LE JOUR DES BARRICADES

Nous sommes le 10 mai 2023.

Alors voilà. On a commémoré le 8 mai 1945, on a célébré la victoire des démocraties sur l’horreur nazie, on a ranimé les flammes des soldats inconnus, on a dit plus jamais ça, on s’est allègrement gaussé de l’inénarrable Macron faisant ses macronades sur grand écran devant les Champs Élysées déserts…
Et avec tout ça, on a encore une fois oublié l’autre 8 mai 1945 : les massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, quand la France libérée de l’oppression réaffirmait dans le sang sa domination coloniale en Algérie.
L’autre 8 mai 1945.
Le jour même de la victoire alliée sur le nazisme, de violentes émeutes éclatent en Algérie contre l’occupant français.
La répression sera particulièrement brutale.
Les manifestants sont des Algériens « de souche » dont beaucoup se sont battus dans les troupes françaises. Le retour de la paix leur fait espérer de gagner un peu d’autonomie.
Les principaux leaders algériens se proposent de profiter de la liesse de la victoire pour brandir le drapeau de l’Algérie indépendante. Le 1er mai, une manifestation du Parti Populaire Algérien (PPA) clandestin réunit 20 000 personnes à Alger. Il s’avère qu’arborer en public le drapeau des indépendantistes est risqué. Bilan de la manif : 11 morts, des arrestations, des tortures… et un afflux d’adhésions au PPA !
Le matin du 8 mai, jour de la capitulation de l’Allemagne nazie, nouvelle manifestation à Sétif. Les militants du PPA ont reçu la consigne de ne pas porter d’armes ni d’arborer le drapeau algérien.
La police tire, tuant entre autres, le maire socialiste de la ville (un Européen). La foule, évaluée à 8 000 personnes, se déchaîne. Vingt-sept Européens sont tués.
Rapidement l’insurrection s’étend aux villes voisines. Des renforts sont déployés dans la région de Sétif. Parmi eux des tirailleurs algériens. Au total 3.700 hommes. L’aviation bombarde les zones insurgées.
Un sous-préfet prend la décision de créer une milice avec les Européens et de l’associer à la répression menée par les forces régulières. La répression sera d’une extrême brutalité. « Certains des miliciens se sont vantés d’avoir fait des hécatombes comme à l’ouverture de la chasse. L’un d’eux aurait tué à lui seul quatre-vingt-trois merles… », notera plus tard un commissaire, dans son rapport.
Officiellement, le drame aura fait 103 morts chez les Européens et les autorités françaises de l’époque fixent le nombre de tués à 1 165, ce qui est certainement sous-évalué.
Certains historiens avancent une évaluation basse allant de 3 000 à 8 000 victimes, tandis que d’autre donnent pour plausible une fourchette allant de 20 000 à 30 000 morts.
Plus tard, le gouvernement algérien, jamais en reste de propagande, avancera le chiffre de 45 000 victimes.
Quoi qu’il en soit, cette tentative insurrectionnelle avortée de 1945, aura été un premier prélude à la guerre d’indépendance.
Dans ses volumineuses « Mémoires de guerre » en trois tomes, le général de Gaulle, consacrera en tout et pour tout une ligne à ces événements…

Autre chose : mai 1968.

Puisqu’on est le 10 mai, évoquons un instant le 10 mai 1968.
Il y a de cela 55 ans, c’était la «nuit des barricades» : les affrontements entre étudiants et policiers feront des centaines de blessés. Les syndicats appelleront à la grève générale. Trois jours plus tard, 7 millions d’actifs cessaient le travail.
Le 10 mai, dès le début de la soirée, quelque 20 000 manifestants occupent le quartier latin. Les rues se couvrent de barricades, certaines hautes de 3 mètres.
La population sympathise avec les émeutiers. La police ne prendra la dernière barricade qu’après de très violents affrontements qui feront plus de 350 blessés (dont 251 chez les policiers). 469 manifestants seront interpellés et 188 véhicules seront incendiés ou endommagés.
La contestation va alors gagner le monde du travail, les syndicats et les partis politiques, la grève générale sera effective à partir du 13 mai. À la fin du mois de mai, les accords de Grenelle aboutissaient à une augmentation du SMIG de 25%, une hausse des salaires, une diminution du temps de travail… Sur les murs, les graffitis chantaient l’avènement d’un nouveau monde : “Il est interdit d’interdire” – “Sous les pavés, la plage” – “L’imagination au pouvoir”…
Cinquante-cinq années se sont écoulées, l’heure est peut-être venue d’en remettre une couche !
Et de rappeler que ce même 10 mai 1968, Léo Ferré chantait (pour la première fois) :
« Y’en a pas un sur cent et pourtant ils existent
« Et s’il faut commencer par les coups de pied au cul
« Faudrait pas oublier que ça descend dans la rue
« Les anarchistes … »
Descendre dans la rue, à l’heure où les grands méchants loups aux dents longues veulent à toutes forces revenir sur les quelques acquis d’un siècle de luttes des travailleurs et les faire travailler plus pour gagner moins, ça aussi, c’est un devoir de mémoire …

Encore tout autre chose : “VIVA DONOVAN”.

L’anniversaire du jour, c’est celui de Donovan, de son vrai nom Donovan Philip Leitch, né le 10 mai 1946 près de Glasgow, en Ecosse. Enfant, il contracte la poliomyélite qui le laissera boiteux toute sa vie.
À dix ans, il apprend la guitare en s’inspirant des musiques folkloriques anglaise et écossaise. Après de brèves études aux Beaux-Arts, il voyage en « beatnik » et écrit des chansons.
En 1965, lors de sa première grande apparition publique à Wembley, un journaliste utilisera pour la première fois, le terme “folk rock”.
Peu après, Donovan fera la connaissance de Joan Baez et de Dylan alors en tournée anglaise. Son premier album « Catch the Wind » sera un gros succès en Angleterre. Au festival américain de Newport (juillet 65) il reprend la chanson « Universal Soldier » de Buffy Sainte-Marie en réaction à la guerre au Vietnam.
Donovan s’éloignera ensuite du folk rock pour s’orienter vers le genre psychédélique avec «Sunshine Superman».
Il sera d’ailleurs la première pop star à être arrêtée pour possession de drogue. Le gouvernement américain lui interdira alors l’entrée sur le territoire.
En 1966, Donovan sort son sulfureux « Mellow Yellow », une aimable bluette où il est question de vibromasseur (“electrical banana”) et de détournement de mineure : succès international ! Les stations de radio ne remarquent rien de « répréhensible » au texte caché.
En 1968, Donovan se rend en Inde en compagnie des Beatles. On est en plein Flower Power, Peace and love, combi VW bariolé, chemises à fleurs et weed à volonté …

André Clette

On écoute Donovan “on stage” : « Mellow yellow »
C’est par ici : →

Et, comme dit l’autre : « Smoke Your Pipe…and enjoy … »

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