LA CENSURE DE BOMPARD (LFI) : “Tu casses l’État, tu t’en vas”.

Voici l’intervention de Manuel Bompart devant l’assemblée nationale française, pour défendre la motion de censure déposée par la gauche contre le gouvernement Attal. Il s’exprimait ici au nom du groupe parlementaire La France Insoumise. Les autres partis de gauche de l’ex NUPES ont également défendu la motion.

Madame la Présidente,
Chers collègues, ministres,
« Il faut que la voix des hommes sans voix empêche les puissants de dormir » disait l’Abbé Pierre il y a 70 ans. C’est cette voix que j’entends faire résonner ici aujourd’hui.
Monsieur le Premier ministre, tout le monde sait que vous n’êtes qu’un obligé. Le Président de la République a fixé votre cap. Il vous impose ses ministres. Il court-circuite vos annonces. Il s’impose même en conférence de presse à quelques minutes de votre discours de politique générale.
Alors, allez dire à celui qui vous envoie que son règne n’a que trop duré et qu’en vous censurant, notre intention est bien de le censurer lui. De vous censurer vous, TOUS, cette caste privilégiée à combattre comme l’a dit dans un rare moment de lucidité votre ministre de l’école privée.

Monsieur le Premier ministre, vous avez eu la semaine dernière 1h20 pour présenter votre discours de politique général. Je n’ai aujourd’hui que 10 minutes. Ce sera insuffisant pour dresser la liste de toutes vos infamies. J’irai donc à l’essentiel.
Il faut vous censurer pour protéger le peuple des souffrances que vous voulez lui infliger : augmentation de la facture de l’électricité et du gaz, hausse du prix de l’alimentation, des autoroutes et des mutuelles, doublement de la franchise médicale, réduction des allocations chômage, remise en cause du SMIC, refus d’indexer les salaires sur l’inflation, vous êtes le doux visage de la brutalité sociale.
Il faut vous censurer pour faire régner l’intérêt général plutôt que l’entre-soi. Cet entre-soi dont votre gouvernement est la parfaite illustration.
Celui du séparatisme scolaire de l’École alsacienne au collège Stanislas que vous gorgez d’argent public. Celui de l’école à deux vitesses que vous voulez imposer à marche forcée. Celui de « parcoursup » que vous infligez aux autres, mais pas à vos propres enfants. Celui des ghettos de riche. Celui de l’impunité garantie pour les communes qui refusent de construire du logement social à qui vous offrez sur un plateau la suppression de la loi SRU.

Il faut vous censurer pour rétablir l’égalité face à la loi. Car tout le pays a compris désormais que nous voici revenus aux temps du roi Soleil que nous racontait la Fontaine : que vous soyez dirigeant de la FNSEA ou syndicaliste ouvrier, PDG de la grande distribution ou agriculteur de la Confédération Paysanne, que vous ayez un tracteur ou un gilet jaune, que vous veniez de Neuilly ou des quartiers populaires, les jugements de Monsieur Darmanin vous rendront blancs ou noirs. En agissant ainsi, c’est l’autorité de l’État que vous affaiblissez. C’est la force de la loi que vous détruisez.
Il faut vous censurer pour protéger la France de votre addiction au libre-échange. Notre agriculture meurt de la concurrence déloyale. Les pires produits du reste du monde envahissent nos marchés. Mais vous continuez de sacrifier notre souveraineté alimentaire. Hier, vous ratifiez un accord avec la Nouvelle-Zélande. La semaine dernière, vos députés européens votaient en faveur de nouveaux accords de libre-échange avec le Chili et le Kenya. Et aujourd’hui, vous faites mine de rejeter l’accord avec le Mercosur. Mais les négociations se poursuivent en coulisses, comme l’a confirmé la semaine dernière la commission européenne. Pour qui nous prenez-vous ?
Incapable de rompre avec cette idéologie mortifère, vous sacrifiez notre santé et la biodiversité. Les agriculteurs ne vivent pas de leur travail ? Ce sera double ration de pesticides. Au revoir les abeilles et bonjour les cancers. Et tant pis pour votre fameux réarmement démographique, quel concept insupportable !

Il faut vous censurer pour retirer le pouvoir des mains de l’oligarchie qui vous commande. Ces multinationales dont vous refusez d’encadrer les marges, abandonnant les producteurs comme les consommateurs. Ces grands actionnaires du CAC40 qui ont reçu encore cette année un record historique de dividendes : près de 100 milliards ! Ces super-profiteurs que vous protégez servilement alors que le peuple a froid, a faim et dort dans la rue.
Il faut vous censurer pour protéger la République de votre mariage hideux avec l’extrême-droite. Car vous êtes prêts à tout pour diviser le peuple, comme le vote de la loi immigration l’a montré. Même à reprendre les pires propositions racistes et xénophobes et à jeter en pâture la figure de l’immigré ou du musulman. Et quand la cruelle réalité vous éclate au visage, vous transformez le Conseil Constitutionnel en camion poubelle de vos délires réactionnaires. Vous rendez-vous compte du mal que vous faites à la France ?

Il faut vous censurer pour rétablir la voix de la France dans le Monde. Une France non alignée et indépendante. Une France qui nous rend fiers sur la scène internationale. Une France qui dit « Cessez-le-feu » quand les tribunaux internationaux pointent un risque de génocide à Gaza.
Une France qui fait quelque chose quand elle occupe, comme c’était le cas le mois dernier, la présidence du conseil de sécurité des Nations-Unis. Une France qui n’a pas de double standard, qui ne hiérarchise pas entre les victimes, qui soutient les décisions de la Cour Internationale de Justice de la même manière quand elles concernent les peuples ukrainiens ou palestiniens.

Monsieur le Premier Ministre, la semaine dernière, vous avez appelé à revenir à des principes clairs. Je vous cite : « tu casses, tu répares, tu salis, tu nettoies, tu défies l’autorité, on t’apprend à la respecter ».
Je vous prends donc au mot : « tu casses l’État, tu t’en vas. Tu salis la République, tu pars avec ta clique. Tu défies le Parlement, le Parlement t’apprend à le respecter. »
Mardi dernier, vous nous avez rappelé que vous êtes né en 1989 pour le bicentenaire de la Révolution Française.
Pour conclure, je ferai donc miens les mots de Saint-Just : « Peuple, si le roi est jamais absous, souviens-toi que nous ne serons plus dignes de ta confiance et tu pourras nous accuser de perfidie ».
Alors, chers collègues, soyons dignes de la confiance du peuple. Censurons le gouvernement !

Manuel Bompard, devant l’Assemblée Nationale, au nom du groupe LFI

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