclus du chômage sont non-belges ». En s’appuyant sur quelques médias complaisants – y compris des émissions du service public – qui semblent vraiment avoir oublié l’ABC de la déontologie journalistique dans la boîte à gant de leur « Clio de merde » (2). Du genre : enquêter sur un sujet avant d’en parler, ou vérifier une info avant de la diffuser.

Quand j’ai vu passer la vidéo de Carol Zanin sur « Facebook », qui nous servait une « infox » visiblement bidon avec des airs conspiratifs de scoop de l’année, j’ai mentionné sous son post : « Je suis presque sûr que c’est un fake. Tu as vu où elle travaille » ? Bon, ce n’était peut-être pas très « fut-fut » comme remarque, mais Carol me semble être l’incarnation même de la « victime-complice » des médias de MRde dans lesquels elle bosse (C8, CNews et LN24… ). Ces chaînes « d’infaux » qui cherchent visiblement plus souvent à provoquer du « clash » et du « buzz » qu’à partager des informations fiables. Une certaine « culture maison » de la désinformation /spectacle.

Tout le « storytelling » antisyndical de Carol ne me semblait d’ailleurs absolument pas tenir debout. Comme si, après le succès de masse de la dernière manif syndicale, les syndicats avaient besoin de « mentir » à leurs adhérents pour les mobiliser !
Comme si jeter 200.000 personnes à la rue n’était pas un motif suffisant pour en mobiliser bien d’avantage !
On connait aujourd’hui le déroulé et le narratif des événements.
La CSC avait envoyé un courrier à tous ses adhérents menacés d’exclusion pour les inciter à suivre des formations dans les métiers dits « en pénurie ». Pour une raison bien simple : suivre une telle formation suspendrait en principe l’exclusion (3) !
Or ces exclusions sont programmées en « vagues » successives, et l’administration du chômage n’a pas encore été informée de la liste complète de tous ceux et de toutes celles qui en seront in fine victimes. Et Carol, qui proclame être une « grosse bosseuse » travaillant tout le temps, ne se sentait elle-même pas du tout concernée. C’est à se demander d’ailleurs ce qu’elle fout au chômage, plutôt qu’avec un CDI en poche.
Aussi, quand Carol a téléphoné à l’ONEM, on lui a simplement signalé qu’elle ne faisait pas partie de la présente charrette. Et c’est tout. Le reste, c’est la petite infox qu’elle a brodée autour. Car Carol en a conclu, en épousant le point de vue gouvernemental et patronal, que ce courrier prétendument « alarmiste » était une « manip » du syndicat ! Or pas du tout.
La CSC a fait son job… et Carol fera simplement partie d’une des « charrettes » suivantes !

Pour cinq minutes de notoriété « warhollienne » sur les « rézozozios », la voilà donc aujourd’hui doublement punie. Carol a cramé sa crédibilité professionnelle en fabriquant une « fake new » complotiste. Et elle sera quand même exclue du chômage, en même temps que 200.000 de ses collègues. Bien fait pour sa gueule, serait-on tenté de dire.
À moins qu’une des grosses télés qui l’emploie, et qui fait régulièrement travailler des dizaines de collaborateurs réguliers sous contrats « d’intermittents du spectacle », parce que cela coûte évidemment moins cher, ne se décide enfin à lui offrir un CDI ?
Qui sait ? Elle ferait peut-être une bonne déléguée syndicale … ? Ou une bonne attachée parlementaire… ? (Points d’ironie, aurait écrit Irène).
En attendant, sa vidéo de MRde est toujours épinglée en tête de sa page « pro ». Mentir, chez ces gens-là, c’est un métier.

Alors que les « rézozozios » croassaient encore de toute cette histoire, le 29 octobre, les éditions régionales et quotidiennes du groupe Sudinfo (La Capitale, La Meuse, La Nouvelle Gazette, La Province, Nord Éclair) titraient en grand et en couverture : « 57% des exclus du chômage ne sont pas belges » ! En enfonçant un peu plus le clou avec ce sous-titre : « Plus de 100.000 étrangers vont perdre leur allocation ».
Ces gazettes mettaient ainsi spectaculairement « en scène » les chiffres et les « infox » que David Clarinval, le ministre fédéral MRdeux de l’Économie, de l’Emploi et de l’Agriculture, avait jugé utile de précieusement leur communiquer.
On le sait, le lien supposé entre « chômage » et « immigration » est une des antiennes racistes habituelles de l’extrême droite (qui elle, se prétend par contre toujours « de souche » – même quand elle s’appelle Bardella ou Zemmour) (4).

Or le chiffre de « 57% de non-belges » brandi par Clarinval est 100% bullshit.
Il englobe en effet les chômeurs belges dont l’un des parents est « d’origine étrangère », et qui se retrouvent ainsi, abracadabra, grâce cette fausse classification raciste, repeints en « non belges ». Or cette conception restrictive de la nationalité n’a strictement aucune base légale. Pire : elle est discriminatoire, donc illégale. Un Belge est un Belge, point. Et que cela plaise ou non à Mr Clarinval, Lukaku, Stromae, Adamo et Nafissatou Thiam sont probablement bien plus belges que lui !

Ce métissage, si fréquent chez nos parents et nos grands-parents, est également beaucoup pratiqué en Belgique entre « wallon·nes » et « flamand·es ». C’est le mouvement même de la vie. Sur deux ou trois générations, il doit concerner une bonne moitié des familles populaires. Ouvrez simplement les yeux, et regardez autour de vous.
Que seraient la Wallonie et Bruxelles sans nos grands-parents italiens, espagnols, flamands, turcs, congolais, marocains, français et polonais ? Ce mélange de sueur et d’amour qui a fini par prendre racine dans notre terroir, et par fonder des familles ?
C’est là le résultat naturel des grandes migrations économique de XXème siècle, comme celui de notre lointaine histoire coloniale, et c’est encore aujourd’hui la réalité des « réfugiés climatiques » et des familles qui fuient les massacres et les persécutions.
Ou simplement de celleux qui, comme tous les peuples de la Terre depuis le début de l’humanité, se sont mis un jour en marche pour voir si l’herbe était plus verte de l’autre côté de la montagne ou de l’océan.

Oui, comment ose-t-elle être toujours du côté du mensonge ?

Nos identités « nationales » sont ainsi toujours aujourd’hui des identités multiples.
Les filles de mes amis Pelos et Lisou, qui habitent en Flandre, empilent ainsi quatre passeports et quatre nationalités : belge, suisse, britannique et espagnole. Mais elles sont également flamandes et catalanes. Elles parlent couramment cinq langues – dont le français et le néerlandais. Elles sont donc certainement beaucoup plus « belges » que nombre de nos ministres prétendument « souchiens ». On notera avec ironie que selon l’étrange comptabilité statistique de Clarinval, le Roi des belges lui-même ne serait pas « belge » … puisque la maman de Philippe était italienne !
Ce qui montre bien l’absurdité de ce genre de classification.

Cette fausse « statistique » à la « une » de plusieurs quotidiens (« 57% de non-Belges ») est donc aussi toxique que trompeuse. Elle ne vise qu’à propager le poison du racisme au sein de la population – parce qu’un peuple divisé est plus facile à asservir.
Car si « l’ennemi » est le voisin immigré plutôt que le rentier parasitaire ou la multinationale qui ne paye pas ses impôts, alors, c’est que l’extrême droite est déjà à la porte du pouvoir.
La dernière fois qu’on avait ainsi été « fouiller » dans le patrimoine génétique des familles pour récuser leur nationalité belge, c’était pour traquer et démasquer « des juifs » pendant la seconde guerre mondiale. On en est vraiment là ?

De toute façon, on s’en bat les ovaires, de leur nationalité, puisque l’ouverture du droit au chômage n’est pas liée à cette nationalité, mais aux cotisations sociales qu’on a précédemment payées comme travailleur salarié.
Ce n’est donc pas une « aide » charitable que l’état belge distribuerait généreusement à ses habitants, mais un « droit » conquis de haute lutte, une « caisse d’assurance » que les travailleureuses ont financés eux-mêmes et elles-mêmes par leur travail et leur solidarité.
Et on s’en fout complètement, s’ils viennent de Lille, de Gibraltar ou de Strombeek-Bever.
Dans la vraie vie, les exclus du chômage sont d’ailleurs belges à 80,8 % – les autres nationalité se répartissant équitablement entre « membres de l’Union Européenne » et « non membres de l’Union Européenne ». Et Clarinval connait très bien ce chiffre, puisqu’il l’avait lui-même déjà communiqué aux députés en juin 2025. Il a donc menti à l’opinion en toute connaissance de cause. Clarinval menteur, Clarinval démission !

On est bien au-delà, ici, des traditionnelles divergences idéologiques ou programmatiques entre « la gauche » et « la droite ». Ce qui est en cause, dans cette double séquence MRdeuse, c’est le rapport à la réalité, à la vérité, à la citoyenneté, à la nationalité, à la morale, au journalisme, au syndicalisme, à la politique. C’est une déclinaison locale de ce que le Trumpisme peut avoir de plus destructeur dans ce qui fait l’essence même de la démocratie. Un mélange détonnant de mesures antisociales et de « fake news ». C’est le mensonge éhonté érigé en mode universel de communication et de gouvernement.

Claude Semal le 1er novembre.

(1) LE FAUX « AGENDA CACHÉ » DE BART DE WEVER par Claude Semal
(2) Oui, je sais, la citation originale de GlouB évoquait une « CLA de MRde », mais il parlait de lui-même – pas des journalistes qui lui servent la soupe.
(3) Selon le témoignage recueilli par Bernadette, de l’Association de Défense des Allocataires Sociaux, ce ne serait malheureusement pas si simple. Voir dans ce numéro : « LA FORMATION », UN TALISMAN CONTRE L’EXCLUSION ? par Bernadette Schaeck
(4) « Français de souche ». Hahaha. Comme le raciste Bardella, dont la famille a des racines italienne et algérienne, le raciste Eric Zemmour, dont la famille a des origines algériennes, où le franchouillard Nicolas Sarközy de Nagy-Bocsa, dont le père est hongrois.
Je me fous évidemment moi-même complètement de ces origines transnationales.
Je constate simplement que leur histoire personnelle et familiale est totalement en contradiction avec leurs discours suprémacistes sur les « Français de souche ». Les « souchiens », cela n’existe que dans leur cerveau malade. La vraie vie, c’est les voyages, l’amour, le travail, les rencontres et les mélanges.

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