Interview MACHINE RONDE Bertier / Péchin / Racasse

J’ai d’abord découvert le « groupe Bertier » via la photographe Lara Herbinia, qui est l’accoucheuse d’images et la voix féminine de ce duo pop (?) rock. Pour l’affiche de mon dernier concert, elle avait élégamment trouvé l’éléphant caché dans mon œil. Puis j’ai été bluffé par la voix et les textes de Pierre Dungen.

Pierre / extrait du clip “Baby relax”

Il faut avoir l’oreille pour la reconnaître, la littérature, quand elle se cache derrière des riffs des guitares électriques. C’est de la poésie en tongs et en santiags, qui n’exhibe pas d’entrée de jeu ses feuilles de laurier ni la dorure de ses lettres de noblesse – surtout quand elles sont, pour le coup, un peu fantaisistes, légèrement alcoolisées et vachement plébéiennes.
D’où ce besoin peut-être de semer régulièrement dans leurs chansons quelques références littéraires, comme des post-it fluos sur un frigo, à destination des portugaises ensablées.
J’avais ainsi beaucoup aimé, dans leur précédent album, le clip « les grands brûlés », qui fait carrément une galerie de portraits de quelques poètes·ses iconographiques et inspirant·es.
Ce nouvel opus, « Machine Ronde », ne dérogera pas à cette règle implicite – puisque le premier « clip-single » de l’album est « Demande à John », titre inspiré par un livre phare de l’écrivain américain John Fante  – “Demande à la Poussière”.

Lucas Racasse (par Lara Herbinia)

Ce traitement « en images » des chansons est par ailleurs une autre caractéristique de Bertier. Il doit généralement beaucoup au talent de Lara Herbinia, mais sera cette fois transcendé par la rencontre du duo avec le graphiste Lucas Racasse, qui s’est lancé de son côté dans une pure dinguerie : réaliser un film d’animation en noir et blanc sur la totalité de l’album !
Si l’on ajoute à cela que c’est Yan Péchin, le dernier guitariste de Bashung, qui est cette fois aux guitares et aux manettes de l’album, on pressent que le résultat ne devrait pas laisser les baffles belges et internationaux indifférents – quoiqu’en matière de critique rock, comme pour le reste, il y ait parfois des baffes qui se perdent.
Interview de Pierre Dungen, covidé, et donc tenu à distance, mais néanmoins familier. Pour boire un coup, on s’est donné rendez-vous dans quinze jours. Une affaire rondement menée – avec ou sans machines.

Claude Semal, le 13 février 2024.

Claude : Voici le dernier de vos quatre albums consacrés aux « éléments ». Après l’Eau (avec « Dandy », 2015), l’Air (« Anna & Roby », 2017), le Feu (« Feu·e », 2020), voici la Terre avec « Machine Ronde ». Votre travail, c’est à la fois un solide ancrage dans la culture « rock », et une certaine passion pour la littérature ?

Pierre Dungen par Lara Herbinia

Pierre : Oui, j’étais basiquement parti sur un cycle autour des quatre éléments – même s’il y en aura peut-être finalement un cinquième. Et « Machine Ronde », c’est le joli nom que donne Jean de La Fontaine à la Terre dans une de ses fables. J’ai trouvé ce nom merveilleusement bien choisi. Après, cet album-ci a plutôt été influencé par des auteurs américains, qui sont en général plus « rough », plus bruts.
Le premier single de l’album, c’est d’ailleurs « Demande à la Poussière », inspiré par un titre de John Fante. Dans ses romans, largement autobiographiques, il apparait à la fois comme très touchant et très horripilant. Je l’ai lu il y a longtemps, mais c’est un bouquin qui m’avait marqué. Quand j’écris, j’ai souvent des réminiscences parfois très anciennes, et plus ou moins conscientes.

Claude : D’où te vient ce goût pour la littérature ?

Pierre : Pour les livres, plutôt. Pour le livre « papier ». C’est je pense le seul endroit où l’on est vraiment « libre ». Seul avec quelqu’un ou quelqu’une qui vous raconte une histoire, ou qui vous explique quelque chose – un livre scientifique, cela peut être super aussi – sans être nécessairement « en connexion » avec les autres. J’aime entrer ainsi dans l’univers de quelqu’un.
Je n’ai pas « le permis », je prends souvent les transports en commun, je suis plutôt noctambule et insomniaque – donc, je lis beaucoup ! J’ai ainsi l’impression d’avoir vécu plein de vies, d’avoir fait plein de rencontres, d’avoir connu plein de mondes – et de mieux comprendre ainsi ce qui se passe parfois dans la tête des gens.
En fait, je lis tout le temps, et un peu de tout.

Claude : Tu as fait des études de romaniste ? Tu enseignes comme prof ?

Photo Lara Herbinia

Pierre : Presque. J’ai une formation d’historien, mais j’ai failli faire les romanes. En fait, au départ, vers 16-18 ans, je ne voulais « rien » faire, ou plutôt, je voulais ouvrir un café, un « café littéraire », pour mettre ensemble deux trucs qui me plaisent vraiment : boire un coup et lire (rire de Claude). Et à l’époque, je fumais aussi pas mal. Boire, fumer et lire, cela m’allait très bien. Mais bon, quand tu travailles, tu ne peux pas boire tous les soirs. Tu as tenu un café, non ?

Claude : Un café-théâtre, à l’arrière du Resto Cartigny…

Pierre : Ah ! Oui, je me souviens !

Claude : …Ce n’était pas moi qui étais derrière le bar, mais effectivement, quand on termine tous les soirs au comptoir, cela ne pousse pas vraiment à l’abstinence (rire). Le resto n’avait pas la licence « alcool », mais on avait un nom de code pour commander « en stoemelings » un fond de whisky utilisé pour les sauces à la cuisine : un « chinois » !

Pierre : Ce projet de café-littéraire, c’était plutôt un fantasme. Après, comme j’étais plutôt obéissant à mes parents, surtout quand ils me menaçaient de couper les vivres… courageux, mais pas téméraire… j’ai commencé, c’est dingue, des études de médecine. Trente jours ! Parce qu’un copain m’avait dit : « Tu vas voir, on va se marrer ! ».
C’était évidemment ridicule. S’il y a un truc qu’on ne fait pas, dans des études de médecine, c’est se marrer !
Quand j’ai dû disséquer un rat, j’ai découvert que j’étais allergique aux poils, j’ai attrapé des boutons, tout ça, tu imagines… je n’aurais pas pu opérer des patients poilus (rire).
Et un jour, à la « pause » du cours de chimie, donné par le professeur Schneck, qu’on appelait « Schnock », ce qui n’est pas gentil, je me suis dit : « Qu’est-ce que je m’emmerde, ici ! »… et je suis parti !
Mais bon, comme mes parents avaient payés le minerval pour l’année, il fallait impérativement choisir une autre matière. J’ai d’abord été me balader du côté des lettres, j’ai effectivement un peu hésité entre « romanes » et « histoire », et finalement, c’est un peu par hasard que j’ai choisi « Histoire ». Et que j’ai appris à aimer cette matière. Maintenant, je l’enseigne moi-même, et j’écris des livres d’histoire !

Claude : Toi, tu écris des bouquins ? Sur quels sujets ?

Extrait du clip “Baby Relax”

Pierre : Je viens de terminer un livre sur Henri La Fontaine, un pacifiste belge qui a été Prix Nobel de la Paix en 1913 – ce qui n’est pas courant pour un Belge.
J’ai aussi écrit la biographie d’Hubert Pierlot, qui était premier ministre au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Un vrai « catholique » royaliste qui n’a donc pas eu de chance, car il a dû aussitôt s’opposer à Léopold III. Qui, on peut le dire maintenant, était plutôt « favorable » aux régimes autoritaires – et donc à l’Allemagne.
Pierlot et plusieurs de ses ministres ont donc dû s’exiler en Angleterre pendant toute la guerre où ils ont été notre gouvernement légal. Quand je me plonge là-dedans, dans ces archives, je suis heureux.
Je peux écrire dix heures d’affilée. Je ne m’arrête que quand je suis épuisé.

Claude : Ce sont des commandes, ou des sujets que tu choisis toi-même ?

Pierre : Un peu les deux. Des projets, des rencontres, avec des personnes ou avec des Fondations, ce sont des « commandes choisies », disons. Avec une totale liberté de recherche et d’écriture, et très modestement payées – même si elles m’ont par exemple permis de financer « Machine Ronde ». J’aime vraiment toutes les formes d’écriture.
D’ailleurs, je propose souvent un « livret » au compositeur, et mes mots inspirent alors des notes à un musicien. Moi, je ne suis qu’auteur interprète. C’est comme ça que j’ai travaillé avec Yan Péchin, qui a composé et « arrangé » toutes les musiques de « Machine Ronde ». J’écris une phrase, et il en fait une mélodie. Un mot, une note. J’étais assis à côté de lui, et quand un mot ne lui plaisait pas, je le supprimais ou je le changeais. Et voilà. Lire, écrire… et boire du vin !

Claude : Question bateau : tes influences musicales ?

Lara / extrait du clip “Baby Relax”

Pierre : J’ai vraiment écouté toutes sortes de musiques. Bon, je suis venu à la chanson par Brassens, Gainsbourg, Higelin, Bashung, Barbara… Aujourd’hui, j’écoute plutôt des musiques anglo-saxonnes. Mais je reste très sensible à tous les gens qui jouent avec la langue française pour la faire « sonner ». Quand tu rêves dans une langue, je trouve juste d’écrire tes chansons dans cette langue-là. De parler la langue de ton imaginaire.
Et en français, ce qui m’intéresse, c’est cette bataille constante avec les mots pour pouvoir les chanter – surtout dans le genre qu’on fait, « pop rock » au sens large. Avec une rythmique. Tout le travail sur les allitérations, tout ça. Le premier jet, c’est très rapide, mais ensuite, je reviens dessus pendant des mois.
Et souvent, c’est très curieux, le texte final est réduit d’un tiers ou d’une moitié, parce que je supprime les incises, les relatifs, les adverbes, les épithètes. Mais je conserve par contre les mots « compliqués » – quand ils expriment vraiment ce que je veux dire. Car en « simplifiant », tu banalises. Et je n’en ai pas envie.
Je ne pense jamais : est-ce que cela va plaire ? Écrire, c’est d’abord pour moi une nécessité. J’y prends bien sûr aussi du plaisir, c’est certain. Mais c’est une nécessité. Vraiment. Écrire, c’est une façon de… de… de se livrer sans tout dire.
Mes mots peuvent souvent avoir plusieurs sens, cela ne me dérange pas. Au contraire ! C’est même plutôt ce que je recherche ! Je ne suis d’ailleurs pas toujours certain de bien comprendre moi-même ce que j’écris.

Claude : Ce sont en tous cas des textes « chargés » et « écrits ». Cette polysémie, c’est ce qui permet aussi ensuite de multiples écoutes – parce que les chansons gardent une part de leur mystère.

Pierre : Il y a les chansons « à écouter », et puis les chansons « à entendre ». Je pratique plutôt la première catégorie, mais ce n’est pas un jugement de valeur. Il y a de très belles chansons « à entendre ».

Extrait du clip “Demande à John”

Claude : Je perçois un peu mieux à présent ton rapport à l’écriture – un véritable « besoin » né d’une passion pour la lecture. Mais il me semble que tu habites aussi un autre « imaginaire » : celui du « chanteur rock », où là, on est plutôt dans une « image ». Le chanteur iconographique avec ses lunettes noires sous les sunlights.

Pierre : Je ne me suis pas fabriqué « une image ». Je suis différent en scène et dans la vie, je te l’accorde, mais « être rock-and-roll », ce n’est pas forcément se rouler tout le temps par terre. C’est parfois faire des choix de vie, ou ne pas accepter certaines choses. Desproges disait : « Tout le monde est rock-and-roll, si j’ai bien compris, sauf Yvette Horner » – et encore, parce qu’à une certaine époque, Yvette Horner, elle était vachement rock-and-roll. Alors, concrètement, « rock », qu’est-ce que cela encore veut dire ?
Musicalement, j’aime beaucoup les guitares – acoustiques et électriques. Cela a aussi un côté « générationnel » : aujourd’hui, c’est le hip-hop qui est plutôt « devant », le « rock » devient aussi une musique « de niche – pas « à la niche ! », « de niche ».
Mais dans tous les cas, mon travail, même s’il y a parfois une part de cabotinage, mon travail est d’être sincère. Vraiment sincère. Cela m’a d’ailleurs parfois joué des tours. Quand je suis mal à l’aise quelque part, j’ai des malaises physiques, je dois partir. J’ai donc intérêt à être « raccord » – je n’y arrive pas toujours – entre ce que je pense et ce que je dis. Ça, pour moi, c’est… c’est… c’est indispensable. C’est vital.

Claude : Comment s’est passée la rencontre avec Yan Péchin, le guitariste, compositeur et producteur – dans le sens anglosaxon du terme – de votre album ?

Extrait du clip “Demande à John”

Pierre : Quand on a commencé le « cycle » des éléments, Lara Herbinia, qui est photographe, chante dans le collectif « Bertier », et est par ailleurs ma femme, avait rencontré Péchin dans le cadre d’un reportage photographique. Yan, c’est un des « guitar hero » du rock français. Il a tourné avec Alain Bashung, Hubert-Félix Thiéfaine, Higelin, Brigitte Fontaine… et des tas d’autres.
Avec mon ami musicien Quentin Steffen, on n’arrivait pas à terminer notre premier album, qui était plutôt « home studio ». Et Yan a accepté de poser des guitares sur quelques pistes, et il est resté avec nous jusqu’à « Feu.e », où il m’a carrément dit : « le prochain, j’aimerais le réaliser, avec une petite équipe ».
Je m’entends très bien avec lui, je peux dire que c’est un ami, c’est quelqu’un qui est très sincère, à la fois dans son travail de musicien, et dans la vie. On a fait ça finalement très vite, enregistrement et mixage en une quinzaine de jours – mais dispatchés sur une période beaucoup plus longue (2022-2023). Et pour la composition, quand Yan est venu chez moi avec une gratte sèche, aujourd’hui on dirait « acoustique », mais j’aime bien « sèche », on a mis… je ne sais pas, deux jours et demie ? Entre l’après-midi et la nuit. On composait tout le temps, c’était un rêve. Tu as les compositions de l’après-midi, au thé et au café, tu as les compos du soir, au vin (rire de Claude), et puis les « bridges » (ndlr : les « ponts » musicaux) quand il y a trop de vin, et puis tu mets le tout ensemble.
Yan travaille à la guitare comme s’il était peintre, en coloriant les sons, pour dix secondes de musique, il peut mettre quinze ou vingt couches de guitares. Et puis on a enregistré des voix témoins avec la guitare acoustique. J’ai refait des voix par après, mais sur les dix titres, il y a quatre de ces voix « témoins » qui sont restées…
A la différence des albums précédents, qui avaient été travaillés pendant des mois (sous la houlette de l’ingénieur du son et musicien Amaury Boucher), on voulait avoir quelque chose qui soit dans l’intensité, avec le plus possible de gens qui jouent ensemble.
La section rythmique a été enregistrée à Paris en deux jours, les dix titres, des musiciens magnifiques, ce sont en fait eux qui ont accompagné Bashung lors de sa dernière tournée.
Moi, je suis un artisan. J’admire vraiment tout ce qui est artisanal. J’admire les gens qui font des tartes, des instruments de musique, qui écrivent des bouquins… tout ce qui n’est pas industriel, j’aime. Voilà.

Yan Péchin (photo Lara Herbinia)

Claude : Néanmoins, ce travail « artisanal », tu as trouvé un moyen de le faire entrer dans un circuit de distribution commercial ?

Pierre : Oui, c’est pareil que pour les livres, il faut évidemment un distributeur. Ce coup-ci, on travaille avec « InOuïe Distribution », qui est localisé à Saint-Étienne, en France, et qui s’occupe du placement du disque en magasins et sur les plateformes – même si « on aide », et qu’on est aussi au four, au moulin et aux champs. On les suit, mais ils sont là.
Mais c’est surtout Lara qui suit la chose, parce que moi, en termes de communication, je suis un dinosaure, je suis sur Facebook, le « réseau des morts ». Instagram, Tik-Tok, j’ai essayé mais je ne peux pas, notre « manageuse » Ingrid a été à un « séminaire Tik-Tok » où on lui a expliqué qu’il fallait des séquences 30 ou 40 secondes, ne jouant que sur l’émotion, parfois sombre et triste, parfois joyeuses, c’est formidable, parce que c’est typiquement ce qu’on fait dans les régimes fascistes, et très clairement aussi, cela conduit tout le monde à la dépression, ça.
Moi qui ai déjà des tendances humoristiquement suicidaires, ce n’est pas pour moi. C’est déprimant. Je résume en une phrase : tout ça m’emmerde (rires). Cela ferait un beau titre pour l’article : « Tout ça m’emmerde ! » (rire).
En plus, ce ne serait pas vrai, je me suis une fois fait avoir avec ça, j’avais fait une interview avec un jeune journaliste que j’adorais, Christophe Van Impe, qui est mort depuis, on avait déconné jusqu’à quatre heures du matin avec une bouteille de Rhum Clément, et je lui avais dit : « Je parle dans un petit langage local, je me sens un peu comme le Cesària Évora bruxellois… » (rire), et lui met ça en titre. Je me suis fait allumer par des tas de gens, « pour qui il se prend, ce connard ? » – bon, c’était juste une façon amusante de dire que je chante une langue mondialement « minoritaire », que je ne chante pas en anglais.

Claude : Parallèlement, il y a un très gros travail de vidéo qui est fait autour de l’album par Lucas Racasse – qui est en train de réaliser un « clip » d’animation de plus de 30 minutes qui va couvrir l’ensemble de l’album ! C’est dingue, comme boulot ! Est-ce que tu peux nous en parler ?

Extrait du clip “Baby Relax”

Pierre : Il y a trois personnes essentielles autour de cet album, Yan Péchin pour tout l’aspect musical, Lara Herbinia pour tout ce qui est image et mise en forme du projet, et Lucas Racasse. Lucas, je l’aime beaucoup, il est un peu comme un membre de la famille, il a commencé par nous faire un clip, puis il nous en a proposé un second pour « Machine Ronde ». Il se fait qu’il aime beaucoup cet album, et qu’il a décidé de faire un truc plus long, un moyen métrage. En noir et blanc, lui qui travaille tout le temps en couleur !
C’est comme Yan : quand des gens viennent te trouver parce qu’ils ont envie de bosser avec toi, c’est génial ! Il m’a demandé les pistes musicales sans la voix ; puis de lire aussi les textes sans la musique. Et avec tout ça, il crée une bande son originale, quelque chose qui, je crois, n’a jamais été fait.
Et on va proposer cela le 23 avril au « Marni », en première partie de notre concert de présentation – avec les musiciens « de scène » avec qui on va tourner. Michel Seba à la batterie et Bilou Doneux à la basse, et Geoffrey Hautvas et Yvan Rother aux guitares, quatre super musiciens, pas plus. Aujourd’hui c’est déjà un gros ‘band’ (et tu dois aussi compter l’ingé son). Mais Lara et moi on ne se prendra pas de cachet, si nécessaire, pour pouvoir payer les musicos, c’est important de pouvoir jouer cette musique « en direct », avec tout le monde.
Là tout de suite, on vient de sortir un second clip, « Baby Relax », et l’album sort en format vinyle et sur toutes les plates-formes le premier mars.
Je ne suis pas un « chanteur engagé », mais je suis de plus en plus fasciné par la Terre (il y a un morceau qui s’appelle « Gaïa »), et par ce qu’on lui fait. Elle va s’en sortir, c’est sûr. Mais pas nous. Et c’est parce que cette histoire habite mes rêves, ou plutôt mes cauchemars, qu’elle est ressortie dans mes textes.

Propos recueillis par Claude Semal le 11 février 2024

QUAND LE DOSSIER DE PRESSE PARLE DE « MACHINE RONDE »… ET DE BERTIER.

Le groupe de scène (photo Lara Herbinia et Lucas Racasse)

En magnifique contrepied d’une époque qui fleure l’intolérance crasse et imbécile, Machine Ronde, le quatrième album de Bertier, célèbre la vie, donc les vivants, avec classe, insolence et élégance.
On pourrait résumer les neuf années qui se sont écoulées dans la vie de la formation singulière de pop/rock francophone qu’est Bertier, et ce jusqu’à ce 1 mars 2024, date de la sortie de Machine Ronde, de la sorte. Le premier album Dandy (2015) célébrait l’eau et était mine de rien une ébauche déjà balèze d’un univers radical et sans concessions tandis que Anna & Robby (2017), qui rendait grâce à l’air, s’aventurait vers des terres électro-pop. Avant Feu.E (2020) où l’élément était au cœur de cette belle ouvrage que Pierre Dungen, chanteur, parolier et (forte) tête pensante de Bertier décrit aujourd’hui comme une « auberge espagnole avec, à la table, jusqu’à une vingtaine de convives ».
On serait tenté d’ajouter que Machine Ronde cristallise les trois précédents essais.
Pierre Dungen assume son chant et ses textes (faussement) désabusés et gorgés d’humour (noir mais pas que) avec une classe folle. « Un texte, ce n’est qu’une succession de syllabes » concède-t-il humblement. Tout en assumant sa filiation avec un certain rock lettré et là, difficile de ne pas penser à Patti Smith pour la démarche et encore moins à Alain Bashung, Jacques Higelin, Jean-Louis Murat ou Christophe Miossec. Machine Ronde est un disque de chair et de sang doublé d’un hommage à la terre. La boucle est bouclée.

Un visuel de Nina Dungen (la fille de Pierre et Lara) pour Baby-Relax

Gorgé d’une électricité qui transcende les dix chansons, à l’image du premier single « Demande à John », Machine Ronde vibre, pulse, palpite, tremblote parfois ; émeut surtout.
Machine Ronde célèbre les guitares. Les racines de la musique noire américaine. Celles du rock. Du blues. Et même la country à l’image d’« En découdre », l’un des dix morceaux de ce diable de quatrième album. Cette galette chaude et ronde (sic) a été enregistrée et mixée en quinze jours, entre juin 2022 et le printemps 2023 sous la houlette du guitariste et grand sorcier Yan Péchin (Alain Bashung, Hubert-Félix Thiéfaine, Brigitte Fontaine), compositeur des dix chansons, dans un studio parisien. Avec la participation des musiciens du regretté auteur de L‘Imprudence dont le bassiste Bobby Jacky pour ne citer qu’un des mousquetaires. On en oublierait presque de mentionner que Machine Ronde a été mixé par Jean-Charles Versari (Warren Ellis, Frustration, Oiseaux-Tempêtes,…) et mastérisé à Londres par Pete Maher (U2, The Pixies, Nick Cave,…). Et que la pochette – magnifique au demeurant –, en noir et blanc est signée Lara Herbinia, photographe et voix féminine de Bertier.
« Si il n’y a pas ce retour aux vivants et au respect du vivant, la vie n’a pas de sens » martèle Pierre Dungen. « J’essaie de rester fidèle à l’enfant que j’étais et que je suis toujours. C’est ça qui est formidable et qui me donne de l’énergie ».
Et de poursuivre : « Je fais de la musique qu’on écoute. Pas qu’on entend et je revendique l’idée que même si on est sur deux ou trois accords, on peut dire des choses ». Machine Ronde, à é-cou-ter, on répète ; à é-cou-ter bien fort peut procurer la sensation de vagues de chaleur d’un feu de cheminée. Faut juste faire gaffe de garder la distance. A moins d’accepter cette pluie de braise qui s’échappe des dix chansons authentiques et sincères, habitées d’une colère sourde indissociable des tourments et du chaos d’aujourd’hui.

Texte de présentation de l’album par le distributeur.

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GAÏA (Dungen/Péchin)

Toujours elle vibre / Fait valser / Chattes et chibres / Dans un souffle / Essouffle les maroufles
Elle virevolte /Amoureuse du soleil / Et je l’aime plus encore / L’indomptable vieille /Qui veille
Sur les 100 milliards de volts / Du bordel ambiant

Diamants de rivières / Manteaux de brumes / Ciels de plumes / Torrents de poussières
C’est Gaia / Ses tenues de gala

Toujours elle tremble /Fait tourner, ébahis / Les solitaires réunis / Baragouins humains / Jamais ensemble
Elle pourrit, vitrifie / Wall-Street voleurs / Usurpateurs. / L’insaisissable vieille / que j’aime, veille
Sur l’insoutenable légèreté de nos vies

Diamants de rivières / Manteaux de brumes / Ciels de plumes / Torrents de poussières
C’est Gaia / C’est tenue de gala

BABY RELAX (Dungen / Péchin)

Tu avais tant d’ambition / De collagène en rayon /Malgré les rustines / La gélatine des nichons
Moi j’étais vieux Voltaire / Affaissé, cul par terre

Au nom de nos synapses (bis)
Baby relax
Relax

On s’est cramés, immolés / Sur l’autel du paraître / Abîmés, décalés / Prêts à disparaître
De ce monde abject / Sans lui clouer le bec / Beurk

Au nom de nos synapses (bis)
Baby relax
Relax

Loin des impossibles soumissions / Courant la libre prairie / Défonçant les patries / Gorgé des crues
Des déraisons nues / Hue

Au nom de nos synapses (bis)
Baby relax
Relax ou Relaps

Extrait du clip “Baby Relax”

LES GRANDS BRÛLÉS

Faire des vers, c’est perdre pied, perdre pied / Aurons-nous trouvé pour l’été / Bottillons à nos pieds ? /J’en doute / Et j’ensuque / Envers et contre toutes / Le bleu cresson Sous ma nuque / A la mémoire des grands brûlés, brûlés / Oh souquez, souquez / Et les barges / S’égarent au large / A la peine, je traîne / N’en menant pas large /
Quand vous irradiez / Les ciels de traîne / Au pas de charge / Oh, Djinn macchabées Macchabées… / Vos flèches enflammées / Ont cramé la crinoline / De mes méninges Androgynes / A la peine, je traîne / N’en menant pas large /Quand vous irradiez / Les ciels de traîne / Au pas de charge

Feu.E (2020)

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