LE JOUR DES “STEVE” ARCHITEKT

Nous sommes le 16 avril 2023.

C’est aujourd’hui la Saint Fructueux, du nom de ce religieux galicien d’origine wisigothe mort à Braga (Portugal) le 16 avril 665.
« Gelée de Saint Fructueux rend le vigneron malheureux » affirme le savoir paysan. Supplions l’anticyclone des Açores de nous éviter ce drame, car rien n’est plus désespérant qu’un vigneron malheureux.

Il y a tout juste 20 ans, naissait le « Projet Steve ».
Le 16 avril 2003, aux États-Unis, le “Centre national pour l’éducation des sciences” lançait une pétition scientifique en forme de plaisanterie.
En réponse à un manifeste créationniste signé par 100 ‘’scientifiques’’ – ou prétendus tels – visant à discréditer la théorie darwinienne de l’évolution, le “National Center for Science Education” (NCSE) publiait un texte affirmant que la théorie de l’évolution «ne fait l’objet d’aucun doute scientifique sérieux».
Un communiqué de presse appelait les scientifiques reconnus à ratifier ce texte.
Toutefois, afin d’éviter un afflux trop important de candidats signataires, deux conditions ont été mises : d’abord, il fallait que les signataires soient des scientifiques travaillant dans les domaines des sciences du vivant (essentiellement docteurs en biologie), mais encore, ils ne pouvaient signer qu’à la condition de se prénommer Steve (ou Steven, Stephen, Stéphanie, Esteban et autres déclinaisons). Cela en hommage au paléontologue Stephen Jay Gould, brillant défenseur de l’enseignement de l’évolution, mort en 2002.
Ce “Projet Steve” parodie en farce une longue tradition créationniste consistant à dresser des listes de “scientifiques qui doutent de l’évolution” ou de “scientifiques qui s’opposent au darwinisme”, afin de tenter de convaincre le public que l’évolution est une “théorie en crise”, et qu’elle serait de plus en plus rejetée par les scientifiques. Dans le grand public, tout le monde ne se rend évidemment pas compte que cette affirmation est sans fondement.
Cela dit, si l’idée du ‘’Projet Steve’’ est une parodie humoristique à la base, sa pétition est, quant à elle, tout ce qu’il y a de sérieux.
Le manifeste des créationnistes s’inscrivait dans une stratégie visant à créer l’illusion qu’il existerait dans la communauté scientifique un débat sur la validité de l’évolution, et réclamait dès lors un enseignement égal du créationnisme et de l’évolution dans les écoles.

En réponse, le ‘’Projet Steve’’ affirmait : « L’évolution est un principal fondamental, unificateur et riche en preuves, des sciences biologiques et l’immense majorité des faits scientifiques soutient l’idée que tous les êtres vivants partagent un ancêtre commun (…). Il est scientifiquement inapproprié et pédagogiquement irresponsable d’introduire la pseudoscience créationniste, incluant mais non exclusivement le “design intelligent”, dans le programme scientifique de nos écoles publiques. »
L’objectif initial du projet était de collecter les signatures de 100 Steves, mais cet objectif a été atteint en seulement 10 jours.
Le 26 décembre de la même année (jour de la Saint-Stephen), le projet Steve était passé à 400 signataires.
Du côté créationniste, la liste initiale de 100 chercheurs s’est étoffée pour atteindre 700 signataires en 2007, mais les trois quarts des signataires n’avaient aucune activité de recherche dans le domaine de la biologie, certains n’étant même pas des scientifiques.
Les 700 signataires représentaient 0,051 % du nombre des scientifiques travaillant dans les domaines de la biologie et de la géologie aux États-Unis cette année-là. Si parmi les signataires, l’on compte seulement les 150 ayant une activité dans les domaines concernés, le pourcentage descend à 0,0157 %.
Aujourd’hui, après 20 ans, le Steveomètre officiel indique 1488 inscrits. Sachant qu’environ 1% seulement de la population des États-Unis possèdent un des prénoms qualifiants, alors que la pétition des créationnistes (environ 1000 signataires) est ouverte à tous les prénoms, on mesure le décalage.
On peut, en effet, considérer qu’au moins 148 800 scientifiques sont d’accord avec la déclaration, ce qui éclipse toute liste créationniste.
Ça n’a rien de surprenant, mais c’est rigolo quand même.
Évidemment la vérité en science n’est pas déterminée par un vote majoritaire et le fait d’avoir plus de personnes de son côté dans un débat ne signifie pas qu’on a l’argument le plus pertinent. Mais, après tout, le créationnisme est stupide, et le ‘’dessein intelligent’’ ne l’est pas moins, et la seule réponse raisonnable aux partisans de telles fadaises, est de les ignorer ou de se moquer d’eux.

Tout à fait autre chose.

Le 16 avril 1986, décédait à l’âge de 52 ans la chanteuse française Pia Colombo.
Elle fut également comédienne de théâtre et a fait quelques apparitions au cinéma. C’est aussi une artiste engagée qui a clairement exprimé des idées politiques durant sa carrière sur les planches comme sur les scènes où elle s’est produite.
Née Marie Amélie Colombo, d’un père ouvrier italien et d’une mère française, elle se tourne vers la chanson à 20 ans et prend le nom de scène de Pia Colombo. Elle sera l’interprète notamment de la chanson Julie la Rousse de René-Louis Lafforgue et interprétera aussi des chansons de Maurice Fanon avec qui elle vivra quelques années.
Après des débuts dans un cabaret rive gauche, elle est à l’affiche de l’Olympia en 1958 en première partie de Georges Brassens qui l’emmènera ensuite avec lui, en tournée.
Aux « Trois Baudets », elle devient l’interprète de chansons de Brassens (Les croquants), de Jacques Brel (La valse à mille temps), de Claude Nougaro (Le rouge et le noir), de Serge Gainsbourg (Défense d’afficher), ou encore de Léo Ferré (La Folie).
Dans les années 1960, on la voit au théâtre dans « Schweyk dans la Deuxième Guerre mondiale », de Bertold Brecht, puis dans « Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny ». En 1965, elle enregistre la chanson « Rue des rosiers », qui évoquait la rafle du Vel’ d’Hiv’ de 1942. En mai-juin 68, elle participe, à plusieurs actions de soutien et se rend avec Maurice Fanon, Jean Ferrat ou Dominique Grange, à plusieurs piquets de grève. Avec Isabelle Aubret et Georges Moustaki, elle participe à un concert de soutien aux grévistes à Bobino. Plus tard, elle s’engagera dans plusieurs mouvements de soutien au peuple chilien après le coup d’État du général Pinochet. Une gauchiste, quoi !

André Clette

On écoute Pia Colombo dans la partition de Jenny dans “Grandeur Et Décadence De La Ville De Mahagonny” (Kurt Weill et Bertolt Brecht) : « Comme On Fait Son Lit On Se Couche »
C’est par ici →

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