À PROPOS DE LA LECTURE À VOIX HAUTE par Bruno Ruiz

Depuis un quart de siècle, la lecture à voix haute est devenue un moyen simple et très à la mode de faire partager des textes, des poèmes en public. C’est devenu une pratique courante dans les librairies, les bibliothèques, les médiathèques, mais aussi dans les petits théâtres, lors de festivals spécifiques ou même chez l’habitant. Une façon de promouvoir le livre à peu de frais.

L’entrée à ses lectures – en dehors de celles que font les célébrités du cinéma, du théâtre ou de la chanson – est gratuite et souvent promotionnelle. Pour l’organisateur, il n’est parfois même pas nécessaire d’installer une petite sono et un projecteur. Pour l’artiste-lecteur, la prestation ne nécessite aucune mise en scène, et l’apprentissage du texte n’étant pas requis, il peut même enchaîner plusieurs lectures dans une même semaine.

Beaucoup d’entre eux d’ailleurs, faisant confiance en leur expérience de la scène, arrivent sans aucune préparation. Il en résulte souvent une mauvaise prestation. Mais comme c’est gratuit et que pour le public, l’important est surtout de voir l’artiste qu’il connaît en chair et en os, en général, il ne lui en est pas tenu rigueur.

Il est aussi navrant de constater qu’il ne suffit pas d’être un très bon comédien pour bien lire à voix haute. Quant à la lecture des auteurs (et surtout des poètes) par eux-mêmes, c’est la plupart du temps un pensum, certains poètes pensant que leur texte n’est pas fait pour la lecture mais qu’ils s’y résignent quand même pour satisfaire les besoins promotionnels de leur éditeur. Et que dire de ceux qui se réfugient dans une soi-disant “lecture neutre ou lecture blanche”, sans se rendre compte que cette absence d’artifice est encore un artifice, lequel plonge très souvent le spectateur dans une torpeur et une somnolence que le lecteur prend pour du recueillement.

Or la lecture à voix haute nécessite un véritable travail spécifique. C’est un travail qui se rapproche plus de celui du conteur que de celui du comédien. Le lecteur à voix haute doit servir la narration et esquisser les personnages dans leurs dialogues sans trop les incarner. Il doit sentir lorsqu’il est ennuyeux et lire pour le public de telle façon qu’à la fin, chacun ait envie de se procurer le livre pour le lire en entier.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le travail de lecture à voix haute. Pour ma part, la question n’est pas de savoir si un texte est fait pour la lecture intérieure ou pour la lecture à voix haute. Le texte étant la transcription d’un verbe, tous les textes sont lisibles. La question qu’il faut se poser est : “Comment lire tel ou tel texte ?”

Que ce soit celui de Mallarmé ou celui de Céline. Et c’est à partir de là qu’on peut entrer dans un véritable travail de lecture.

Bruno Ruiz (sur sa page Facebook)

 

Pas de commentaires

Les commentaires sont fermés pour l'instant.