Interviews de Céline Delbecq et de Maryse Hendrix LE DOSSIER NOIR DES FÉMINICIDES

C’est peut-être un étrange thermomètre, mais pour sonder l’imaginaire et les non-dits d’une société, pourquoi ne pas utiliser la chanson ?
Or rien que dans le répertoire francophone, il y a des centaines de couplets où affleurent les violences faites aux femmes – jusqu’aux féminicides (… que mon correcteur d’orthographe s’obstine à me souligner en rouge, comme une “erreur”, puisque ce mot pour lui “n’existe pas ” !).
Vous trouverez à la fin de ce mini-dossier sur les féminicides (…ta gueule, Robert !), un florilège de ce “répertoire” très particulier (photo du haut Pierre Jassogne).

Quand elles sont chantées par des femmes “post me too”, ces chansons sont presque toujours des chants de “dénonciation”, comme le magnifique “Canciòn sin mieda” (“chanson sans peur”) de la mexicaine Viviz Quintana, épaulée par un chœur de 70 femmes qui fout vraiment les poils (voir la vidéo).
Chez les mecs, c’est une autre histoire. Sans même parler de quelques rappeurs machistes, qui empilent les injures sexistes et écrivent sous testostérone comme “une main courante” dans un commissariat, tout le répertoire “historique” de la chanson baigne dans un certain climat “macho ouin-ouin” (je pense par exemple à “Fais-moi mal, Jhonny“, de Boris Vian, débitée tranquillos sur le mode de la rigolade). En anglais, c’est presque devenu un “genre” en soi, les “Murders Ballads“. Le versant noir des “je t’aimerai toujours”.

Inauguration d’une stèle à Tournai à la mémoire des féminicides

Et s’il fallait n’épingler qu’une seule chanson pour en témoigner, je choisirais “Les petits pavés“, de Mouloudji. Parce qu’elle illustre assez bien cette banalisation et cette “poétisation” du meurtre, sous couvert évidemment d’un “amour” contrarié :
Si tu ne changes pas d’allure / J’écraserai tes joues et ton front / Entre deux pavés qui feront / À ton crâne quelques blessures / Je t’aime je t’aime bien pourtant (bis et sic)/ Mais tu m’en a fait tant et tant“.
Tout y est.
Je décide, salope, que “tu dois changer d’allure”. Tu ne veux pas ? Je te tue, “mon amour”, mais “c’est de ta faute”. Un prétendu romantisme à la “Roméo et Juliette”, où il n’y a jamais que Juliette qui meurt à la fin – assassinée par son ex Roméo.

Les féminicides – c’est à dire les meurtres de femmes “parce que ce sont des femmes” – sont présents sur les cinq continents. La dimension mondiale de ces crimes, pour des “motifs” pourtant fort “différents”, est évidemment en soi très inquiétante.
Le point commun ? Un homme, ou des hommes, estiment “avoir” le droit de vie et de mort sur une femme, ou une très jeune fille, parce qu’elle ne se “comporte” pas comme ils le voudraient. Ou simplement, comme en Inde ou en Chine, “parce qu’elle existe” (et qu’ils auraient “préféré” un garçon).
Dans plus de la moitié des cas, l’assassin est un “ex” ou un parent.
Statistiquement, les femmes sont ainsi beaucoup plus “en danger” dans leur famille et leur foyer que n’importe où ailleurs.

Les féminicides ne font l’objet d’aucun recensement précis en Belgique, bien que ce soit une obligation de la Convention d’Istanbul que la Belgique à signée et ratifiée et qu’elle ne respecte… qu’à environ 36%!
L’association Vie féminine les recense via la presse (donc assez approximativement) (1). Un travail remarquable a également été effectué par l’AJP (Association des Journalistes de la Presse) concernant le traitement de ces meurtres par les médias. L’étude est disponible sur le site de l’AJP (2).
Pour nous guider dans ce cimetière à ciel ouvert, j’ai rencontré deux femmes qui connaissent bien le sujet.
Céline Delbecq est comédienne, autrice et metteuse en scène. Elle est à l’origine des deux “stèles” qui ont été érigées en Wallonie pour sensibiliser l’opinion à ces assassinats “genrés”.
Maryse Hendrix est la responsable “culture” d’Amnesty International et Vice-Présidente du Conseil Wallon pour l’Égalité Hommes / Femmes.

Merci à Céline et à Maryse pour leur collaboration à ce mini-dossier.

“IL FAUT QU’ON NOMME LES VICTIMES” (Céline Delbecq)

Céline Delbecq photographiée par Elodie Ledure

Claude : J’avais vu ton spectacle “Cinglée“, où une femme qui découvre et “collectionne” les cas de féminicides dans les journaux, passe pour une demi-folle – alors que ces meurtres en série semblent participer d’une certaine “normalité”. Y a-t-il un événement particulier qui t’a mise en contact avec ce sujet ?

Céline : Dans le cadre des “Intrépides”, une commande de la SACD française qui avait demandé à six personnes différentes d’écrire un texte sur “le Courage”, j’avais écrit un texte qui s’appelle “Phare”, et qui raconte le courage d’une femme qui quitte l’homme qu’elle aime profondément… mais qui la tabasse depuis 14 ans.
Cela faisait longtemps que j’avais envie d’écrire sur ce type de violence.
On a pas mal “tourné” avec ces textes, à six, à deux ou même seule, et un soir, après une représentation dans un château, une femme du public avait signalé qu’une femme meurt tous les trois jours en France sous les coups de son conjoint.
Et là, le châtelain, avec le statut particulier qui était le sien – il connaissait tous les invités et nous étions chez lui – me sort : “Vous, vous n’aimez pas les hommes”.
Or pour moi, “Phare” est une déclaration d’amour, parce que j’essayais précisément de rendre ce départ difficile malgré la violence (et le risque réel qu’il y a de quitter un conjoint violent – puisque, on le sait, la plupart des féminicides ont lieu au moment de la séparation). Elle est consciente de la vulnérabilité de cet homme, de son passé chaotique, et c’est ce qui fait – aussi – son attachement.

Une scène de “Cinglée”

Claude : Excuse-moi, mais il était un peu gonflé, ton châtelain ! Ça voudrait dire que si on “aime” un homme… il faut se laisser taper dessus ?

Céline : Je crois que ce qui le dérangeait, c’est qu’on “genre” les violences conjugales (comme si elles n’étaient pas genrées !). Il y a toujours quelqu’un, à l’issue d’une représentation, pour dire : “Oui, mais il y aussi des femmes qui tapent leur conjoint !”.
Or la disproportion entre les deux situations est énorme, mais certain·es jugent néanmoins indispensable de le rappeler chaque fois – et ce sont souvent des femmes qui le signalent !
Et donc, à l’issue de ce truc, où je m’étais énervée, et où j’étais partie en vrille (en me disant “merde, tu es encore passée pour l’hystérique”), j’étais rentrée en Belgique, j’avais dîné avec un ami très proche à qui j’avais raconté cet épisode et il m’avait répondu, compatissant avec le châtelain : “Depuis l’Affaire Weinstein, on ne parle plus que du droit des femmes…”, mais putain, on ne parle pas “du droit des femmes”, on parle de leur MASSACRE !
“Cinglée” est parti de là, parce que franchement, face à ces réactions, il y a de quoi devenir complètement cinglée…
Le lendemain matin, je me suis mise à écrire ce texte. Je me suis dit que c’était un prisme qui m’intéressait, celui d’une femme qui devient folle parce que le monde n’entend pas/ne veut pas entendre l’ampleur de ces violences, de ce massacre patriarcal.
Au même moment, je venais d’assister à la psychose d’une personne proche et les deux se sont rencontrés.
Car cela m’intéressait aussi : qu’est-ce qui “se raconte” dans une psychose, qu’est-ce qui est “vrai”, qu’est-ce qui n’est “pas vrai” ? La langue du délire invente des causalités bizarres, des liens étranges, son délire disait des trucs insensés, mélangés à des trucs qui semblaient vrais. Par exemple, elle disait qu’elle ne se sentait pas bien dans sa maison.
Puis qu’elle était envoyée par dieu pour répandre la vérité dans le monde. La langue du délire dévoile et masque en même temps.

La stèle / mémorial aux féminicides

Claude: Après l’écriture de la pièce et ses représentations, tu t’es lancée dans un travail
disons plus …. sociétal, puisqu’avec tes scénographes, Thibaut De Coster et Charly Kleinermann, vous avez érigé deux “stèles” en Belgique, avec les noms des féminicides de l’année… ?

Céline : En fait, dans la scénographie de “Cinglée”, le sol se soulevait à la fin du spectacle, et une “stèle” se dressait en scène avec tous les noms des (vraies) femmes mortes de féminicides en Belgique depuis 2017 (revoir ce passage à la fin de l’interview * ). L’image était déjà là. On s’est dit qu’elle n’existait pas, qu’elle manquait à nos paysages.
Et puis il y a eu le COVID, et pendant le confinement cette question me taraudait : on ne peut plus être dans les théâtres, qu’est-ce qu’on peut faire à l’extérieur ? Qu’est-ce qu’on peut faire dans la ville ?

Claude : Avec aussi, je suppose, la référence aux monuments aux morts des dernières guerres ?

Céline : Oui, bien sûr. Dans la pièce, l’héroïne collectionne les coupures de presse relatant de ces crimes. Il y en a tellement qu’elle les conserve dans des caisses en carton. Et, devant ses caisses, elle dit : « quand on lit un article, c’est un fait divers. Mais quand on regarde ces caisses, c’est un génocide ». Étymologiquement, ce n’est est pas un, mais elle ignore l’existence du mot exact. Le mot exact, c’est “féminicide”. En règle générale, mes personnages ont plus de « bon sens » que de « savoir ».

Claude : Cela représente combien de “cas” en Belgique ?

Céline : En 2017, quand j’ai écrit le texte, une femme était assassinée tous les huit jours. Il y en a eu plus cette année-là, je ne sais pas pourquoi. Depuis, c’est environ vingt-cinq par an. Mais attention, ces chiffres sont inexacts car il n’existe pas (encore) de recensement officiel des victimes. C’est le blog “stop féminicide” qui fait le recensement, à partir des faits divers relatés par la presse.

Claude : Qu’est-ce ce qui déclenche et nourrit cette fureur homicide ?

Inauguration d’une seconde stèle sous la pluie à Quaregnon

Céline : Beaucoup de choses. Notre culture, déjà, qui autorise et encourage ces violences, en prônant des valeurs comme le machisme et l’honneur. Cela se passe souvent au moment de la séparation. (“Tu n’existeras pas sans moi”, etc…). Mais presque toujours, ce n’est que la marche ultime d’une violence conjugale qui s’était déjà exprimée au sein du couple. Cela va de pair avec une grande possessivité : “Pourquoi t’as mis une jupe? Tu vas voir qui?”, “Pourquoi tu rentres à cette heure-ci, t’étais où ? Avec qui ?”, c’est une forme de jalousie maladive qui provient de je ne sais quelle blessure, c’est sûr ! Mais bon… il est aussi possible de se faire soigner, quoi ! (rires). Après, la jalousie existe aussi chez les femmes, mais elle s’exprime d’une autre façon…

Claude : OK, mais passer de la jalousie au meurtre, c’est encore autre chose. On a étudié les mécanismes psychologiques ou psychiatriques à l’œuvre ?

Céline : Je ne sais pas. Pendant que j’écrivais “Cinglée”, à Anvers, il y a une femme qui a pris une bouteille d’acide dans le visage de la part de son “ex”.

Claude : Quelle horreur.

Céline : Il l’a défigurée pour qu’elle n’appartienne plus à personne d’autre. C’est le même mécanisme à l’œuvre : “tu n’existeras pas sans moi”. Mais tu sais, je n’ai pas fait d’étude sur la question. Si j’étudie trop un sujet, j’ai peur d’écrire “didactique”. Je vais donc chercher les choses là où “elles me parlent”, me rendent sensible. La jalousie par exemple, je connais, j’ai moi-même été jalouse à une époque, même si j’en ai fini avec ça aujourd’hui. Mais je vois très bien “par où ça passe”, le côté “Tu vas où ? Si tu me laisses toute seule, je crève”. Après, je suis totalement incapable de frapper qui que ce soit, je me représente trop “l’Autre”, et sa souffrance. Mais je pense comprendre par où ça passe. La haine de… d’être abandonné, en fait. Et ce qui est sûr, c’est que celui qui frappe, il souffre aussi, et c’est parce qu’il souffre qu’il frappe.

Claude : Tu es sûre de ça ?

“Cinglée” en représentation à Haïti

Céline : Ouais. Il souffre. Mais il ignore de quoi il souffre. Donc l’Autre devient la cause de sa souffrance. Son objet. A détruire.

Claude : À l’intérieur d’un rapport de domination, je ne suis pas sûr qu’il s’agisse toujours de souffrance. Un pervers qui humilie ou fait souffrir l’autre est plutôt dans un rapport de jouissance.

Céline : En tous cas, la jalousie, ça fait terriblement souffrir.

Claude : La jalousie, oui, si c’est ça le moteur de l’action, OK. Mais un type qui bat son chien, et dieu sait qu’il y en a aussi, il ne le fait pas parce qu’il est “jaloux” de son chien…

Céline : C’est vrai (rires). Si maintenant tu compares les femmes aux chiennes… ! (rires)

Claude  : … Ne déforme pas mes propos, s’il-te-plaît ! (rires)

Céline : Mais j’imagine que ça fait du bien de frapper l’objet, la cause, de sa souffrance ? Peut-être que les deux sont compatibles ? Souffrance et jouissance ?

Claude : Ceci dit, les statistiques sont terribles pour les mecs. Au-delà des féminicides, si tu regardes les choses de façon globale, 95% des crimes de sang leur sont directement imputables.

Céline : … Oui, ils tuent les femmes, les enfants, se tuent entre eux, et même, se suicident davantage que les femmes ! Ils sont eux-mêmes victimes de ce système patriarcal de domination. Valérie Rey-Robert a écrit un livre là-dessus : Le sexisme, une affaire d’hommes (éditions Libertalia).

Claude : … Et comment sort-on de là ? La première chose à faire, et c’est ce que tu fais, c’est sans doute de nommer les choses. Installer cette chose-là dans l’espace public, c’est une façon de dire : cela existe, et donc il faut le combattre.

Céline : Rassembler les noms des femmes victimes de féminicide les uns avec les autres, c’est en faire une affaire politique, sociétale. Car encore aujourd’hui, quand la presse en parle, elle relate un “crime conjugal”, elle ne parle pas que rarement de féminicide. On enferme la chose dans un fait divers, un “drame de famille”, on reste dans l’anecdotique.

La marche contre les violences sexistes et sexuelles a rassemblé des dizaines de milliers de manifestantes à Paris en 2019 (photo Jeanne Menjoulet)

Claude : Pire encore : on présente parfois la chose comme la conséquence d’une “histoire d’amour”…

Céline : C’est ça, un “drame passionnel”… Et si le mec se suicide après, cela devient “deux morts dans un drame passionnel”. Non. Il y a un suicide et un meurtre, un mec qui a tué une femme ! C’est pas de l’amour, ça. Pas une seconde. La possessivité morbide, c’est pas de l’amour. C’est… c’est autre chose.

Claude : Tu parlais de la jalousie, tout à l’heure. Tu as écrit là-dessus aussi ?

Céline : “Les yeux noirs”… c’est la jalousie qui mène à la violence. Ca cherche aussi du côté de l’origine de la jalousie, la blessure originelle en quelque sorte. Il y a trois textes, je vais te les envoyer.

Claude : Est-ce que tu es en contact avec des Assos qui s’occupent de ça ?

Céline : Principalement “Stop Féminicide” qui recense les victimes sur leur blog. Je suis régulièrement en contact avec elles, essentiellement pour les noms à faire figurer sur les stèles. C’est difficile, il y a des noms qui apparaissent, qui disparaissent, car encore faut-il que la justice reconnaisse le décès comme étant un féminicide. C’est parfois délicat.
Je pense à une histoire en particulier : une femme est décédée après être « tombée » par la fenêtre. Elle était seule dans la pièce avec son conjoint. Il dit qu’elle s’est suicidée.
Mais les voisins ont entendu crier, il y avait manifestement une dispute très virulente au moment des faits. La famille témoigne en disant qu’elle subissait des violences dans le couple, et est persuadée qu’il l’a poussée, que c’est un crime.
Elle avait de plus le vernissage de sa propre exposition le lendemain, ses proches sont donc catégoriques : impossible qu’elle se soit suicidée.
Mais la justice a besoin de preuve matérielle et il n’y en a pas. Il n’a donc pas été poursuivi.
Et nous, qu’est-ce qu’on fait ? On met le nom de cette femme sur la stèle ou non ? On ne peut pas aller contre une décision de justice… on ne l’a donc pas mis, mais ça m’a hantée, j’en ai rêvé même !

Claude : Dans certains pays, notamment d’Amérique Latine, je crois que la lutte contre les féminicides est devenu un véritable “mouvement de masse” qui rassemble plusieurs centaines ou plusieurs milliers de femmes. Il y a aussi une chorale de femmes au Mexique qui a enregistré une chanson sur le sujet, une chanson très forte. Comme on dit, ça sent le vécu !

Céline : Tout à fait. D’ailleurs “Cinglée” a été traduit en plusieurs langues, et rencontre un intérêt en Amérique latine. Il y a un podcast en Colombie ; la pièce sera bientôt mise en scène au Mexique. Elle s’est jouée aussi à Haïti. En Arménie. Et à chaque fois, ce sont les noms des femmes victimes belges qui sont prononcés. C’est très beau, très touchant. Affreux, mais touchant.
C’est tellement ce que voulait Marta Mendes (l’héroïne de Cinglée) : qu’on parle de ces femmes, qu’on les nomme. Qu’on cesse d’ignorer ce qu’on voudrait ignorer.
Parfois, je me dis que je deviens aussi cinglée qu’elle… avec ces stèles, le temps que ça prend, c’est fou ! On parle à présent d’inaugurer une troisième stèle à Bruxelles, mais politiquement, je sens que c’est plus compliqué. Je n’ai pas (encore ?) d’interlocutrice ou d’interlocuteur qui me dit “oui” tout de suite… Sans réel soutien, c’est épuisant.

Propos recueillis par Claude Semal le 8 mai 2023.

(*)

“ELLES ONT RAISON D’AVOIR PEUR” (Maryse Hendrix)

Maryse : Je connais Céline via la commission “culture” d’Amnesty, mais je l’ai suivie dans plusieurs de ses spectacles, parce qu’en dehors de “Cinglée, où elle aborde le problème des féminicides, elle aborde toujours des sujets sociaux, et comme j’ai travaillé toute ma vie dans le social… tout ce qu’elle fait m’intéresse en fait beaucoup.

Claude : D’après les chiffres que vous m’avez communiqués, les “féminicides” sont visiblement un phénomène mondial. Je mets le mot entre guillemets, parce que mon correcteur orthographique le signale comme “une erreur”. A lui aussi, il va falloir apprendre l’existence de ce fléau ;-).

Maryse : Oui, et encore, ces chiffres sont très incomplets, puisqu’il y a des pays où tuer une femme n’est pas vraiment considéré comme un “crime”.
J’ai voyagé à plusieurs reprises en Inde, chaque fois pendant cinq semaines, et la réalité dans ce pays est hallucinante.
Tuer une petite fille là-bas n’est pas punissable. Enfin, par la loi, théoriquement oui, dans les villes aussi. Mais dans les campagnes, cela se fait encore tous les jours, et personne ne dit rien. Donc, dans les “statistiques”, tous ces cas-là passent à la trappe.
On la tue parce que c’est une fille, parce que la dot va être trop chère… on la tue parce que c’est une femme !
L’ONU parle une fois de 50.000 féminicides par an, une fois de 87.000, une fois de 100.000… la vérité est sans doute qu’ils n’en savent rien.
Car ils n’ont des chiffres que dans les pays qui tiennent des statistiques sur le sujet, et ce n’est pas le cas partout.
Si on parle plus largement des violences domestiques, il est certain qu’en Russie, par exemple, un homme qui bat sa femme n’est quasi jamais puni. Même l’opinion publique n’a pas “envie” qu’on le punisse. On dit : “S’il la bat, c’est quelle a fait quelque chose qu’elle ne pouvait pas faire”, et tout le monde trouve cela normal. Cela rend la collecte des chiffres très difficile, parce que la vision du phénomène n’est pas partout la même.

Photo Jeanne Menjoulet

En Chine, où la politique de natalité a longtemps exigé d’avoir un seul enfant, des parents tuaient régulièrement les bébés filles, en espérant avoir plutôt un garçon. Et en Inde, comme en Chine, le phénomène a pris de l’ampleur depuis qu’on peut connaître le sexe d’un enfant à naître.
Et puis il y a aussi tout le problème des “crimes d’honneur”.
Toutes les femmes qu’on tue parce qu’elles ne veulent pas épouser l’homme qu’on a choisi pour elles, parce qu’elles veulent partir avec un autre, etc…
Et si on les tue, dans les pays où cela se fait, personne ne trouve cela “mal”.
C’est exactement comme les mariages forcés, il y a beaucoup de pays où l’on marie les petites filles à des hommes plus âgés et où tout le monde laisse passer ça, alors que même du point de vue de la santé, c’est une aberration.

Claude : Est-ce que chez Amnesty, les “féminicides” sont traités comme un secteur à part entière ?

Maryse : Les féminicides, non, mais les droits des femmes au sens large, oui. Cela inclut les crimes “d’honneur”, les crimes contre les petites filles (dont l’excision), le droit à l’avortement (il y a encore beaucoup de femmes qui vont en prison dans pas mal de pays pour avoir avorté ou participé à un avortement – au Salvador, et bientôt en Pologne), etc…
Et dans nos régions, on travaille surtout autour de la notion d’égalité hommes / femmes.
Mais les relations avec les autorités autour de ces questions restent souvent compliquées en Asie, en Afrique et en Amerique Latine, et même chez nous.
La plupart des “féminicides” n’apparaissent par exemple ici que dans la presse, parce que les services électroniques de la Justice et de la Police ne communiquent pas entre eux. On connait donc le nom des femmes tuées, on connait le noms des hommes qui ont commis un assassinat, mais il est impossible de “faire le lien” entre la victime et son assassin.
Je sais que cela a l’air hallucinant, et c’est quelque chose que les organisations de femmes réclament depuis longtemps. Ces statistiques ne sont toujours pas disponibles chez nous, alors que la convention d’Istanbul contre les violences faites aux femmes nous l’impose. La Belgique est un des six pays d’Europe qui ne fournit pas ces données.

Claude : Au-delà des féminicides, qu’en est-il de ce qu’on appelle pudiquement les “violences domestiques” ?

Maryse : Un féminicide ne tombe jamais du ciel, il est presque toujours précédé de violences préalables. Or quand les femmes vont se plaindre de violences conjugales, on ne les écoute pas, ou on classe les affaires sans suite, puisque cela se passe dans l’intimité, “c’est la parole de madame contre la parole de monsieur”.

Claude : Cela en fait pourtant un sacré paquet. Le dossier de l’AJP signale, rien qu’en Wallonie, plus de 16.000 plaintes par an pour violences dans le couple (44 par jour, chiffres de 2015). Un dossier du Vif L’Express, lui, en mentionne 103 par jour pour l’ensemble de la Belgique (chiffres de 2020).

Maryse : Et encore ! Toutes les femmes ne portent pas plainte, parce qu’elles ont peur des conséquences ou des représailles.
J’ai travaillé dix ans à l’aide à la Jeunesse, j’avais des dossiers où il y avait des violences dans la famille, et effectivement, elles retournaient chez elles à chaque fois. Pour toutes sortes de raisons, qu’il ne faut pas simplifier.
La première, c’est que ce sont souvent des femmes fort isolées, sans famille ni parents, et donc elles n’ont pas de lieu où aller, si elles quittent l’homme en question.
La seconde, c’est qu’elles n’ont pas de revenus propres. Elles ne voient donc pas comment elles pourraient s’en sortir seules.

Photo Jeanne Menjoulet

Et la troisième raison, c’est qu’elles ont peur, et à juste titre.
J’ai connu une femme qui s’était réfugiée dans un centre d’accueil, dont on ne donne pourtant pas l’adresse, et son mari, qui était camionneur, est venu démolir la façade la maison avec son poids lourd, en disant, “je te retrouverai où que tu ailles et je te ferai la peau”.
Et donc, “logiquement”, elles préfèrent rentrer chez elle et prendre des coups que de prendre le risque de provoquer une crise plus grave encore et se faire tuer.
Quand on lit la presse, on voit que les crimes se passent souvent pendant les séparations.
Elles savent qu’elles ont un mari ou un compagnon violent, et elles décident de “partir”. Le mari les retrouve, et s’il n’arrive pas à les convaincre de revenir, il les tue. Ce n’est pas une peur fantasmée. Elles ont raison d’avoir peur.

Claude : Vous avez évoqué plusieurs pistes qui conduisent à ces horreurs : les “crimes d’honneurs”, les coutumes ou les religions qui les tolèrent ou les encouragent – une femme “appartenant” à un homme comme un âne ou un cheval –, et enfin, ces “crises de la séparation” où ce sentiment de “propriété” et de perte vire à une fureur homicide.
Le phénomène semble en outre mondial, et transcende les particularismes culturels. D’un point de vue anthropologique, est-ce qu’il y a eu des études pour décortiquer les mécanismes psychologiques à l’œuvre dans ces meurtres, pour pouvoir les prévenir et les combattre, autrement qu’en disant “les hommes sont violents, et c’est comme ça !”.

Maryse : Il y en a qui viennent avec de grands arguments, la testostérone et caetera, mais la testostérone n’a jamais dit aux hommes de tuer les femmes, c’est ridicule.
J’émets l’hypothèse que “les hommes” sont plus forts que “les femmes” parce qu’il y a quelques millions d’années, il fallait aller chasser des bêtes dangereuses dans un environnement hostile, et l’animal-homme s’est “spécialisé” là-dedans, et les femmes, qui tombaient souvent enceintes, s’occupaient plutôt d’élever les petits.
Tout ce contexte a profondément changé.
Mais il y a une espèce “d’héritage” de cette période, que je ne sais pas bien comment le qualifier, sans doute “culturel”, qui perpétue l’idée que l’homme est” plus fort”, et que la femme, “plus faible”, doit rester dans l’ombre et sous sa “protection”.
On voit bien qu’il y a là la source d’une inégalité, d’une situation dominant /dominé, une réminiscence de cette organisation sociale qui remonte à la nuit des temps.
Toutes les sociétés se sont construites sur ce schéma et ont généralement concentré le pouvoir dans les mains des hommes. Or quand on a la position “haute”, pourquoi voudrait-on en changer ?
Cette égalité hommes / femmes est en principe inscrite chez nous dans la loi, et beaucoup s’en réclament ; mais ces inégalités se retrouvent dans les salaires, dans les comportements, et les femmes ont toujours moins de place dans tous les pouvoirs décisionnels. Pourquoi ?
Quand je travaillais dans l’aide à la jeunesse, dans des milieux plutôt “quart-monde”, la domination des femmes était très flagrante, et elles-mêmes semblaient l’accepter. L’homme considère que sa femme “lui appartient”, comme la garde-robe ou la voiture, et quand elle “s’en va”, il la ramène de force au sérail. Il y a là quelque chose qui n’est pas normal.
Tous les hommes ne sont pas violents, mais quand ils le deviennent, la société leur donne sa bénédiction, et ça c’est pour moi le plus grave.
C’est que, quand ils sont violents, ils ne soient pas punis. C’est ça qu’il faut changer.
Parce qu’on dit tout de suite aux victimes : “Mais comment étais-tu habillée?”, “Mais qu’as-tu fait pour qu’il te frappe?”, “Pourquoi l’as-tu contrarié?”…, bref, on renverse complètement la situation, et on transforme la victime…

Claude : … en “responsable” de la chose.

Maryse : Voilà ! C’est là-dessus qu’il faut maintenant agir. On est un des pays où dans la loi, sur le papier, on a une égalité H/F quasi complète. Mais il faut continuer à agir sur un ensemble d’idées et de comportements hérités du passé.
Un exemple. Depuis que la Belgique existe, en 1830, parce ce que nous étions alors encore fort influencés par la Révolution Française, il est écrit dans la loi belge que la femme qui se marie “garde son nom de jeune fille”.
Est-ce que vous connaissez beaucoup de femmes mariées de notre génération – nous avons plus ou moins le même âge – qui n’ont pas pris le nom de leur mari ? Je suis sûre que votre maman s’appelait du nom de votre papa ; la mienne aussi.

Photo Jeanne Menjoulet

Claude : La mienne pas, justement (rire).

Maryse : Eh! bien… tant mieux !

Claude : Elle était prof à l’ULB, et elle s’est toujours appelée “Paulette Van Gansen”.

Maryse : Elle devait avoir une indépendance d’esprit assez rare à son époque.

Claude : En effet.

Maryse : Aujourd’hui, le nom de l’époux n’est même plus inscrit sur la carte d’identité ! Je ne sais donc pas pourquoi les femmes continuent à “prendre” le nom de leur mari. On voit bien ici que la coutume est plus forte que la loi. Toujours !
Moi, je ne fais pas “la guerre aux hommes”. J’ai eu un père qui n’était pas du tout violent, et qui respectait ma mère. Et je n’ai jamais vu de violences à la maison.
Et pourtant, j’ai entendu mes parents dire, à propos de connaissances, “qu’est-ce qu’elle a fait pour qu’il la batte ?“. Donc, sous-entendu, “si elle avait fait quelque chose“, il “pouvait” la battre!.

Claude : Concernant l’introduction de la violence dans les familles, et bien que ce soit largement en régression depuis 30 ou 40 ans… Est-ce que ce ne sont pas les parents qui introduisent cette violence dans les familles, la fameuse “gifle” ou fessée”, “tu n’obéis pas je te frappe”, et les mères elles-mêmes, notamment vis-à-vis des tout-petits, ne participent-elles pas à l’installation de ce “vocabulaire” ? Y a t-il des études qui ont été faites, sur le rapport entre cette violence intrafamiliale “éducative” et les violences interfamiliales ultérieures ?

Les femmes aussi jouent au foot !

Maryse : On a pu établir un lien entre un homme violent et la violence qu’il a lui même pu connaître dans son enfance. Mais je ne pense pas que cela concerne seulement de “simples gifles”. C’est plutôt d’avoir été confronté à une violence plus forte, comme un père qui frappe un enfant avec une ceinture pour “faire mal”, ou un enfant qui voit son père battre sa mère, des choses comme ça… Les hommes violents racontent souvent des enfances de ce type.
Mais il y a d’autres choses qui jouent.
Depuis qu’on est tout petit, on dit aux petites filles d’être bien gentilles, d’aller embrasser la dame, de ne pas se faire remarquer, de ne pas faire de bruit, et quand elles sont comme ça, on dit qu’elles sont merveilleuses. Si elles se mettent à grimper aux arbres ou à se battre avec leur frère, on dit qu’elles sont difficiles ou hystériques.
Les petits garçons, on leur dit “sois fort”, “ne pleure pas”, ” s’il y en a un qui te frappe, tu le refrappes !”, et les parents sont très fiers si leur fils se comporte comme ça.
Mais on a déjà distribué les cartes, là… On a fait passer comme message aux petits garçons qu’il fallait être fort, et au besoin violent. Et aux petites filles, qu’elles devaient obéir à l’attente des autres. Cela joue non seulement dans les questions de violence, mais dans les questions de consentement, qui sont très à la mode pour le moment.
On installe très tôt les hommes et les femmes dans des stéréotypes, les uns conquérants, les autres soumises.
Et cela commence très tôt. Une anecdote : j’ai une petite fille de trois ans et demi. La maman est très féministe, elle gagne très bien sa vie, le papa fait la cuisine et le ménage, pas du tout macho, c’est un couple où les rôles sont assez équilibrés, pas du tout dominant/dominée. Elle va à l’école, six mois après, elle passe en voiture avec sa maman devant un terrain de football, et elle dit : “Ah! Ça c’est pour les garçons…!”.
Ma fille lui a demandé de s’expliquer : “À l’école, le football, c’est pour les garçons, et nous, on doit jouer à côté”. Je trouve ça assez hallucinant. On est déjà en train de leur dire comme ça : les garçons ont la priorité, ils peuvent prendre toute la place, les activités sportives, c’est pour eux, et les filles… se mettent là où il reste de la place !
Il y a donc aussi tout un travail à faire auprès des enseignants, pour qu’ils ne reproduisent pas eux-mêmes ce type de modèle de domination à l’école.
Quand les filles font ce que font les garçons, on dit que ce sont “des garçons manqués”. Et quand les garçons s’intéressent à ce que font les filles, on ne dit pas que ce sont des “filles manquées”, on les soupçonne de devenir homosexuels, comme si c’était un drame absolu. Il y a vraiment un travail à faire dans la population.
C’est pourquoi je suis si attachée à la culture, c’est bien que des artistes comme Céline et d’autres traitent ces sujets de façon sensible et imagée.
J’étais présente à ses deux inaugurations de stèles consacrées aux féminicides. C’est une initiative qui pourrait se reproduire dans bien d’autres endroits. Je ne sais pas s’il y a encore un point que vous souhaitez aborder ?

Claude : Peut-être les contacts d’associations qui luttent contre les violences domestiques ?

Maryse : Oui, bien sûr, j’en ai plusieurs. Il y a quelque chose qui est très bien chez nous, et que j’au oublié de mentionner, ce sont les “CPVVS”, les Centres de Prévention pour les Victimes de Violences Sexuelles, qui sont principalement fréquentés par des femmes.
Si on prend les statistiques générales, plus de 80 % des victimes de meurtres sont des hommes, généralement tués par d’autres hommes pour des tas de motifs. Mais les femmes assassinées, moins nombreuses dans les statistiques générales, le sont généralement par leur compagnon !
Les “CPVVS” ont d’abord été créés à Anvers et Bruxelles, puis à Liège, et il y e a maintenant une dizaine sur toute la Belgique (3). Ce sont des centres multidisciplinaires, qui évitent aux femmes de devoir répéter plusieurs fois leur témoignage, et de courir de service en service, ou même de devoir se déplacer, et de leur éviter les reproches ou les moqueries. C’est vraiment très bien fait. Ils ont tellement de succès qu’ils sont toujours remplis, et ça c’est quand même un peu inquiétant.
Et par des femmes de plus en plus jeunes, et ça aussi c’est inquiétant. Je croyais que les actuelles relations entre jeunes étaient plus égalitaires, mais la violence est malheureusement très présente dans les couples d’adolescents. Ça m’interpelle, parce que je n’ai pas vraiment d’explications.
Il y a aussi un numéro d’écoute gratuit pour les victimes de violence conjugale ou familiale : 0800.30 0 30 (4)
J’ai aussi oublié d’aborder le travail avec les agresseurs. Si nous sommes face à un phénomène culturel ou de mentalité, il faut travailler en amont du phénomène: j’ai parlé de l’éducation, en famille ou à l’école mais il faut aussi travailler avec les deux parties du problème. Je trouve incomplet de ne s’intéresser qu’aux victimes.
En se contentant de les protéger, on perpétue l’idée qu’elles seraient faibles et on maintient leur statut de dominée et leur “victimisation”. Les auteurs ne sont pas forcément volontairement violents, ils répondent à une injonction sociale de comportement (Sois fort! Un homme doit se faire respecter, etc.).
Il leur faut donc des lieux d’écoute, un travail sur eux-mêmes sous peine de répéter ces comportements violents toute leur vie.
Et ce lieu existe c’est PRAXIS qui travaille surtout avec les agresseurs (5). Ce genre de service devrait être multiplié et davantage connu car les hommes qui y sont passés montrent un taux de récidive très bas.

propos recueillis pas Claude Semal le 15 mai 2023

(1) http://stopfeminicide.blogspot.com/
(2) https://www.ajp.be/violencesfemmes-l-etude/
(3) https://www.cpvcf.org/
(4) https://www.ecouteviolencesconjugales.be/
(5) http://www.asblpraxis.be/

Des chansons pour le dire : LE COEUR QUI COGNE

Entre dénonciation et complaisance, on croise souvent les violences faites aux femmes entre les couplets et les refrains des chansons.

Viviz Quintana Canciòn sin medio (Chanson sans peur)
Anne sylvestre Douce Maison
Angèle Tempête
Camille Lellouche N’insiste pas
Clara Luciani Coeur
Grégoire Dis-moi Maman est-ce que ça va ?
Johnny Halliday Requiem Pour un Fou
Mouloudji Les petits Pavés et Comme un Petit Coquelicot
Michel Sardou Les Villes De Solitude
Gainsbourg Meurtre à l’Extincteur
Michel Jonasz J’veux pas que tu t’en ailles
Nougaro Jalousie
Charles Trenet L’Hôtel Borgne
Clothilde Fallait pas Ecraser la queue du Chat
Olivier Daviaud Oui et Non 1945 (2011 enregistrement)
Pierre Perret Femmes Battues
Sama Femme Battue
Lim Violences Conjugales
Louane 3919
Boris Vian Fais-Moi Mal
Kyo Stand Up

(…)

Sur son blog, l’actrice et écrivain Karin Bernfeld dénonce ces “dizaines de titres, des millions de vente de ces types nommés Booba, Orelsan, La Fouine, Snoop Dogg – pour ne citer qu’eux – qui appellent au meurtre et aux violences contre les femmes” (6).

(6) https://karin-bernfeld.com/2019/09/03/ces-chansons-qui-font-une-mort-feminicide-connais-pas/

A la demande d’une chanteuse qui ne l’a jamais utilisé – Dany Klein pour ne pas la nommer – j’avais écrit un texte de chanson à ce sujet. Il reste donc à ce jour inédit.

Le coeur qui cogne (C. Semal)

Tu as aimé sa voix
Dès le premier verre
Ses muscles de cobra
Sous Son pull-over
Tatoués d’étranges signes
Ses doigts faits pour l’amour
Le rock la déconne
Ses mains douces comme un cygne

T’avais le cœur qui cogne cogne
La première fois
Qu’il a posé sa pogne pogne
Au milieu de toi

Tu as aimé vos nuits
Brûlées à l’alcool
Mordre dans un fruit
Prendre son envol
Se perdre sous les enseignes
Quand les corps se parlent
Comme des animaux pâles
Dans le petit matin qui saigne

T’as le coeur qui cogne cogne
Tout haut du mat
Du mat de cocagne
où tu gagnes à chaque fois
T’as le coeur qui cogne
cogne
T’as le coeur qui

Tu as aimé vos cris
Tu as aimé vos griffes
Où c’était écrit
D’en venir aux gifles
Et qui donna le premier coup ?
Le serment de ses bagues
Comme une arme de poing
Ses avant-bras sur ton cou ?

C’est ton homme qui cogne
cogne
Et puis qui pleure en toi
Un serment d’ivrogne
comme à chaque fois
C’est ton homme qui cogne
cogne
C’est ton homme qui cogne
C’est ton homme qui

Tu l’aimais si fort
Il a la main si lourde
Il a tapé encore
A t’en rendre sourde
Jusqu’au bout de l’indulgence
Oh ! laisse-la please
Avant la fin du drame
Elle et sa valise
Et ses bleus à l’âme
A la porte des Urgences

T’as le cœur qui cogne
cogne
Comme la première fois
Mais c’est fini s’il cogne cogne
Tu n’ouvriras pas
C’est fini s’il cogne cogne
Tu n’ouvriras pas
C’est fini s’il cogne cogne
Tu n’ouvriras pas
C’est fini s’il cogne

(C. Semal)

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