J’AI PLANTÉ UNE FORET ENTIÈRE EN PLEIN CENTRE VILLE par Jean-Pierre Froidebise

Oui, bien sûr, la vie réelle est fascinante,
toutefois en ce qui me concerne,
la vie onirique l’est bien plus encore.
En effet c’est au cours de mes rêves
que j’ai vu et entendu les plus belles choses de mon existence,
de merveilles inexplicables aux sons les plus hallucinants,
que j’ai eu les réponses à des questions récurrentes
que je ne trouvais nulle part dans la vie éveillée,
que j’ai eu – en temps réel – des informations très précises
concernant la vie et la mort d’amis éloignés…
Mais qui plus est, dans cet espace qu’on dit inconscient
uniquement parce que notre esprit analytique
et notre raison n’y ont pas cours,
je retrouve fréquemment des amis disparus de longue date
et peux discuter et plaisanter avec eux,
de même qu’avec des personnages historiques…
Donc la mort n’y existe pas,
pas plus que la ligne du temps
ni les distances géographiques,
parfois jusqu’aux lois de la physique
telle que la pesanteur s’y estompent subitement.
Tout y est donc possible,
comme dans mon cas assister en direct
à un concert en grande formation
de Jimi Hendrix âgé de 78 ans,
lire les aventures de Tintin ou de Johan et Pirlouit
qu’Hergé et Peyo auraient dessinées s’ils avaient vécu,
rencontrer Bob Dylan, discuter avec Frank Zappa
et un poète français que je crois bien être François Villon,
recevoir un parchemin presque transparent
datant du moyen-âge où figure un poème
que personne ne peut lire jusqu’au bout
tant il est beau,
planter une forêt entière en plein centre-ville
en l’espace d’une seule nuit
en compagnie d’artistes de mes amis…
Que voulez-vous que je vous dise ?
Tout cela est bien réel à mes yeux
et a une influence certaine
sur ma manière de vivre et de penser,
bien plus que ce qui me vient du monde des humains.
Ce phénomène a imprimé en moi des certitudes
que d’autres prennent pour fariboles,
et est bien plus rapide et connecté
que n’importe quelle machine moderne, bref…
Je me sens bien plus proche
des peuples anciens et des derniers sauvages,
des anciens égyptiens,
des ancestrales dynasties chinoises ,
des Grecs, des Romains,
des Apaches et des Sioux,
des Aborigènes
qui consultaient et consultent toujours
leurs rêves avec le plus grand sérieux
que de notre monde moderne
qui ne sait plus rien à rien
et qui croit s’en tirer à grands coups
de science et de technologie.
Je retourne donc me coucher
ou bien j’irai dormir debout
jusqu’à la fin de mes jours
Le monde n’appartenant à personne
il est inutile de se lever tôt
sauf peut-être
pour trouver la clé de nos songes
Excellente journée à tous les rêveurs

par Jean-Pierre Froidebise

Un autre texte de Jean-Pierre :

Voici venue la courte période de l’année où les quelques 270 tilleuls qui bordent la drève que j’emprunte tous les jours dégagent un parfum extraordinaire…
En rentrant je tombe sur ce texte écrit il y a 7 ans, bien avant mon départ de la ville. C’était donc un texte prémonitoire, pourvu qu’il le soit jusqu’au bout,
qu’il est intéressant d’écrire et de se relire des années plus tard.

Perspectives d’avenir me concernant
et Prière au Grand Manitou.( 3Juillet 2015 )

Comme ces chevaliers du moyen-âge et autres samouraïs disparus, qui après avoir massacré, pillé, violé sans aucune pitié des centaines de personnes pendant le temps de leur vigueur,
après avoir vécu de bruit, de violence et de fureur,
se retiraient du monde l’âge venant, entraient dans les ordres
ou dans les ermitages, viendra le moment où je quitterai le Rock’n’Roll et son cortège de pacotille,
sa mythologie surannée, sa démesure obligatoire
dès qu’il connait le succès et son espèce de grisaille
rebelle et désabusée quand il ne le connait pas.
Ce n’est pas encore pour tout de suite,
car j’éprouve encore cette espèce de frénésie
en faisant vrombir les amplis,
en suant sang et eau sur scène et en gueulant dans un micro.
Mais quelque chose d’autre approche naturellement de moi, lentement mais sûrement, quelque chose qui s’axe
non sur le répertoire mais sur la vibration sonore elle-même,
non sur l’esbroufe instrumentale
mais sur la précision de l’intention,
non sur des chansons ” agréables à entendre ”
mais sur des paroles utiles et nécessaires,
non dans de grandes salles munies de sonos tonitruantes
mais dans de tout petits endroits précisément choisis pour leur atmosphère, dans une situation de proximité qui seule permet
au son d’entrer dans l’âme.
Plus rien, ni dans mon jeu ni dans mon esprit
ne devra plus tenter de plaire à qui que ce soit,
à aucun moment, si peu que ce soit.
Je tenterai de jouer en dehors de tous les circuits existants,
et m’éloignerai définitivement du commerce de la musique
et de sa promotion qui oserai-je le dire me consterne actuellement.
Je tenterai de retrouver la première raison d’être de la musique.
Je serai le loup blanc dont on sait qu’il existe,
mais dont on ne trouve pas de traces,
pas de disques dans le commerce,
rien sur les ondes ni dans la presse
et qui surgit de temps en temps à l’endroit qu’il s’est choisi.
J’ai l’instrument parfait pour ça, c’est un prototype,
et en y travaillant quotidiennement, je m’aperçois
que ce n’est pas lui que je travaille, mais moi.
Je suis en train de devenir un prototype.
Qu’il est doux de vieillir quand l’évidence s’impose d’elle-même,
et qu’il n’est même plus question de choix.
Cinquante-huit ans à présent, je pense que ce virage se passera dans deux ans ou plus, car il est déjà amorcé,
mais sûrement pas moins, et si la vie me fait l’honneur
de rester en mon corps malgré tout ce que je lui ai fait subir,
il est probable que ma décennie suivante m’approchera
enfin de ce que je cherche depuis le début,
mais que j’ai souvent perdu en chemin…
à savoir le son qui soigne,
la musique qui élève l’âme et le coeur,
le verbe qui agit.
À l’heure où la réussite dite normale
est d’être connu du plus grand nombre,
de lui plaire et d’en tirer grand bénéfice,
la mienne sera exactement à l’opposé.
Il s’agit de presque disparaitre,
de ne plaire qu’au Grand Manitou
et de ne surgir que pour donner.
Puisse tout ceci m’arriver,
comme je souhaite que vous arrive
tout le bonheur dont vous pouvez rêver

J-P Froidebise

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