LA VIE DU THÉÂTRE AU THÉÂTRE DE LA VIE par Stéphane Menti

Tu sais Stéphane, je ne crois pas en la gentillesse, j’ai choisi ma femme parce qu’elle était gentille, et elle m’a quitté” c’est en ces termes que se présenta à moi Jean Bernard*, de la société en consulting et management “Gens Diamètre”*, appelé en urgence par le CA à la fin du premier confinement. Son téléphone sonna, il s’absenta cinq minutes et revint : c’était un employé fraîchement licencié d’une autre entreprise qu’il conseillait : “ce n’est pas toujours agréable comme métier tu sais, mais il faut souvent en passer par là.
Pendant les deux ans où j’ai travaillé au sein de cette entreprise, le Théâtre de la Vie, le chamboulement a été permanent : mon arrivée coïncida avec l’instauration d’une nouvelle politique de management, qui consista à coup de conférences extérieures à proclamer une nouvelle ère : la fin de la hiérarchie verticale. L’horizontalité y serait imposée, de gré ou de force, a des employées qui seront sûrement récalcitrantes, mais tous ces efforts étaient entrepris pour leur bien : grâce à ce progrès moins de départ, moins de démission.
Il y a eu 8 démissions et 5 licenciements en 3 ans, pour une équipe de 10 personnes. Des burn-out à foison. Les seules personnes qui ont survécu à cette révolution sont la directrice et le président du CA.
L’horizontalité était le discours officiel, celui qui devait se dire à l’extérieur, celui qui nourrissait les ambitions personnelles du CA et de la direction. La directrice de ce lieu avait toutes les chances de devenir la directrice d’un théâtre plus gros, sur une belle place au nom triste mais glorieux, et la membre du CA qui portait cette révolution avait toutes les chances elle aussi de devenir la directrice d’un théâtre encore plus gros, alors qu’elle n’était et ce de façon complètement injuste que co-directrice.
À l’intérieur, une tout autre musique se faisait entendre : la directrice n’en voulait pas de cette horizontalité et le disait à mots réguliers lors de séances cauchemardesques et tendues d’entrainement à l’horizontalité organisées par le CA… Qui évidemment se voulait neutre, alors que des projets professionnels unissaient ces gens au delà du théâtre et de leurs ambitions partagées. Ils firent donc assez vite bloc contre les employées (des cochons à qui on donne de la confiture), employées qui firent assez vite bloc contre leur direction (vous n’écoutez pas ou de façon hypocrite, et faites que ce qui vous arrange égoïstement ).
Cette histoire d’un progrès social raté devra être racontée : comment ce carnage a t’il été possible ? Au moment où l’annonce d’une nouvelle direction vient d’être publiée, ne pas mettre toute la poussière sous le tapis semble nécessaire. D’autant plus que cette annonce témoignerait presque d’un certain renouvellement…apparent.

Stéphane Menti (sur Facebook)

*noms changés

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