HISTOIRE D’IVROGNE. 48 ANS SANS BOIRE… par Albert Delchambre.

48 ans, il va y avoir 48 ans.
48 ans sans la fraîcheur d’une jolie blonde à la Terrasse du Roi d’Espagne accompagné de la chaleur d’une jolie Brune.
48 Ans sans la saveur d’un bon Bourgogne d’une année fastueuse que fut celle de ma Naissance, un 1947 !!!
48 ans sans cette odeur d’un Calvados accouru de Caen à Quand, Quand ?
Quelques souvenirs épars lui parsemaient la mémoire ……
Ce matin-là, 25 Octobre 1975 était un matin qu’il ne savait pas encore dramatiquement exceptionnel….
Il était déjà sidérant qu’il se soit levé ce matin car il n’avait plus aucunes notions des jours, des nuits.
Il ne mangeait plus depuis longtemps alors, Midi- Minuit ! Quelle importance ….
Après un “cognac café” saupoudré de quelques Temestas (il détestait l’alcool en tant que tel, mais c’était le seul moyen de s’extirper de ce qui lui servait encore de paillasse et des bestioles qui lui faisaient l’amour) mais surtout, cela le remettait sur des pieds d’argile et calmait pour quelques heures ses angoisses, son manque intolérable des jouissances masochistes bacchusiennes, tout en n’en ayant aucune conscience ! Ne parlons pas du plaisir !
Ce jour, crachotant de pluie et de brouillard, était le plus beau jour ensoleillé du mois, car, démonétisé, ce n’était pas sans une certaine impatience qu’il attendait LE FACTEUR, SON FACTEUR, Son “Win For Life”, son Lotto !
Celui qui lui apportait ce que la Société bien-pensante et généreuse accordait aux Alcooliques Professionnels, actifs et reconnus comme tels… soit quelques milliers d’anciens francs sous le couvert d’Invalidité… de quoi vivoter quelques heures, quelques jours les bons mois … tout au plus.

Sans un regard pour son chien, Dick, qui comme d’habitude crevait de faim, il s’accroupit en position fœtale sur le ventre de celui-ci, la fiole de cognac a dix balles et le thermos de mauvais café à portée de bouche, près de la porte d’entrée de ce qui lui servait d’abri. Il faut vous dire Monsieur, qu’il ne supportait pas les uniformes, et son Chien, moins encore !
Mais paradoxalement, sa seule obsession du moment était d’apercevoir un Bel habit bleu à travers les vitres sales de la porte, tout en prenant soin comme il le pouvait de garder son chien au rythme de la mesure des secondes … qui s’égrenaient particulièrement longues… car comme son chien avait déjà croqué quelques « proposés de poste », il craignait l’avis déposé dans la boite aux lettres. Il aurait en effet été totalement incapable de se rendre au bureau de poste !
Pourvu que cela soit le bon FACTEUR, était, avec les secondes, les seules obsessions de l’instant !
Il devait être vers les dix heures du matin lorsqu’enfin le chien, d’un bond, se jeta sur la porte vitrée…
Et de ce qu’il lui restait de force, il le retint car : était-ce le BON FACTEUR ?
Il se souvenait soudain, qu’un des préposés postaux avait pris peur … cela lui avait coûté deux mois d’hôpital psychiatrique devenu fou de par le manque ; il avait tout cassé et sa femme, battue aussi par lui et l’alcool, était partie, épuisée ….
Toc, toc, toc…
Oui c’était le bon, le bon pasteur, le sauveur, néanmoins méfiant, il se tenait à trois pas, mais il avait osé :
Toc ; toc …. Toc.
Une immense satisfaction l’envahit : Boire, il allait enfin pouvoir boire sa CARLSBERG, son adorable Blonde des mers de Nord, sa sirène à lui tout seul… Boire … boire ???? Boire.
Tant bien que mal car tout endolori d’un début de polynévrite, pensez donc …. Au moins trois heures sans sa Blonde, trois heures !!!!! Il se releva difficilement de sa position de veille et dans un murmure remercia l’envoyé de Bacchus.

Albert Delchambre (sur sa page Facebook)

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