CSC-BRUXELLES : UN ENCÉPHALOGRAMME DÉSESPÉRÉMENT PLAT par Gwenaël Breës

Cher Philippe Vansnick,
Je suis membre de la CSC depuis une bonne dizaine d’années. Travailleur intermittent dans le cinéma, je dispose du « statut d’artiste » : quand je ne suis pas salarié, je vis avec des allocations de chômage qui me sont versées par l’intermédiaire de mon syndicat. Comme n’importe quel chômeur, lorsque mon syndicat ne me verse pas mes allocations, je ne sais ni payer mon loyer, ni mes factures, ni ma nourriture. Nous sommes le 4 septembre et je n’ai toujours pas touché mes allocations du mois de juillet. Vous admettrez que ce n’est pas une situation confortable et que tout le monde n’a pas la chance d’avoir des amis ou une famille qui peuvent prêter main forte en cas de coup dur.
Où est le problème ? J’ai effectué les démarches habituelles pour le versement de mes allocations. L’ONEM m’a répondu qu’à leurs yeux mon dossier est en règle : c’est à la Acv-Csc Brussel/Bruxelles que ça coince.

Le problème, c’est que la CSC-Bruxelles n’a plus de permanences ouverte à ses affiliés. Le problème, ce n’est pas seulement qu’en procédant de la sorte elle aggrave la fracture numérique, c’est qu’elle ne répond pas aux emails. Le problème, c’est que son interface internet est obsolète et pas à jour. Le problème, c’est qu’il faut s’armer de patience pendant des heures voire des jours pour espérer joindre quelqu’un de la CSC-Bruxelles au téléphone (on a tous vécu l’expérience de la centrale téléphonique qui vous demande d’appuyer sur telle ou telle touche pour arriver au bon service, avant d’être mis en attente… pour finalement être déconnecté – en la matière, la CSC-Bruxelles fait fort !) Le problème, ce n’est pas seulement la facture de téléphone : c’est que lorsque par miracle on parvient finalement à avoir quelqu’un au bout du fil, cette personne semble ne rien pouvoir faire d’autre que vous confirmer la bonne réception de votre carte bleue et… envoyer elle-même un email à votre « centre de services », ce qui renvoie la résolution de votre problème aux calendes grecques et transforme le coup de fil chèrement mérité en coup d’épée dans l’eau. Le problème, c’est que face à cette sensation d’injustice et d’impuissance, il vous faut mobiliser beaucoup de ressources pour ne pas devenir vert de rage.
Le problème, c’est qu’ainsi certains chômeurs se retrouvent dans des situations inextricables qui empirent au fur et à mesure que leur syndicat, plutôt que de les conseiller, les assister et les défendre dans un cadre collectif comme il se targue de le faire, les enfonce mécaniquement et individuellement dans une spirale de précarisation. Le problème, c’est que la gestion de cette misère se retrouve épongée tant bien que mal par des travailleurs sociaux d’autres organismes ou services sociaux, comme s’ils n’avaient pas déjà assez de boulot. Le problème, c’est que la CSC reçoit des moyens publics pour remplir ce rôle de caisse d’allocations qu’elle accepte volontiers de jouer, mais aussi des cotisations qu’elle ne manque pas de continuer à réclamer à ses affiliés (le service facturation fonctionne, c’est déjà ça) et que ceux-ci n’ont aucun recours lorsque l’organisation qui est censée les défendre et les payer démissionne silencieusement de son rôle… Que faire d’autre, à part chercher à vous interpeller publiquement, comme je le fais ici en votre qualité de secrétaire fédéral de la CSC-Bruxelles ?

Le problème, enfin, c’est que cette situation n’est pas tout-à-fait nouvelle. Pendant ma décennie d’affiliation, j’ai rencontré d’autres problèmes avec mon syndicat : erreurs juridiques et administratives, équipes en sous-effectif, personnel débordé et parfois mal formé, files d’attente interminables avant d’avoir un rendez-vous, et un peu d’humiliation pour corser le tout. Mais bon, au final tout finissait par se régler un jour ou l’autre (même si c’était parfois grâce à des associations de première ligne qui démêlaient les erreurs de la CSC), et rien ne me laissait penser que l’herbe serait plus verte dans un autre syndicat.
Jusqu’au printemps 2020, où on a atteint les sommets : « centres de services » fermés, syndicat aux abonnés absents. Cette année-là, la CSC-Bruxelles ne m’a pas payé mes allocations pendant plusieurs mois d’affilée. Situation kafkaïenne qui nécessiterait des pages à résumer : documents perdus par le syndicat, lettre recommandée non relevée à la poste, pénurie de cartes bleues pour remplacer celles qui avaient été perdues, pas de suivi du dossier, etc. Il a fallu, au bout de 6 mois (!!!) de galères, que j’écrive au médiateur de la CSC et à toutes les adresses de la CSC que j’avais pu trouver sur Internet, pour qu’enfin mes allocations tombent d’un seul coup… en même temps qu’atterrisse dans ma boite-aux-lettres une enveloppe contenant 30 cartes bleues !

Vous rendez-vous compte de ce que ça suppose, ne pas recevoir ses allocations pendant 6 mois ? Toute colère gardée, je ne vous souhaite pas de connaître un jour cette situation.
C’étaient les 6 premiers mois de Covid, et on pouvait se dire que le confinement expliquait cette débandade, au moins partiellement. Mais voilà : dans mon cas, le problème s’est reposé l’année suivante. Cette fois, le médiateur de la CSC ne répondait plus et toutes les adresses mail de la CSC-Bruxelles affichaient un encéphalogramme désespérément plat. Plus aucune réponse, même tardive – situation qui, soit dit en passant, pousse les affiliés à renvoyer plusieurs mails en espérant provoquer une réaction qui ne vient jamais, et submerge donc les boites mails de vos équipes.
Deux ans et demi après le premier confinement, les « centres de services » de la CSC-Bruxelles n’ont toujours pas rouverts. Face aux critiques de plus en plus nombreuses et audibles, la CSC-Bruxelles fait le gros dos et se tait dans toutes les langues. C’est catastrophique pour vos affiliés, mais ça l’est aussi pour votre honneur, pour l’image de toute votre organisation qui s’en trouve ternie par ricochet, et pour la confiance dans les syndicats qui ne s’en trouve pas renforcée.
Alors voilà, pour ma part, en même temps que mes allocations de juillet, j’attends toujours de comprendre pourquoi elles n’ont pas été versées dès réception de ma carte bleue. Au point où nous en sommes, je n’attends pas un courrier personnalisé. Je pense ne pas être le seul à espérer avant tout que vous sortiez de votre mutisme, que vous preniez conscience de la situation, que vous donniez des explications sur comment la CSC-Bruxelles en est arrivée là, que vous fassiez des excuses publiques à tous les allocataires que vos « services » ont ainsi traités, que vous preniez des mesures concrètes pour redresser la barre et pour aider ceux qui ont été poussés dans la précarité par vos manquements.
En attendant, je n’ai plus trouvé cette fois d’excuses pour justifier et pardonner le comportement de votre organisation. Depuis quelques jours, je ne suis plus membre de la CSC. J’ai fini par penser que l’herbe est quand même un tout petit peu plus verte ailleurs.

Gwenaël Breës

P.S. Quand je vois l’image de votre campagne d’été, je ris… jaune.

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