« ENGAGÉ·ES », MON ŒIL ! par Bernadette Schaeck

Mais quel salaud, ce Prévot ! (Si je puis me permettre).
Le parti « Les Engagés » (sic) veut limiter à deux ans les allocations de chômage.
C’est même un des points-clé de son programme.
Son président, Maxime Prévot, a défendu cette proposition avec force dans un débat organisé par le journal « Le Soir » (1).
Il va assez loin dans l’ignoble : il estime qu’après avoir perçu les allocations pendant deux ans, les chômeurs « pourraient ramasser les déchets de la collectivité » !
Il s’enfonce : « ramasser les déchets n’est pas une fonction indigne », dit-il, « il faut arrêter d’avoir le sentiment qu’il y a des sous-métiers ».
Ces propos témoignent pourtant, à mon sens, d’un profond mépris à la fois pour les éboueurs qui pourraient être remplacés par n’importe quel chômeur, et pour les chômeurs.
Maxime Prévot n’est pas le seul à vouloir la limitation dans le temps de allocations de chômage.
Dix ans après la limitation dans le temps des allocations d’insertion, un “bain de sang social” qui avait fait pleurer un certain cœur après coup, la limitation dans le temps des allocations de chômage est un danger majeur ! Et elle est clairement à l’ordre du jour, si on n’y prend pas garde.

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Le retour de « Gaston au gazon » et de « Sabine à la cuisine » ?! Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître… Pour promouvoir les ALE (Agences Locales pour l’Emploi) qu’elle venait de mettre en place, la Ministre de l’Emploi de l’époque, Miet Smet, avait orchestré une vaste campagne de publicité appelant ceux qui en avaient les moyens à acheter les services de « Gaston au gazon, Sabine à la cuisine ». Le slogan s’affichait en grand jusque sur les autoroutes.
Depuis 1987, l’utilisation des ALE par les pouvoirs publics a évolué. Mais en gros, ç’est toujours resté des prestations de travail très mal rémunérées, sans contrat de travail, qui n’ouvrent donc aucun droit à la sécurité sociale.
Depuis le 1er juillet 2022 – c’est passé plutôt inaperçu – les ALE sont officiellement devenues partenaires du FOREm. Un nouveau rôle semble leur être assigné (à découvrir dans la récente convention FOREm- CPAS) : « L’utilisation des partenaires ALE afin de clarifier le projet professionnel et de tester les savoir-faire comportementaux des demandeurs d’emploi ».
On y est… Être obligé de travailler pour rien, ou presque rien, pour « tester le comportement ».
Si ce n’est pas ça de la disciplinarisation… Un des exemples cités pour la collaboration CPAS-FOREm dans le suivi des demandeurs d’emploi est : « …Monsieur évoque des problèmes avec l’autorité ».
Il n’est pas étonnant qu’on trouve dans des PIIS (Projets individualisés d’intégration sociale), l’obligation de s’inscrire en ALE…

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Juste à pleurer… Une réforme de la mise à l’emploi en article 60-61 a été votée le 26 avril par le Parlement wallon. Je vous en reparlerai quand j’aurai terminé mon analyse du texte.
Un des problèmes, pour les travailleurs en contrat article 60, c’est le salaire très bas.
Mais écoutez comment la Fédération des CPAS wallons « justifie » cela, dans son avis sur l’avant-projet de réforme : « La question du «travail égal» reste complexe à résoudre dans le cadre d’un contrat d’insertion, assorti d’un accompagnement conséquent. Le contrat article 60 n’est, par définition, pas un contrat « à travail égal ». Les exigences en matière de savoir-être et savoir-faire peuvent être moindres, ce qui justifie un encadrement spécifique ».
C’est à pleurer. A se révolter, surtout ! Le “savoir-être” des bénéficiaires du Revenu d’Insertion (RI) et de l’aide sociale serait-il si problématique ? Plus que celui de tous les autres êtres humains ?
Un jour, j’ai accompagné une dame d’une cinquantaine d’années en audition au CSSS (Comité spécial du service social). Un jeune président de CPAS un peu (beaucoup) blanc bec, s’était permis de « lui faire la leçon ». Elle avait, selon lui, peut-être « du savoir-faire, mais pas du « savoir-être » ! Ce qui « justifiait », selon lui, la décision du CPAS de rompre son contrat « article 60 » dans une entreprise dite d’économie sociale. Elle avait donc été lourdement sanctionnée.
Le “savoir-être“, si tant est que cela ait du sens, devrait être enseigné à tous les mandataires de CPAS, afin que plus jamais un Président ou un Conseiller ne se permette balancer ce genre de choses à la tête d’une bénéficiaire.

par Bernadette Schaeck, de l’Association de Défense des Allocataires Sociaux

(1) « Le Soir » des 2 et 3 mai 2024.

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