
20 janvier 2025
Interview de Michel Gilbert: GAM (NOT) OVER

A La Louvière avec la CGSP (photo Véronique Vercheval)
La première fois que j’ai rendu visite au GAM (le Groupe d’Action Musicale), ce devait être en ’77 ou en ’78.
Michel Gilbert (que ses amis appellent « Roudoudou », et que j’ai quelque mal à appeler autrement !) habitait alors avec Jacqueline Rosenfeld – la violoniste du groupe au radieux sourire. J’étais, à l’époque, militant à plein-temps à l’hebdomadaire POUR, et j’étais parti en vélo, depuis Bruxelles, pour aller leur rendre visite.
Ils habitaient alors déjà sur les hauteurs de Goutroux, dans la banlieue verte de Charleroi.
Pour arriver chez eux, “cycliste minuscule“, j’avais dû longer la vallée de la Sambre et ses grands complexes industriels – « la gorge entre deux terrils ».
Il reste de cette visite une chanson, « La banlieue de Charleroi », que chantèrent « Les Ateliers du Zoning » – le groupe musical militant que j’avais créé ces années-là avec Roger Delogne, Jean-Louis Sellier, Aline Dhavré, Brigitte Diraison… et quelques autres (1).

À table avec John, mais sans Jean-Claude
Quarante-cinq ans plus tard, la petite maison est toujours là, « dans son jus », comme disent les promoteurs immobiliers. Comme si Michel venait d’y aménager la veille, avec ses boîtes en carton pleines de documents, deux guitares sagement assises sur leur derrière contre un mur, et un feu de bois qui rougeoie dans la cuisine au cœur d’un étrange petit four à pizza.
Mais tout autour, la zone s’est urbanisée, et là où, autrefois, des vaches paissaient dans les prés voisins, il y a aujourd’hui quelques maisons, dont la modernité démonstrative jure un peu avec les murs voûtés de cette fermette sans âge.
Pour les musiciens, les syndicalistes et les militants des années ’70 et ’80, le GAM a longtemps symbolisé ce qui se faisait « de mieux » chez nous en matière de chansons sociales. « Chansons sociales », disais-je, mais « pas que ».
Le groupe a toujours aussi joué aussi de jolis instrumentaux « folk », ou abordé des sujets plus universels, comme « Chanson d’amours », un de leurs « tubes ». Une magnifique chanson de Michel en « cadeau » à Martine, une ode à la liberté et à l’amour, qui fut aussi chantée par Christiane Stefanski.
Le GAM a autoproduit deux 33T, et vous pouvez redécouvrir tout son répertoire sur le site du groupe (2).

À Saint-Gilles pour la Palestine (2011)
Avant l’interview, pour profiter un peu du soleil d’hiver, nous avons été faire une petite balade dans les bois voisins – dans l’immense propriété du Château de Monceau, que la Ville de Charleroi a rachetée pour en faire un grand parc public.
L’été, les familles turques, qui ont toutes un mineur de fond dans leurs ancêtres, y étendent les grandes nappes des pique-niques. Mais en cette saison, à part trois joggeurs et une colonie de taupes, qui pondent leurs petits terrils au pied des arbres centenaires, le parc est désert.
À midi, Michel, qui aime cuisiner, nous a préparé un délicieux frichti de légumes servi sur pâtes – et j’avais apporté une bouteille de rouge pour l’arroser. Bon. Après tous ces préambules, je crois qu’on peut commencer l’interview, non ?
Claude : Michel, je crois qu’on a fréquenté un an ou deux le même athénée royal d’Uccle 1, moi en latin-sciences, toi en latin-grec. Mais tu es mon aîné de quelques années, et tu en es pratiquement sorti quand j’y rentrais. Tu as fait quoi, après ? Les « Romanes » ? Et comment passe-t-on, de là, à la « chanson sociale » ?
Michel : Non, non, j’ai continué le latin et le grec à l’ULB. J’aimais vraiment cela. Nous n’étions qu’une douzaine au cours, et j’ai eu la chance d’avoir des professeurs magnifiques. Mais à l’athénée déjà, comme toute notre génération, nous étions très sensibilisés aux questions politiques et sociales. On allait manifester contre la bombe atomique, contre la guerre du Vietnam…
Claude : Tu y allais déjà avec ta guitare ?
Michel : Oui, avec une bande de copains. On chantait “We shall overcome”, Joan Baez, Bob Dylan, … Moi, je chantais “Masters of War”. C’était un peu paradoxal, parce qu’on chantait en anglais dans des manifs qui étaient censées être « antiaméricaines » (sourire). Mais on avait une très grande admiration pour le mouvement anti-guerre aux États-Unis, et en chantant en anglais, on avait le sentiment de participer à cet élan.
Claude : On est en quelle année, là… ?
Michel : ’65, ’67… juste avant ’68.
Claude : Tu m’as dit aussi que tu avais fréquenté le scoutisme… Cela a joué un rôle dans ton parcours ?
Michel : Oui, j’étais au « groupe Honneur ». J’ai de très bons souvenirs des chansons autour des feux de camps… chanter épaule contre épaule, les voix qui se mêlent, « Perrine était servante », quelques Brassens, « le chant des marais »…
Claude (chantonne) : « Loin dans l’infini s’étendent / Les grands prés marécageux »… On chantait cela aussi aux Pionniers, les « scouts communistes » que je fréquentais de mon côté. Et puis tout le répertoire antimilitariste…

Avec John au banjo, “Roudoudou”, Karine, Martine et Jacqueline.
Michel : Oui, c’est ça. Mais je me souviens surtout du plaisir de chanter ensemble, de cette émotion partagée… Et puis un peu plus tard, j’ai chanté aussi en duo avec John Dobrynine, qui était comédien, et qui jouait du banjo à cinq cordes, des flûtes, de la clarinette. Un petit répertoire bluegrass, quelques chansons, mais ça restait entre nous.
Et puis en ’73, on a rencontré Jacqueline, qui a une belle formation classique, mais qui était contente de reprendre le violon dans un cadre « plus ouvert », et on s’est mis à jouer ensemble le répertoire de « Rum », un groupe folk flamand. On adorait ça. On se voyait souvent et on jouait ensemble pour le plaisir.
Et puis, il y a eu le concert de solidarité avec les dockers, qui fut notre premier concert « public ». Avec la fameuse chanson « Hand in hand, kamaraden… » et des chansons de lutte comme « Bella Ciao »… C’est à cette occasion-là qu’on s’est baptisé « Groupe d’Action Musical », parce qu’on nous avait demandé « quel était le nom de notre groupe »…

Karine et Martine (en 2010)
Claude : Au Beursschouwburg en ’73 ? C’est marrant, j’y ai chanté aussi… À cette époque, j’habitais rue Marché aux Peaux, à 300 mètres de là…
Michel : Et puis il y a eu le coup de tonnerre du coup d’État de Pinochet au Chili. On s’est mis à jouer et chanter régulièrement dans les manifs. Le « chant de l’Unité Populaire », et tout un petit répertoire autour de ça…
Claude : De mémoire, j’associais plutôt la naissance de votre groupe à la lutte des habitants du quartier Nord…
Michel : Ça, c’est un peu plus tard, au printemps ’74, mais c’est effectivement la première « chanson de lutte » qu’on a écrite avec les personnes concernées…
Claude : Je ne savais pas que John avait musicalement fait partie de votre groupe dès le début. Je me souviens de l’avoir vu intervenir dans vos concerts déguisé en un improbable « Tindemans », le premier ministre d’alors, qui répondait avec beaucoup d’humour aux questions du public. Il avait l’art d’improviser des réponses poilantes, mais avec toujours un
vrai fond politique.
Michel : Oui, il est revenu plus tard avec cette casquette-là, mais il était aussi là au départ comme musicien – comme d’ailleurs Jean-Claude Salémi.
Claude : Et Karine et Martine ? (3)
Michel : Fin 75, début 76, un peu avant l’occupation de Siemens-Beaudour.
Claude : Vous avez évidemment beaucoup joué dans les usines occupées. Comment vous définissiez-vous politiquement ?

Jean-Claude Salemi
Michel : Personnellement, je n’ai jamais eu d’appartenance politique. En ce qui concerne le GAM, nous avions convenu d’être avant tout au service des luttes que nous soutenions et que nous connaissions. De ne pas chanter pour les partis, et de prévenir toute récupération de leur part. Notre répertoire nous a permis d’exprimer nos convictions sur nombre de sujets, mème si nous ne sommes pas toujours d’accord entre nous…
Claude : Vous avez quand même chanté pour les anars à Barcelone ?
Michel : En juillet 77. Après la mort de Franco, on a joué là-bas pour un syndicat espagnol, la CNT, la Confederacion Nacional Del Trabajo, de tradition anarcho-syndicaliste, qui renaissait de ses cendres. Des milliers de personnes au parc Guell, à Barcelone, un souvenir magnifique. Mais là, on avait déjà un répertoire bien à nous, on a joué sur une scène immense, et on a eu un franc succès.
Claude : On rebobine un peu. En ’74, Jacqueline et toi, vous travaillez déjà au « Snark » ?
Michel : Depuis ’73. Le « Snark », c’était à la fois une école et un lieu de vie pour les enfants qu’on disait « caractériels », ceux qui ne trouvaient pas leur place dans l’enseignement habituel. Je préfère parler de « ces enfants qui ne tenaient pas en place », qui ne restaient pas à la place qu’on leur assignait, à l’école ou en famille.
Claude : Combien étiez-vous ?
Michel : Une bonne trentaine de jeunes, et une équipe de près de quarante adultes pour donner les cours, préparer les repas, animer les activités, « faire les nuits », les week-ends, etc… soit une dizaine de travailleurs sur place en journée.

Jacqueline Rosenfeld
Claude : Vous étiez influencé par certaines aventures pédagogiques alternatives, comme « Libres enfants de Summerhill » ?
Michel : En partie, mais ce serait une longue discussion. Il y avait aussi l’influence de Maud Mannoni et des communautés thérapeutiques du sud de la France. Et de François Tosquelles, et de tout le mouvement de la pédagogie institutionnelle.
C’était donc à la fois une école et un lieu de vie, avec des profs, des éducateurs et des psys. Nous pratiquions une gestion collective très conséquente avec l’égalité des salaires, la rotation des tâches et des responsabilités, les assemblées hebdomadaires.
Claude : Et comment passes-tu d’études universitaires gréco-latines, qui sont quand même assez pointues, et plutôt tournées vers le passé, à un boulot qui a cette dimension sociale affirmée ? Je suppose que tu n’enseignais là-bas ni le grec, ni le latin ?

Dans l’usine occupée de Glaverbel : une photo mythique pour l’Histoire.
Michel : C’est Stéphane Liberski, dont on parlait tout à l’heure, qui m’a aiguillé vers le projet du « Snark ». Le « Snark » a été initié par un psychanalyste d’origine hongroise, Zoltan Veress, un gars à la trajectoire très intéressante – un réfugié politique de la révolution hongroise de 1956. C’est bizarre de dire ça aujourd’hui, quand on sait ce que c’était en réalité, mais c’était aussi inspiré par une vision naïve et idéalisée des communes populaires chinoises et de la « révolution culturelle » de Mao : se « mettre à l’écoute » du peuple, encourager la mixité des tâches,… tout ce genre de choses.
On a commencé par un an de séminaire de préparation, avec l’équipe qui avait initié le projet. Notre participation à la vie du Snark était donc par essence assez polyvalente, mais je donnais plus particulièrement des cours de français et de « morale ».
Au GAM, on avait donc déjà tous une vie professionnelle et familiale – avec mes enfants et ceux de mes compagnes, j’ai élevé huit enfants,… mais pas tous en mème temps ! Et puis notre activité militante avec le GAM venait en plus de tout ça. On devait toujours trouver un certain équilibre entre ces diverses activités…
Claude : Tu as parlé de votre intervention musicale dans les manifs, et dans la lutte des habitants du Quartier Nord à Bruxelles. À quel moment la jonction s’est-elle opérée avec la classe ouvrière ?

Jacqueline et Michel, à la fraîche, à Chooz.
Michel : Le premier lieu où l’on a fait une intervention un peu conséquente, c’était les Grès de Bouffioulx à l’été 1974. C’était une usine de pots en grès, les Grès Guérin, dont on annonçait soit la fermeture, soit le licenciement d’un grand nombre de travailleurs et de travailleuses. Ils et elles ont décidé d’occuper l’entreprise, et de vendre leurs produits à la population, un peu sur le modèle de Lip en France. On a été très gentiment accueillis par les gens du Comité de Grève, et on a décidé d’écrire une chanson sur Bouffioulx et d’en faire un 45T pour rentrer de l’argent pour la caisse de grève. Sur l’autre face, il y avait une version de l’Internationale. Un copain est venu nous enregistrer avec son Revox à l’intérieur même de l’usine occupée.
Syndicalement, les Grès Guérin faisaient partie de la « Centrale Générale » de la FGTB.
La FGTB est organisée en grandes centrales professionnelles (les Métallos, les services publics – la CGSP –, etc…) et la « Centrale Générale » regroupe tous ceux qui n’ont pas leur place ailleurs (les mineurs, les verriers, le textile…).

“Allez, les gars…” les yeux dans les yeux, sur l’escalier de la mairie de Givet.
Quand Glaverbel-Gilly a été occupée quelques mois plus tard, des gars nous avaient vu à Bouffioulx – et ils nous ont proposé de faire la même chose chez eux. Ce Comité de grève, c’était vraiment des gens magnifiques, avec des syndicalistes révolutionnaires comme André Henri et Léon Stas, et une vraie tradition de démocratie ouvrière. Des gens qui avaient un background incroyable. Il faut lire la vie d’André Henri, qui venait lui-même d’une famille trotskiste (4).
Puis à l’hiver ’75, on a été appelé aux Ateliers Hanrez à Machienne-au-Pont. Là, c’était une situation très particulière. On était à la veille des élections sociales, et le candidat à la délégation principale, René Andersen, un syndicaliste révolutionnaire, avait non seulement été refusé par le patrons, mais aussi par la direction du syndicat.
Cela nous a amené à réfléchir sur le rôle des syndicats, comme outils de lutte, mais aussi comme champ de rapport de forces pour initier un syndicalisme de combat. C’est à cette occasion qu’on a écrit la chanson « Délégué, délégué, tu t’en vas négocier… ». On a fait un disque, avec juste le GAM et ce comité de grève, presque un disque clandestin, qui sentait un peu le souffre et qui se vendait sous le manteau… Et puis quelques mois plus tard, dans la foulée de tous ces contacts, on a pris la décision de venir vivre à Charleroi. Après des semaines de grève à Marchienne, cela s’est malheureusement terminé par un échec. René a été viré – même s’il a vite retrouvé du travail aux Chemins de Fer, et même si c’est un gars du Comité de grève a été élu à sa place comme délégué principal.

Place Rouppe, Michel Gilbert à la voiture radio de la CGSP
Claude : A quel moment êtes-vous entrés en contact avec le mouvement anti-nucléaire – qui a je crois aussi occupé une place importante dans votre trajectoire ?
Michel : Il y a justement un rapport avec les Ateliers Hanrez, parce qu’un des gars du Comité de grève était originaire de Chooz. Quelques années plus tard, en 79, quand la population s’est mobilisée contre le projet de centrale nucléaire, ils ont fait appel à nous, on a été sensibilisé à la question. On a également enregistré un 45T pour le Comité.
Il y avait alors plusieurs mouvements anti-nucléaires en France : à Plogoff, en Bretagne, sur d’autres sites aussi, mais à Chooz, c’était particulier, parce qu’il était fortement ancré dans la tradition ouvrière. Cela nous a mis en contact avec plusieurs usines dans le nord de la France, et on a même été chanter à un congrès de la CFDT…
Claude : Dans combien de luttes ou d’occupations êtes-vous ainsi intervenus ? Quelques dizaines ? Quelques centaines ?

Avec Paolo Radoni (à droite), qui remplaçait parfois Jean-Claude
Michel : Quelques centaines, certainement pas, parce qu’on faisait ça en plus de notre boulot. Quelques dizaines, oui. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on nous a presque toujours invités – ce n’est pas nous qui nous nous « imposions ». Cela fait naturellement, de lutte en lutte. Jean-Claude (ndlr : Salémi) avait fait une petite BD confidentielle, où on nous voit arriver avec des ailes comme des super-héros (rires).
Le combat de Chooz a été très important pour nous, parce qu’il a mobilisé beaucoup d’énergie, et a débouché à plusieurs reprises sur une confrontation directe avec l’état français et ses gendarmes. De là date la fameuse chanson qu’on chantait face aux casqués, et qui a souvent été depuis chantées dans les manifs : « Allez, les gars, combien on vous paye / Combien on vous paye pour faire ça ? ». Ce mouvement était extraordinaire, chaleureux, parce que très divers et très ouvert : les Jeunes FGTB de Namur, la CFDT des Ardennes, des communistes libertaires de Reims et de Charleville, des membres du PC, du PS, du PSU… On a organisé quelques fêtes de soutien qui rassemblaient des milliers de personnes. Tu es venu y chanter, non ?
Claude : Oui, oui…
Michel : Il y avait Christiane (ndlr : Stefanski), Gilles Servat … C’était juste avant la victoire de Mitterrand, et cela cristallisait toute l’opposition au Gaullisme finissant… Après, on a eu un sentiment de trahison, parce que Mitterrand a laissé tomber Plogoff, mais que la centrale à Chooz a finalement été construite…
Claude : Le moteur de votre démarche était « militant », mais vous avez toujours aussi développé un volet « artistique » – et sur tous vos disques, il y a des instrumentaux…
Michel : C’est vrai qu’on a toujours laissé une certaine place aux instruments – à la beauté, à l’émotion. Dans les groupes, c’est souvent le chanteur ou la chanteuse qui sont mis en avant. On voulait aussi mettre le focus sur tous les autres membres du groupe.
Rien à voir, mais je me suis par ailleurs beaucoup investi comme enseignant syndiqué à la CGSP de la Louvière, qui avait une vie démocratique exemplaire, avec des assemblées où chacun pouvait s’exprimer. Le moment où j’ai le plus chanté dans les manifs, c’était lors de la mobilisation de ’96 contre les mesures d’Onkelinx. Mais là, je ne le faisais pas avec le GAM, mais à la « voiture radio » avec la CGSP – et d’innombrables versions satiriques de « C’était bien chez Laurette… ».
Claude : Tu me parlais tout à l’heure d’un projet de disque…
Michel : De « disque », je ne sais pas, parce que je ne sais si les gens ont encore des lecteurs de CD chez eux, mais oui, on voudrait enregistrer « proprement » les chansons et les instrumentaux qu’on a composé depuis « La vie est belle » en ’81.
Claude : Ah ! purée ! Vous n’avez rien enregistré depuis ’81 !
Michel : Non. Il n’y en a pas tellement… On n’a pas ta « productivité »… Mais il y en a quand même quelques-unes, en quarante ans, auxquelles on tient vraiment ! On prend toujours énormément de plaisir à se retrouver et à jouer ensemble – et il y a entre nous une qualité de relation humaine rare, et qui ne nous a jamais fait défaut. Et puis j’ai envie de recommencer à jouer dans la rue – avec le GAM, on était plutôt devenu « un groupe de scène », alors qu’on ne l’était pas du tout au départ… – mais je ne sais pas très bien ce que je vais faire avec cette envie !
Propos recueillis par Claude Semal le 14 janvier 2025.
(1) voir le texte ci-dessous
(2) https://www.legroupegam.be/
(3) Karine La Meir (contrebasse, violon) et Martine Collin (chant).
(4) https://www.pressegauche.org/L-Epopee-des-Verriers-du-Pays-Noir
« Allez les gars », une chanson souvent chantée dans les manifs.
Un instrumental du GAM.
La banlieue de Charleroi (C. Semal)
Je roule au milieu des forces productives
la gorge entre deux terrils
ma chemise ouverte au soleil des lessives
claque au vent d’avril
ma bicyclette ivre aux hoquets du voyage
perdait ses écrous
et Maïakovski sur le porte-bagages
guidait le fil de ma roue
Dans la banlieue de Charleroi
c’est pas l’ouvrier qui est roi
Cycliste minuscule à grands coups de pédale
je poursuivais l’horizon
ce n’est plus un vélo c’est le vent qui dévale
cette vallée sans gazon
En longeant les fabriques qui crachent aux nuages
d’immenses geysers roux
j’arrive poussiéreux le corps le cœur en nage
sur le plateau de Goutroux
Dans la banlieue de Charleroi
c’est pas l’ouvrier qui est roi
Sur ma route un vieillard après trente ans de mine
le dos courbé s’est figé
sur la terre les pierres les feuilles les racines
de son potager
Dans ces près doux et verts d’où l’on voit l’industrie
entre les stries du couchant
à cinq heures du soir les gars des aciéries
passent en courant
Dans la banlieue de Charleroi
c’est pas l’ouvrier qui est roi
Mais la mode d’hiver le fric et sa misère
ça peut pas durer toujours
tu sais, même à travers la pire des poussières
on voit percer le jour
au-dessus des arbres les hauts-fourneaux brûlent
toute la nuit
cette lueur c’est l’avenir qui hurle
« j’aime la vie »
Dans la banlieue de Charleroi
Un jour l’ouvrier sera roi
martine beckers
Publié à 18:16h, 26 janvierqu’est ce que cela fait du bien de te lire ! tant de souvenir, je vais transmettre aux jeunes et aux vieux gauchos
François-Marie Gerard
Publié à 14:02h, 19 janvierGénial, cette rencontre. GAM, ça reste une des plus belles merveilles de la chanson belge francophone !
Je me permets de mettre le lien vers la page que je leur consacre : http://www.fmgerard.be/vie/chanteurs/gam.html
Merci, Claude.
Catherine Kestelyn
Publié à 10:02h, 18 janvierQuel plaisir de découvrir cet article en sirotant son café du samedi matin.
En commençant par la photo: mais quelle superbe photo!
Merci, Claude, merci au GAM pour toutes ces belles années, ces inoubliables piquets, ces belles batailles!
Bianchini Christian
Publié à 14:45h, 18 janvierUn condensé de notre jeunesse militante en un article. Bonjour Catherine,