JE SUIS EN COLÈRE par Jean-Claude Englebert-Cahen

Il y a pile une semaine, M. et C., jeune couple, elle 20 ans, lui 27 débarquaient chez moi. Ils sont originaires d’Érythrée, pays dont la situation est méconnue (en tout cas pour moi).
Pour les accueillir, j’ai du faire face à ma réticence, qui est en fait une forme de lâcheté face à la confrontation avec une situation désespérée et désespérante.
M. et C. essaient de partir en Angleterre au moins depuis leur arrivée en Belgique il y a plus d’un an. Alors ils disparaissent dans la nuit. Ils ont directement essayé vendredi, cachant la clé de la maison en un endroit convenu, clé qui n’était plus en place lorsque je me suis levé samedi. Raté, donc.
Lundi fin de journée, M. a rejoint C. à l’extérieur. Depuis, aucune nouvelle. Trois jours et trois nuits.
Aucun moyen de les joindre, ni pour moi, ni pour les personnes qui les suivent depuis des mois et leur trouvent un toit.
Je sais qu’ils n’ont rien. Mais en plus, ils ne sont rien, le fond de la précarité. Il peut leur être arrivé n’importe quoi, je pourrais ne jamais être au courant, ni moi, ni personne. Sont-ils vivants? Sont-ils libres? C’est insoutenable.
Lundi, M. a fait une lessive et mis son linge à sécher. Je l’ai replié hier, j’ai tout disposé sur leur lit, dans leur chambre, non loin de leur petite valise avec leurs petits effets bien pliés.
Pendant ce temps, notre gouvernement fabrique d’autres M. et d’autres C. et reste totalement sourd aux revendications des 450 réfugiés en grève de la faim. Comme me le disait hier un ami, la population dans son ensemble s’en fout royalement. 450 personnes sont en danger de mort, soit à peu près le nombre de tués sur la route chaque année.
Pendant ce temps, la précarité absolue, les conséquences de l’égoïsme le plus crasse ont maintenant pour moi les visages de M. et C.
Depuis que je suis en âge de penser, je souhaite un changement de régime. Ce souhait est aujourd’hui devenu une nécessité, pour tout un tas de raisons. J’en ai une bien concrète de plus.
[UPDATE] Je viens d’avoir la nouvelle: M. et C. sont en Angleterre. Ils vont bien.

Par Jean-Claude Englebert-Cahen sur Facebook (le 8 juillet)

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