La chance que nous avons d’être vivants (par Joachim Caffonnette, musicien)

ll y a tout juste 9 ans, je vivais l’expérience la plus traumatisante de ma jeune vie d’adulte : ma compagne, Lisa, mourait après un mois de comas provoqué par une encéphalomyélite aiguë disséminée surgie de nulle part dont je n’avais jamais entendu parler et dont les probabilités d’un jour connaitre un autre cas dans mon entourage, même éloigné, sont proches de zéro.
Notre société ne nous prépare pas du tout à ce genre d’événement, on vit comme si on était immortel, les moindres contrariétés nous submergent rapidement… Alors la mort de votre amoureuse de 22 ans, ça vous tombe sur le coin de la gueule durement et sans prévenir et ça laisse des traces durables dans votre âme.
Moi, j’ai « surmonté » cette épreuve de façon étrange.
D’abord avec pas mal de whisky, mais rapidement en apprenant à mettre les choses en perspective et en fonçant à toute vitesse dans ma vie de musicien et d’épicurien. Le traumatisme reste fort, et chaque année je traverse fragilement cette période, pensant avec une douloureuse mélancolie à toute la douceur, la gentillesse et l’espièglerie de Lisa.
Mais lorsqu’aujourd’hui, je vois le milieu qui fait ma vie depuis toujours plonger chaque instant un peu plus dans un sombre marasme dont le pathétique espoir s’accroche au bon sens de politiciens qui l’ont perdu depuis longtemps, à des concerts en streaming plus déprimant qu’un matin de novembre ou qu’un réveillon de noël à quatre dans un jardin sombre sans pouvoir pisser, je pense que la leçon que m’a forcé à apprendre les hasards de la vie est en fin compte salutaire.
On a le droit et le devoir de se plaindre du traitement injuste et irréfléchi réservé à la culture, à l’événementiel ou à l’horeca ; on a le droit et le devoir de ne pas être d’accord avec les choix absurdes et les jugements scabreux de la classe dirigeante ; on peut en souffrir, on peut se laisser aller à la tristesse et à la colère, mais restons conscients de la chance que nous avons d’être vivants, en bonne santé, et de vivre dans une Europe sans guerre, le cul dans le beurre et avec des mutuelles santé, des assurances vélo et des steaks vegans.
Haut les coeurs et comme disait l’autre : Joyeux Noël bande de cons.
Joachim Caffonnette
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