DENIS ROBERT, UN JOURNALISTE FRANC DU COLLIER

La sympathie instinctive et le respect que j’ai pour Denis Robert ne se sont pas construits en un jour. Comme journaliste d’investigation, à “Libération” puis dans ses livres, il a levé quelques lièvres (de la taille d’un bœuf – notamment l’affaire Claerstream) et il en a supporté les conséquences avec un courage impressionnant (notamment le harcèlement quotidien de dizaines de procès en diffamation, la “banque des banques” ayant lancé contre lui une très coûteuse guérilla judiciaire – que Denis Robert a grosso modo fini par gagner en cassation).
Il avait notamment été régulièrement éreinté dans “Charlie” par l’ignoble Philippe Val, passé depuis de “Charlie” à Bolloré, l’hebdo satirique disposant “par hasard” du même avocat que Clearstream (Richard Malka). Un assez puant mélange des genres. Denis Robert a de son côté consacré un émouvant et bien intéressant documentaire à Cavanna, le “vrai” patron historique de “Charlie” et de son “esprit” (1).
Denis Robert dirige aujourd’hui le site d’information “Blast” (2), et ses éditos visuels sont toujours un régal.

Cavanna, le “vrai” patron de Charlie (Photo Damien Entwistle)

À contrario, tout ce que raconte Raphaël Enthoven m’a toujours semblé affligeant (c’est par exemple lui qui “préférait” Le Pen à Mélenchon), et je pourrais reprendre à mon compte la première phrase du “droit de réponse” de Denis Robert que nous reproduisons ci-dessous.
Oui, il y a un vrai problème de liberté de la presse et de “désinformation” en France, qui est surtout dû au rachat de pratiquement tous les médias français par neuf milliardaires – qui y défendent évidemment leurs intérêts de classe.
Aucun d’entre eux n’a jamais acheté un journal pour y défendre la vérité, et encore moins pour favoriser la victoire d’une gauche qui rognerait sa fortune.
Les sites de “contre-information” indépendants comme “Médiapart“, “Le Média“, “Blast” et quelques autres en sont devenus d’autant plus précieux, non parce qu’ils seraient par essence privés de défauts ou d’options partisanes, mais parce qu’ils offrent d’heureux contrepoints à la doxa réactionnaire qui a pratiquement colonisé ailleurs tout l’espace médiatique.
En ce sens, il me semble très significatif que R. Enthoven ait choisi pour cible le site de Denis Robert, plutôt que l’industrie de désinformation permanente de Messieurs Bolloré et consorts. Dis-moi qui sont tes amis et tes ennemis, et je te dirai peut-être qui tu es.

Claude Semal, le 8 novembre 2023.

FRANC TIREUR DE RIEN ET MAITRE EN VACUITÉ par Denis Robert

 
Cher Raphaël Enthoven,

Quand je vous lis ou vous entends, je suis presque toujours en désaccord avec vous, ce que vous dites et faites de votre vie, la philosophie de bazar que vous représentez si vaillamment. Vos mots, vos certitudes, vos idées sur le journalisme. Votre omniprésence dans les médias.
J’ai lu votre éditorial titré “Bla-Bla-Blast” à la une de Franc-tireur (3), le journal financé par le milliardaire Daniel Kretinsky qui se veut lutter contre le populisme et l’obscurantisme.
Je l’ai lu une première fois et je vous assure que c’est vrai : j’ai souri.
C’était comme une quintessence. Face à ce délire méchant et profondément diffamatoire, ma première tendance est toujours la même : le mépris.
Vous connaissez l’adage : à trop aller se rouler dans la boue avec les cochons, on le devient un peu. Vais-je passer une heure de ma vie à répondre à tant de vacuité.
Et puis, vous voyez comment sont les hommes qui pensent et ruminent. Ils pensent et ruminent. J’ai donc réfléchi, relu et je me suis dit qu’en tant que journaliste, citoyen, écrivain et surtout fondateur et directeur de la rédaction de Blast, je ne pouvais pas vous laisser proférer (j’allais écrire prophétiser) tant d’insanités, de fiel et pour le dire autrement, de conneries.

À une soirée “Droits de l’Homme” en 2015

Je vous réponds aujourd’hui car vous avez refusé de publier notre droit de réponse envoyé par la voie légale. Votre refus de respecter la loi est très agaçant. Vous me donnez l’occasion de le publier ici dans ces pages.
Malgré l’exhibition permanente de vos connaissances sur tous les sujets, de la cuisine au cinéma, en passant par l’Ukraine ou le conflit palestinien, à vous lire dans Franc-tireur et ailleurs, je ne pense pas que vous ayez une once de pertinence. Vous vous étalez dans un verbiage virevoltant et qui va toujours dans le sens du plus fort.
Ce droit de réponse a comme premier objectif de rétablir la vérité. Je vous écris au nom des dizaines de journalistes, de monteurs, de chroniqueurs qui font vivre Blast tous les jours, de ses 23000 abonnés et de tous les gens qui nous aiment et nous soutiennent. Nous ne sommes financés par aucun milliardaire et, contrairement à vous, nous ne sommes téléguidés par personne et surtout pas par une idéologie.
La dernière fois que j’avais entendu parler de votre « journal », c’était suite aux accusations de plagiat et aux incalculables erreurs commises dans un reportage signé par une de vos plumes sur « les zouaves », un groupuscule d’extrême droite.
Alors disons que vous voir parler ensuite de déontologie, m’a surpris. Pas bégueule, je suis quand même aller acheter Franc-tireur.
Deux euros pour huit pages écrites gros, c’est une arnaque mais passons. Les lignes que vous nous consacrez sont blessantes pour tous ceux qui font Blast au quotidien. Nous étions près de cinquante ce mois-ci à écrire et publier des articles pour notre site et à réaliser et diffuser nos vidéos, une douzaine chaque semaine.

Ce que vous écrivez est indigne, mais peut, comme un gant, se retourner contre vous. Nous ne sommes pas un site de désinformation. Par contre Franc-tireur l’est. Sur le conflit israélo-palestinien, c’est d’une grossière évidence.
Dans votre édito, vous mettez gravement en cause l’honneur et la probité d’une jeune street reporter de Blast qui, après avoir été un des rares à montrer la violence des gendarmes à Sainte Soline, a filmé un policier sortant son flingue dans une manifestation contre le racisme à Paris.
Ce qui est « terrifiant » dans cette histoire (pour reprendre votre mot), ce n’est pas la banale sottise que vous grattez, c’est votre incurie de faussaire, vous qui êtes évidemment un grand habitué du terrain, des manifestations, et de l’exercice de street-reporter.
Vous reprochez à notre envoyé spécial José Rexach d’avoir diffusé sur Twitter 53 secondes d’une vidéo où on voit donc un policier sortir son arme et viser une foule, puis retourner dans sa voiture qui reçoit alors une pluie de projectiles et d’attaques contre la voiture de personnes masquées.
Nous sommes sur “X” et notre reporter, comme des dizaines de jeunes journalistes, alimente le réseau par ses images. Vous partez d’un postulat idiot qui voudrait qu’il ait sciemment coupé une vidéo, afin d’en cacher le contexte.
Ce que vous écrivez et répétez à l’envi est faux. Archi faux. Stupide et manipulateur.

L’affaire Clearstream : un long harcèlement judiciaire

1. Cette vidéo a été prise par notre reporter qui n’en a pas coupé une seconde, ni avant, ni après, il s’est retrouvé devant l’action après avoir couru, et a sorti son téléphone pour filmer en arrivant au niveau de la scène.
2. Cette vidéo ne cache absolument pas le contexte et n’a pas été tronquée, puisqu’elle montre parfaitement le contexte, qu’on voit après ou avant les manifestants qui attaquent la voiture. On les voit bel et bien attaquer la voiture. Et contrairement à ce que vous écrivez, le contexte est parfaitement compréhensible.
Si notre reporter avait voulu cacher le contexte et manipuler les choses, il aurait pu couper la vidéo après que le policier ait sorti son arme sans pour autant monter ce qui se passe ensuite. Enfin, il n’a pas posté un message qualifiant l’action du policier en bien ou en mal, il a juste posté ce qu’il venait de voir, à savoir : un policier qui a sorti son arme en manifestation.

Je ne vais pas continuer à vous expliquer la vie. Vous êtes un faiseur et un faisan, un idéologue délirant qui franchit allégrement les ponts entre la Macronie et l’extrême droite. Et vous l’avez encore démontré ces derniers jours en squattant tous les plateaux de télévision pour nous expliquer qu’un mort palestinien ne valait pas un mort israélien, ou que c’était criminel de tenter d’expliquer la barbarie. La vérité n’a aucune importance à vos yeux. Par vos propos, vous fabriquez de l’obscurantisme, du populisme et de l’antisémitisme.
C’est vos discours qui, en précurseurs, ont servi de faire valoir à Eric Zemmour et la soupe à Marion Marechal Le Pen. Vous qui n’avez que l’extrême gauche à la bouche quand on vous affronte sur le terrain de la grande pauvreté qui contamine la France ou les inégalités fiscales qui profitent toujours aux mêmes, vos amis milliardaires.
Vous faites le pont avec le RN qui n’est plus, selon vous, d’extrême droite, comme votre ami Philippe Val. Lui a quitté les rives de Charlie pour piger chez Bolloré. On vous y attend visiblement.

Je suis écrivain et d’abord journaliste ici. Je suis d’habitude pondéré. J’ai sorti tellement d’affaires quand j’étais à “Libération” et plus tard dans mes livres, j’ai résisté à tellement de procès et de pression, pendant que vous jouiez aux dominos, que perdre mon temps à vous répondre est une offense à mon intelligence et au journalisme. Une heure vient de s’écouler. C’est suffisant. Disons que c’est votre seule petite victoire : vous m’y avez contraint Monsieur le blablateur. Monsieur le franc-tireur de rien.

Denis Robert (sur le site Blast)

(1) https://www.rtbf.be/article/il-etait-vraiment-charlie-cavanna-raconte-a-l-ecran-par-denis-robert-9007072
(2) https://www.blast-info.fr/
(3) https://www.franc-tireur.fr/bla-bla-blast-ledito-de-raphael-enthoven

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