EN DEUX COUPS DE QR À POT

Autant faire mon coming out : doublement vaccinée, je suis l’heureuse détentrice du passe magique qui devrait me donner accès aux cinémas, restaurants, salles de sports, synagogues et toutes sortes d’événements y compris, qui sait, mes propres funérailles (à l’heure où j’écris, la Région bruxelloise n’a pas encore fait la liste des lieux où le CST, Covid Safe Ticket – ou en bon bruxellois, Covid Safety Ket -,  sera exigé). Plus important que tout, je pourrai m’asseoir à la terrasse, ou même à l’intérieur de mon bistrot préféré pour commander mon half-en-half dans la plus absolue légalité.

Néanmoins, si je dois montrer mon QR-code, je ne manquerai pas de grogner en mon for intérieur, à défaut de le faire sur le serveur qui n’y pourra rien, ni sur le la ministre qui y pourra beaucoup mais ne sera pas là pour encaisser ma mauvaise humeur.En effet, si j’évite soigneusement de crier à la ”dictature”, étant donné la belle santé de celles qui n’ont pas volé cette appellation, il y a de quoi frémir devant cette QR-codisation de nos vies. Je déteste déjà ces menus de restaurant qu’on ne peut consulter que de cette manière, ou le petit carré qui apparaît sur l’écran de ma télé pour me permettre de dire si j’approuve un peu, beaucoup ou à la folie la question du jour (coucou Sacha Daout). Mais devoir moi-même, ainsi que mes concitoyens concitoyennes, montrer ”patte blanche” sous forme de QR-code m’horripile franchement. On me dira que je vais m’habituer : c’est vrai, c’est ça le pire, on va s’habituer. Et je ne veux pas m’habituer à cette atmosphère que Claude Semal décrivait déjà ici même dans son billet sur les Tristes terrasses.

Je relève par ailleurs une certaine incohérence, à moins que ce soit juste un hameçon pour faire accepter, mieux faire désirer et exiger un élargissement de la chose. Car qu’est-ce qui justifierait que je brandisse la preuve de ma non-nocivité sanitaire sous un nez dont je n’ai aucune preuve qu’il n’est pas infecté de son côté ? Devrons-nous échanger nos QR-codes comme on le faisait autrefois d’une poignée de mains ? Et quid de ceux qui contrôlent les contrôleurs, à savoir la police qui va vérifier si les restaurateurs/trices ont bien contrôlé ? Faudra-t-il aussi imposer la vaccination ou le test bi-hebdomadaire aux policiers policières (ce qui n’est pas à l’ordre du jour), et qui donc les contrôlera à leur tour ? Et comme tout cela aura un coût, chiche que je le retrouverai dans le prix de mon half-en-half.

Je reste persuadée qu’à défaut de mieux, les vaccins sont actuellement les meilleurs boucliers anti-Covid. Et tout aussi persuadée que rendre la vie impossible aux gens pour contourner une ”obligation” générale, de toute façon inapplicable, est d’une grande hypocrisie. Et d’une superbe inefficacité. On voit qu’en France, après un premier rush sur les vaccins suite à l’annonce de l’introduction du passe sanitaire par Macron en personne, aujourd’hui les vaccinations patinent (et se cassent la gueule).

D’autre part, pas sûre que ces personnes réfractaires à qui on cherche à forcer la main et le bras sont les plus grandes consommatrices de restaus, musées ou salles de sport… par manque de moyens avant même que ce soit par manque de CST. Par contre, comme on l’a vu dans un beau reportage de la RTBF, l’effort de passer par la proximité, des personnes de confiance – pharmacies, assistantes sociales, animateurs… – peut donner des résultats positifs.

Autre inquiétude, cette mise en garde d’Unia par la voix de Patrick Charlier : ‘‘La société se polarise entre vaccinés et non-vaccinés. Or on parle bien de l’état de santé, et donc c’est un risque de discrimination sur cette base (…) On se retrouve dans une société de contrôle et on voit que les mesures prises portent atteinte aux droits fondamentaux. Parfois c’est justifié, mais notre crainte est que cela se banalise et que l’on reste dans cette société-là. On aura des difficultés à revenir en arrière. C’est un appel à la vigilance que nous voulons porter”.

Là aussi, on risque de ”s’habituer”, et c’est bien cela qui doit nous alerter.

PS : pas la peine de copier le QR de l’illustration de pouvoir présenter un CST valide… Celui-ci ne correspond pas à la vaccination mais à un menu de restaurant, une place de cinéma ou une radio de mes poumons, au choix.

 


Note: l’illustration reprend la couverture quelque peu trafiquée de l’essai “La terreur féministe” d’Irene (qui n’est pas moi) aux Editions Divergences

 

Pas de commentaires

Poster un commentaire