L’AMOUR DU VÉLO par Sylvie Olivier

Les empoignades actuelles autour de la mobilité m’invite à raconter, ici, ce qui me lie définitivement et amoureusement à l’usage exclusif de mon vélo. Je me souviens de mon père, décharné, sur son lit de mort, nous demandant d’aller faire un tour en vélo. Ça marque.
Happé par l’engouement des années 70 pour la voiture, il avait remisé son vélo dans sa boîte à souvenir. Faut dire aussi que d’électricien à ingénieur du son, les années 60 avaient été pour lui l’occasion d’une “ascension” sociale qui avait précipité cette relégation.
Bref, de ma vie, je n’ai du le voir qu’une fois sur un vélo mais il nous racontait, des lumières dans les yeux, ses escapades, contre le vent, vers la mer du nord.
Il nous a légué cet amour du vélo en prenant un soin particulier dans l’achat de nos premiers vélos et en nous laissant, des journées entières, nous perdre, mon frère et moi dans les campagnes avoisinantes.
Je me souviens du sentiment intense de liberté ressenti, cheveux au vent, soleil éblouissant. Puis cela a disparu de ma vie. Longtemps. Jusqu’à ce que je me retrouve, mère de famille, sans un kopek devant moi, plus capable de payer ma bagnole et détestant la promiscuité des transports en commun.
Je me suis souvenue du tour de France de Henri Miller fait juste avant la guerre, sans un sous, lui aussi. Je suis remontée sur mon vélo. Tous les jours pour aller au boulot.
Un ravissement d’enfourcher ma bécane, quelque soit le temps, c’est emparé de ma vie. Vraiment. Je me suis demandée comment j’avais pu me priver tout ce temps de ce plaisir céleste qui me rappelle le diable d’Henri Miller, la vaillance de mon père et la possibilité d’aller contempler les vagues grâce à de vigoureux coups de pédale.
A une époque où, tout est cher et compliqué, où l’on voudrait nous voir investir nos rares finances dans des tas de ferraille qui ruinent notre santé, souvenons nous de la possibilité que nos corps nous offrent d’arpenter le monde. Simplement. Merveilleusement.

Sylvie Olivier (sur facebook)

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