IL ÉTAIT UNE FOIS ALEXANDRE RÉVÉREND par Bruno Van Geel

Il était une fois… Alexandre Révérend.
Je viens d’acheter un 33 tours… Un double 33 tours !
Un double 33 tours de concert ! Le tout dernier disque d’Alexandre Révérend…

Pas juste le dernier en date, mais le dernier tout court, assure-t-il sur tous les tons…
Alexandre Révérend, je l’ai découvert à l’époque bénie (années 80) où je fréquentais la Médiathèque à Bruxelles… et que pour quelques francs je pouvais emmener pendant une semaine un disque vinyle à la maison et plonger à la découverte d’artistes qui m’étaient jusque-là inconnus. Je sélectionnais les disques en fonction de mon humeur, de la pochette, du nom de l’artiste, des musiciens, des textes ou des titres des chansons… Je ne risquais finalement que d’être agréablement surpris.
Et je le fus avec ce loustic ! Quatre 33 tours « commis » entre 1977 et 1984, que je découvris avec un peu de retard, me baladant entre fin d’adolescence et âge adulte. J’étais très « branché chanson française » et suis tombé sous le charme de cet OVNI. A priori, d’un regard ou d’une oreille trop rapide, on pourrait croire que c’est de la chanson pour enfant mais c’est bien plus subtil que cela…

Je reprends la définition qu’il en donne lui-même : « Mes chansons ne sont clairement plus dans l’air du temps, elles ne l’ont jamais été. Il faut les écouter pour ce qu’elles étaient : des ballons-sondes, gonflés d’enfance et de fantastiques… »
Je vous invite à prendre le temps de (re)découvrir « Emile et Amélie » : bien longtemps avant Brat Pitt et le film Benjamin Button on y découvre l’histoire d’Amélie, la petite fille qui ouvre la tombe d’Emile, son très vieux fils qui se lève et vient vivre avec elle, rajeunissant un peu plus chaque jour… Dans « L’Epouvantail » vous ferez connaissance d’un épouvantail vert comme un sapin, à l’idée de se faire enguirlander car 2 hirondelles ont coupé ses bretelles, et que les oiseaux se moquent désormais de lui… Au « Bal masqué » vous rencontrerez une coccinelle et un homme domino qui font le total des points qu’ils ont sur le dos… Et quand il enfourche Roberte, sa vieille mobylette à remonter le temps, c’est pour croiser Leonard de Vinci et la fille du Pharaon, avant de troubler ses ancêtres et chatouiller ses descendants…
La pochette de son album « Chansons d’une grande banane alitée » (sic) s’ouvrait sur une photo de personnages en pâte à modeler avec des contours à découper pour avoir un effet de « pop-up ». Elle illustre la chanson Swimming-Poule où l’on partage les affres du jeune gringalet Alexandre qui se rend à la piscine, avec la ferme décision de se muscler mais qui se rend compte, après un formidable plongeon que son maillot de bain n’est plus sur ses fesses…
D’un hommage à Ferdinand Cheval et à son Palais idéal, il nous emmène au-dessus de Paris, sur une immense carte de Monopoly flottant dans les airs, puis on partage l’angoisse de la femme de Davy Croquet à laquelle un Maître chanteur exige un coquette somme pour ne pas révéler son infidélité…
On découvre le terrible projet que développe sournoisement la petite souris qui récolte nos dents de lait, ou bien l’on suit la paire de ciseaux qui découpe les routes le long des pointillés. Et puis l’on se demande à quoi rêvent les morts, dans leur caisse… (en admettant d’abord qu’ils soient vraiment dans leur caisse… ) ou l’on se laisse enfermer pour passer une nuit au Grand Magasin…

Comment voulez-vous définir ceci ? C’est du non-sens, du fantastique, de l’humour, de la nostalgie de l’enfance avec une pointe de cynisme d’adulte,… c’est de la poésie, quoi…
En point final à sa carrière de chanteur, un dernier concert fut organisé le 17 décembre dernier à Vernon (Normandie). Ce superbe disque (la pochette fait de multiples références aux chansons de l’artiste) en est le témoignage sonore.
Alexandre est au piano, accompagné d’une dizaine de musiciens et de la complicité de notre compatriote Philippe Tasquin.
Disponible en CD mais aussi en 33 tours pour ceux qui veulent rester dans ce format dans lequel nous avons fait connaissance, il propose 20 titres, principalement issus des 4 albums anciens. Un inédit (Les siamois) est chanté avec son frère Clément qui l’a accompagné sur disques et sur scène à la batterie. Son fils Aladin partage Candidat Libre en duo avec lui. Le disque se clôt sur un autre inédit, Quand je ne serai plus là, chanté en duo avec sa fille Alice
C’est une élégante façon que ce sacré bonhomme a trouvé de nous dire au revoir, en ce qui concerne la chanson, mais il a depuis 40 ans continué à explorer de nombreuses voies de créativité, notamment dans les films d’animation… (il vient de remporter le Prix Auteur Animation 2022 de la Société des Auteurs et compositeurs Dramatiques).
Merci Alexandre pour cette chouette bulle de nostalgie, et pour toutes ces chansons qui m’auront aidé à comprendre qu’il ne sert à rien de se prendre trop au sérieux, mais que si l’on peut provoquer un sourire ou une émotion chez quelqu’un… c’est déjà un formidable cadeau …

Bruno Van Geel

Pour faire connaissance ? :
Le site consacré à la chanson, avec accès aux textes et sons (cliquez sur les oreilles et à quelques vidéos) : http://areverend.free.fr/lesite/index.html
Un autre site qui présente les autres facettes du personnage :
https://www.quellebellehistoire.com/…/alexandre-reverend/
Allez, hop, voici l’épouvantail qui a eu son succès sur la bande son qui passait dans la voiture sur la route des vacances familiales :

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