FOOTBALL : C’EST LA QATA !

Ah! Ce qu’on s’amuse, aux conférences de presse du Paris Saint Germain, rebaptisé pour l’occasion le Paris Sans Gêne !
Interrogé sur un transport en jet privé de l’équipe vedette parisienne, pour une destination qui eût pu être desservie à temps égal par un TGV, l’entraîneur du PSG balança aux journalistes sa petite blague sur “un transport prévu en char à voile“.
Kylian Mbappé, son joueur phare, s’écroula aussitôt de rire sur la table, devant tant de finesse d’esprit et d’à propos climatique.
Sur les réseaux sociaux, ce très subtil “humour” parisien, au raz de la pelouse et des crampons, a vraiment eu du mal à passer.
C’est que le “grand public” est sorti traumatisé d’un été caniculaire, où les plus grands fleuves de France se sont taris, et où les plus belles forêts de l’Hexagone sont parties en fumée. Soudain, le “réchauffement climatique” n’était plus ce concept abstrait, exotique et futuriste, qu’on pouvait balayer d’une oreille distraite à la fin du JT, mais un fléau bien concret qui privait déjà d’eau plusieurs grandes villes françaises et leurs campagnes.

Une “grande cause nationale”, qui devrait très prochainement mobiliser toutes les politiques publiques.

Un stade pharaonique au milieu du désert, et un charnier sous la pelouse.

Comme si cela ne suffisait pas, après la sècheresse, l’explosion du prix du gaz et de l’électricité a achevé de saper le moral des plus optimistes.
Nous voilà donc collectivement sommés de nous chauffer moins, d’enfiler des pulls de mohair, de pisser sous la douche et de réduire partout cette terrible empreinte carbone qui, comme la Marque Jaune de notre enfance, signale partout le périmètre de notre déchéance.
Mais voilà aussi que, sous l’effet de loupe de cette crise généralisée, certaines disparités de classe nous apparaissent aujourd’hui comme totalement insupportables.
Que des millionnaires, qu’ils soient footballeurs ou patrons, continuent à se balader en jet privé, alors que d’autres sont privés d’eau ou de chauffage, c’est évidemment une insulte publique et permanente à tous ceux qui en souffrent. Même si cette situation existait préalablement à la crise actuelle, et que les damnés de la Terre ne l’ont pas attendue pour se manger la pelouse, ni  les autres pour se péter la ventrière.

Pour ne pas l’avoir compris, la “blague à deux balles” de l’entraîneur, provoquant aussitôt l’hilarité potache de Mbappé (1), est passée pour ce qu’elle est : une obscène et irresponsable beauferie, une plaisanterie de millionnaires se moquant royalement du reste du monde.
Mais comment auraient-ils pu le comprendre, dans ce petit monde clos du football professionnel, où l’on jongle avec les milliards comme avec des billets de Monopoly, et où le moindre joueur réserviste est payé autant que tout le personnel d’un hôpital ?

Kylian Mbappé, le roi du faire-play

Comment auraient-ils pu le comprendre, quand les plus hautes instances internationales du football sont collectivement en train d’organiser un “mondial” en plein désert, dans stades ouverts “climatisés”, en y amenant par avion des dizaines de milliers de spectateurs des quatre coins de la planète ?
Qui se soucie encore, dans ce monde de fou, d’un petit voyage de deux heures en jet privé, et le Paris Saint germain n’est-il pas aujourd’hui aux mains des mêmes milliardaires Qataris ?
Que penser enfin de ces journaux et médias qui “s’indigneront” du rire obscène de Mbappé, avec tout le moralisme qui convient, mais qui continueront ensuite servilement à commenter, pendant des semaines, les matches d’un Mondial où chaque pelouse masquera pourtant un véritable charnier (2) ?
Si le foot vous amuse, aller donc plutôt voir le prochain match de l’Union ou du Standard.
Au moins, pour grimper dans les tribunes, ne serez vous pas obligé de marcher dans des flaques de sang.

Claude Semal, le 10 septembre 2022

(1) Je manque sans doute un peu  d’objectivité, car depuis le geste anti-sportif et anti faire-play de Mbappé à la fin du match France-Belgique, je lui garde un chien de ma chienne. Il pourrait courir le cent mètres en six secondes et marquer quatre goals par match, je le considèrerais toujours comme un crétin toxique sur une pelouse.

(2) Selon une enquête du Gardian, 6751 ouvriers immigrés sont morts d’épuisement et de chaleur dans le désert en construisant les stades du Mondial entre 2010 et 2020.

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