50.000 personnes à Bruxelles LA RUE, LES LITS ET LA BALCONNIÈRE

Si j’en crois les publications des rézos zozios sur mon “fil d’actualité”, la moitié de mes “amis” virtuels manifestaient dimanche passé à Bruxelles contre la vaccination obligatoire et le COVID “Safe Ticket”, tandis que l’autre moitié les insultait joyeusement au balcon en les traitant de décérébrés, d’abrutis et de néo-fachos.
S’il fallait illustrer la façon dont l’actuelle politique vaccinale gouvernementale a profondément déchiré le corps social, cette démonstration-là en vaut bien une autre.
C’est pourtant une incontestable réussite d’avoir rassemblé près de 50.000 manifestants dans les rues de Bruxelles, malgré l’hostilité préalable de l’ensemble des médias “mainstream”.

A ce sujet, j’espère qu’Emmanuel André, le virologue et ex-porte-parole du gouvernement, maîtrise mieux ses enquêtes épidémiologiques que sa communication politique. Car il avait jugé utile de “tweeter” ce soir-là (21/11) : “Dix millions neuf cent soixante cinq mille belges ont manifesté aujourd’hui avec sérénité leur soutien à ceux qui font face pour la 4ème fois, jour et nuit, à une vague de personnes qui demandent qu’on prenne soin d’elles“.
Cela s’appelle un sophisme, et cela me semble indigne d’un responsable scientifique.
Qu’il ne s’étonne pas ensuite si “la rue” ne veut plus rien entendre de ses sages conseils.
Car si 500 manifestants se rassemblent “contre la dictature en Haïti”, cela ne signifie évidemment pas que 11.014.500 Belges y sont favorables.
La sociologie politique nous enseigne au contraire que si on mobilise 50.000 personnes dans une manif, c’est probablement parce qu’il y en a 500.000 ou 5 millions derrière qui “pensent la même chose”, sans nécessairement vouloir passer un dimanche après-midi à marcher sous un calicot. 50.000 personnes, c’est en effet la “jauge haute” des grandes manifs syndicales ou “pour le climat”, qui “représentent” souvent sociologiquement au moins la moitié de la population.
Et à vrai dire, si des obligations professionnelles ne m’avaient pas retenu ailleurs, j’aurais moi-même pu participer à la manifestation, tant me révulsent la logique d’exclusion du “Covid Safe Ticket”, par essence plus policière que sanitaire, et la profonde injustice du licenciement au 1er janvier 2022 de tous les travailleurs de la santé “non vaccinés”.

Il m’aurait peut-être fallu pour cela vaincre deux ou trois réticences.
La première aurait été de devoir côtoyer, dans cette manif familiale, tonique mais hétéroclite, quelques panneaux particulièrement crétinous. Dont cette remarquable et remarquée banderole : “geen test = geen virus”. Faut-il traduire ? Allez, oui, pour nos lecteurs et lectrices de France et de Francophonie : “Pas de test, pas de virus” (1).
Casser les thermomètres est un antipyrétique bien connu, qui permet même de lutter contre le réchauffement climatique (attention : ironie).
J’avais usé un peu d’encre et de salive, au tout début de cette pandémie, pour (tenter de) convaincre quelques interlocuteurs que le COVID-19 était une “vraie” maladie, qui méritait donc qu’on la combatte, et non d’une simple “grippette”, qui aurait justifié qu’on l’ignore. La réalité a, me semble-t-il, tranché depuis la question. Certains de mes anciens interlocuteurs ont même eu l’occasion de méditer sur le sujet à l’hôpital.
Le débat s’est désormais utilement recentré sur “comment” combattre la maladie, plutôt que sur son existence elle-même. Et c’est tant mieux.
Mais une minorité agissante reste enracinée dans ce “déni” initial, qui nourrit ensuite, et le refus de toutes contraintes sanitaires, et les théories les plus abracadabrantes (car si le SARS-COV-2 est un scénario et non une épidémie, c’est un auteur malfaisant qui doit l’avoir rédigé).

Ma seconde réticence tient bien sûr à la présence de l’extrême-droite dans ces cortèges dominicaux, même si son importance est parfois médiatiquement fantasmée.
Il serait en effet fort hasardeux de confier la défense nos libertés aux fossoyeurs mêmes de la démocratie.
Mais il serait tout aussi absurde d’abandonner aux fachos l’expression politique d’un mouvement social dont plusieurs marqueurs me semblent pourtant clairement progressistes. Par exemple, la défense des droits des travailleurs de la santé, le financement des hôpitaux et des soins de santé, la défense de nos libertés fondamentales, la liberté de conscience, la lutte contre les dérives autoritaires du gouvernement ou l’auto-flicage généralisé de la population.
Le problème de la présence de l’extrême-droite dans certains mouvements sociaux s’était d’ailleurs déjà posé en France autour des gilets jaunes ou des mobilisations de rue contre le “pass sanitaire”.
La position d’un François Ruffin, qui accompagne ces mouvements sociaux dans ce qu’ils ont de meilleur, sans rien céder aux thèses de l’extrême-droite, me semble un possible exemple à suivre. Pour la “vraie gauche”, cet accompagnement est même sans doute un des enjeux essentiels de la période.
Mais cela impliquerait pour elle d’être présente sur le terrain de cette contestation sociale, plutôt que de faire pousser les quolibets et les géraniums dans les balconnières des “rézozozios”.

Aujourd’hui que la SARS-COV-2 a retrouvé toute sa virulence hivernale, malgré un taux de vaccination record en Belgique, ce schisme dans l’opinion pose déjà un sérieux problème aux autorités politiques et sanitaires. Car quelques soient les mesures proposées ou imposées, elles ne seront efficaces que si elles sont respectées. Et elles ne seront respectées que si elles semblent rationnelles, justes et équitables. Or elles ne le sont pas. Black Friday partout, santé nulle part.
En envoyant au chômage, pour tout remerciement, le personnel médical non-vacciné qui se bat à mains nues contre le COVID depuis deux ans, le gouvernement affaiblit un peu plus notre système hospitalier, alors qu’il aurait dû, au contraire, humainement et budgétairement le renforcer. Cela s’appelle se tirer une balle dans le pied. Cent trente-six des lits réservés aux malades du COVID sont actuellement déjà inutilisables par manque de personnel. Combien en compterons-nous le 1er janvier 2022 ?
En traitant les non-vaccinés comme des lépreux, en leur pourrissant systématiquement la vie, en les désignant comme boucs émissaires au moindre frémissement des courbes épidémiologiques, le gouvernement cherche ainsi avant tout à s’exonérer de ses propres responsabilités. Et pendant que la maison brûle, il licencie les pompiers. Logique, non ?

Claude Semal, le 28 novembre 2021

(1) Même une grosse stupidité peut parfois cacher un fond de vérité. Il semble en effet que les tests PCR utilisés, qui fonctionnent par duplication d’un prélèvement nasal initial, soient largement “surdosés” au dessus du seuil de contagiosité, et comptabiliseraient donc ainsi un bon lot de “faux contagieux”.

4 Commentaires
  • Catherine Kestelyn
    Publié à 21:39h, 02 décembre

    Je pense qu’il est parfaitement scandaleux ET idiot de menacer de licenciement le personnel soignant qui ne se ferait pas vacciner.
    Toutefois, je commence à trouver saumâtre que, alors que je suis protégée de la maladie parce que je suis vaccinée, ma contagiosité soit relancée par celle, bien supérieure, des non vacciné-es. Et donc qu’à cause des non-vacciné-es que je croise, je puisse me trouver à l’origine de la maladie d’une personne que je côtoierais.
    Je me pose donc de plus en plus sérieusement la question d’une obligation vaccinale générale.

    • Semal
      Publié à 09:14h, 03 décembre

      Je suis perso vacciné, mais je pense vraiment que tout discours qui ferait porter la responsabilité de rebond de la maladie aux non-vaccinés se trompe de cible et de méthode. Le moteur de l’épidémie se trouve actuellement en Flandre, où la population est la plus vaccinée. Pas parce que “la vaccination ne marche pas”, mais parce que le gouvernement flamand a cru bon, sur cette base, de pouvoir supprimer les “gestes barrières”. Ce moteur se trouve aussi dans les écoles primaires et gardiennes, où le taux de positivité tourne autour de 25 %, dans une tranche d’âge (0-9) qui n’est pas concernée par la vaccination, et très rarement par la maladie. Si clivage il y a dans la population, il ne me semble donc pas se trouver entre vaccinés et non-vaccinés, mais entre ceux qui prennent soin de leur santé et de celle des autres, et ceux qui s’en foutent ou minimisent les effets du sars-cov-2.

      • Catherine Kestelyn
        Publié à 11:01h, 03 décembre

        OK, tu dois avoir raison, Claude.
        Je continue d’ailleurs à mettre le masque et à me laver les mains très souvent. Par contre, garder la distance… J’ai d’excellents et très anciens amis, elle est généraliste pensionnée et iels sont tous deux selon moi parfaitement paranos. Il est question que les vagues se succèdent encore durant 5 ou 6 ans: serons-nous tous 5 à 6 ans plus vieux et vieilles quand nous pourrons enfin nous faire de vrais câlins et nous prendre dans les bras?
        Ce qui m’a convaincue de prendre la 3ème dose, c’est de comprendre enfin qu’elle ne dynamiserait pas seulement mes anticorps:
        elle va aussi nettement diminuer ma participation à la chaîne des contaminations.

  • Jean-Paul Sermon
    Publié à 18:52h, 28 novembre

    Merci Claude Semal pour votre analyse, toujours pertinente.

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