“JE DÉMISSIONNE DE LA COMMISSION ARTISTE” (où je suis bénévole depuis deux ans) par Émilienne Tempels

Cher.e.s membres de la commission,

mardi dernier (hier), Clara Thomine, Maelle Delaplanche et moi-même avons rencontré Cédric Norré du cabinet Dermagne. Perrine Nisol était également présente, ainsi qu’une dame du cabinet ? (qui n’a rien dit).
Cette réunion a eu lieu afin de trouver des solutions à notre problème de rémunération, afin de pouvoir mettre fin à la grève.
Malheureusement, nous avons constaté qu’il ne s’agissait en réalité que d’une visite de politesse, et n’avons relevé aucune volonté de changer quoi que ce soit dans le chef du cabinet.
Il nous paraît important de vous faire part du problème de façon plus précise.
Nous sommes des artistes professionnelles, et ne touchons pas de salaire par ailleurs. Clara et Maelle ne touchent pas le chômage.
Je bénéficie du dit « statut ».
Nous constatons que le travail demandé pour la commission est un travail qui demande beaucoup de temps et d’investissement.
Le fait qu’il était bénévole est proprement scandaleux, d’autant que la demande d’une rémunération ne date pas d’hier (je sais que mon prédécesseur l’avait formulé avant moi.).

La solution des jetons de présence ne nous parait pas une bonne solution. Les jetons ne permettent pas de contribuer à la sécurité sociale et à la solidarité interprofessionnelle, et ne couvrent pas le travail, il n’y a pas non plus d’assurance et cas d’accident également sur le chemin du travail. Par ailleurs, ils ne comptent pas dans le calcul de la pension, et la prochaine réforme ne nous rend pas optimiste, avec la volonté de ne plus compter les jours chômés.
Par ailleurs, si les bénéficiaires du statut bénéficient maintenant d’une exemption de contrôle de recherche d’emploi, que dire des « simples chômeurs ».
Comment pour eux justifier de leur présence en commission, et de non disponibilité sur le marché du travail ?
Or il ne s’agit pas de bêtement faire acte de présence.
Il convient d’examiner les dossiers en détail en amont etc. Cela représente en réalité deux jours de travail. Ces jours de travail, il faut les aménager, et cela demande des sacrifices sur sa propre pratique professionnelle. Or, dans la balance, il est clair que si je dois choisir entre la commission et un contrat artistique, je choisis le contrat artistique. Surtout si en plus la « rémunération » de la commission n’en n’est pas une.

(Nous avons également appris que les 150€ de jetons seront amputés de 30 % à la source, ce qui représente donc finalement seulement 100€, couvrant la préparation et la séance, je pense que tout le secteur l’ignorait, tout le monde sera content de l’apprendre).
Soit de toute façon, pas de jetons avant que l’arrêté ne soit paru au moniteur, au plus tôt fin décembre ; au plus tard jamais (si les Dieux m’écoutaient, s’il y en avait encore…).

Un autre problème que nous avons évoqué, est le fait que la participation à la commission sera considérée comme activité « périphérique » (ce qui semblait être déjà pour Mr Norré une grande reconnaissance). Or nous savons que seules les activités « artistiques principales » seront véritablement prises en compte par la future commission. Je ne vais pas me lancer dans le débat sur l’absurdité d’avoir classé les activités en plusieurs catégories, principales et périphériques, ce qui démontre bien la méconnaissance de nos métiers où nous entrecroisons tout ceci à gogo ; les activités périphériques ne faisant pas moins appel à nos compétences artistiques.
Comme stipulé dans le Rapport au Roi sur la Commission, à l’évaluation des 3 ans d’anniversaire de la future commission, on verra si les « revenus » générés par la participation à la commission passeront de périphérique à principal. Mr Norré n’a pas voulu qu’il en soit autrement dès aujourd’hui malgré que nous lui ayons expliqué que cela faisait une grande différence.

Pour ma part, je siège dans cette commission depuis le 20 septembre 2020, cela fait deux ans maintenant.
J’ai tenté d’être le plus assidue possible, et cela était possible clairement parce que j‘ai le dit « statut » et parce que je suis une femme qui ne travaille pas beaucoup, comme malheureusement une très grande proportion de femmes dans le secteur. Si vous avez eu connaissance de cette sur la présence des femmes dans les arts de la scène (1), vous verrez que pour 70 % de diplômées, il y a une proportion inverse dans le monde du travail (30%).
J’avais donc du temps.
Oui, ma présence parmi vous a été facilitée par ces inégalités ; et également par la facilité de renouvellement du statut avant réforme, les fameuses “trois prestations”.
Je pouvais donc me consacrer sérieusement à la mission de représentation et d’aide de mon secteur, sans stress, parce que les trois contrats je les avais.

Il en va tout autrement depuis que la réforme est passée. Mon renouvellement ne va pas être facile. En plus d’être une femme qui va vers ses 40 ans, et ne trouvera presque plus de travail autre qu’en animant des ateliers-théâtres (ce que je n’aime pas faire) (et qui en plus sont considérés comme périphériques), puisque je ne suis pas une star. Je dois donc envisager mon emploi du temps d’une façon complètement différente.Terminées les résidences non rémunérées qui aboutissent souvent sur des magnifiques œuvres. Je ne peux plus me le permettre.
Je n’ai jamais voulu faire de publicité pour des raisons éthiques, je vais devoir revoir mes exigences à la baisse.
Mon éthique de travail remplacée par la course au cachet, et voir comment faire pour que le principal passe bien comme principal lors de mon contrôle prochain en commission.
Faire un beau site internet, quelque chose qui clinque pour le contrôle de la commission, même si c’est clairement pas un site internet qui donne du boulot. Soit.
M’adapter pour correspondre à ce que le projet de loi attend de moi, pour que je perçoive cette protection sociale, ou bien me reconvertir, et aller vendre des parfums chez Paris XL comme disait un membre du WITA pro-cette réforme (pour les hommes il disait gardien de parking, et les femmes chez Paris XL… soit).

Je ne sais pas qui viendra en commission sur le banc artistique. Les textes ne sont pas clairs : représentants de fédé/ porteur d’attestation / bilingues / … Veut-on véritablement des professionnels du secteur, et pense-t-on véritablement qu’en leur proposant 100€ dans la poche (plafonnés à + /-1900€ /an alors qu’il y aura certainement plus de réunions) on aura des candidats ?
Qui feront leur job de préparation correctement ? Qui sacrifieront de leur temps de travail artistique ? Je ne vous cache pas mon pessimisme.
Soit, nous n’en sommes pas encore là, mais pour ma part je démissionne.
J’ai travaillé deux ans avec mon cœur dans cette entreprise, mais là, l’eau fraiche a pris un goût amer.
Cette rencontre mardi n’a pas été satisfaisante, j’ai ressenti le même « cause toujours » que lors des “consultations” WITA, et je ne peux plus me permettre de donner de mon temps gratuitement à l’État qui vient d’adopter une réforme qui va être un carnage et dont je ne suis pas sûre d’échapper au sort des victimes collatérales.

Je démissionne parce que je dois penser à moi maintenant, et à ma survie économique.

Ce n’est pas une décision facile. D’autant que je sais qu’il y a du pain sur la planche.
J’espère que vous comprendrez…Je vous souhaite tout le meilleur, j’ai été ravie de vous rencontrer, de nos débats parfois houleux mais toujours riches.
Bonne continuation à vous et au plaisir de vous croiser sur les chemins de la vie !

Emilienne Tempels

http://(1) étude https://acte3-4.deuxiemescene.be/

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