LA MISE À MORT DE LA DÉMOCRATIE AMÉRICAINE par Adrien Halvarez (sur Facebook)

Une conférence de presse lunaire où le jeune fils de Musk, à côté de lui ou juché sur ses épaules, devient un instrument de com’. La perversité du procédé est telle qu’il devient un symptôme éclatant : les Etats-unis sont en train de basculer, en tant que société, dans la domesticité de Musk, c’est à dire dans un espace où le politique a disparu et où tout est médiatisé par de l’affect et de la transaction. Le politique est remplacé par la communication à vocation domestique, sous forme d’auto-célébration, visant à détourner l’attention ou à remodeler les perceptions individuelles sans jamais informer ou produire de l’entendement collectif. C’est une simple production d’écrans de fumée pour masquer le braquage en cours qui se tient en coulisse.

Un milliardaire détruit la solidarité nationale (et on parle des USA où elle est déjà assez restreinte), agit de façon discrétionnaire ne rendant pratiquement plus de compte à qui que ce soit, en baignant dans des conflits d’intérêt tellement massifs que cette séquence redéfinira très certainement notre compréhension de ce qu’est un conflit d’intérêt dans la sphère politique, et enfin, appelle “transparence” le fait de référer de son action, non pas aux institutions que la constitution définit comme celles ayant l’autorité pour l’évaluer, mais à ses followers sur le réseau qu’il possède, dans la plus parfaite domesticité là encore.
Ainsi, le fait que son enfant soit sur ses épaules au moment où il répond aux questions de la presse, n’est pas simplement une façon d’adoucir son image (alors même qu’il détruit simultanément la vie actuelle et future de milliers d’enfants dans le monde et aux Etats-unis) mais c’est aussi une façon d’installer la confusion entre le caractère strictement privé de son action et ce qu’est normalement l’action publique dans une démocratie.
X est devenu l’espace public, Starlink a vocation à devenir l’infrastructure internet mondiale, Space-X à remplacer l’agence spatiale américaine. Sans parler du possible rachat d’Open AI qui permettrait au milliardaire de se placer au centre du jeu de l’IA.
Musk est devenu le grand argentier de l’état fédéral, non élu et agissant en dehors de tout ordre légal ou cadre constitutionnel. Il a ainsi les moyens de fusionner sa vie domestique, sa carrière d’entrepreneur et la vie publique américaine.

Ça n’est pas une simple privatisation sur le mode néolibéral telles que nous les subissons depuis des années. C’est une dé-démocratisation, purement et simplement. Ce n’est pas une énième itération de la libéralisation du capitalisme contemporain où des secteurs de l’État, ou certaines de ses missions, sont transférés au privé pour se conformer à l’idéologie selon laquelle le privé est plus efficace et moins coûteux que le public. C’est beaucoup plus grave que ça. Et, finalement, en opposition avec cette séparation des rôles entre public et privé qui reste un phénomène structurant du libéralisme.
C’est le mépris absolu pour l’idée que le droit et la régulation institutionnelle par des processus démocratiques aient la moindre valeur. En ce sens, ce à quoi l’on assiste est la mise en place d’un capitalisme illibéral qui entend s’aligner sur le modèle chinois, de capitalisme autoritaire, darwiniste social, où la prédation, le monopole, la corruption et l’héritage sont des piliers du pouvoir économico-politique. Où les citoyens ordinaires, en tant qu’incapables de peser dans la balance face aux fortunes métastatiques des puissants se trouvent expulsés de leur citoyenneté et ravalés à un statut de minorité, errant, désorientés, dans cet espace domestique du nouveau PDG de la société américaine, élargi aux dimensions du pays entier…
Ne reste que le change d’un enfant juché sur les épaules qui fait entrer l’ensemble du peuple étatsunien dans le salon d’Elon Musk, un endroit où tout le monde est bien habillé et où rien n’a l’air vraiment grave ou sérieux. Tandis que, hors champ, les petites mains muskiennes pillent l’argent public, maquillent les malversations du chef et attaquent à coups de masse les piliers de la démocratie américaine…

Adrien Alvarez (sur Facebook)

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