Le Rapport du GIEC : MAUVAIS TEMPS

Selon Goscinny et Uderzo, la seule chose que craignaient nos ancêtres les Gaulois, c’est que le ciel ne leur tombe sur la tête. Eh! bien, c’est fait.
Le ciel est tombé sur nos tresses, nos braies et nos moustaches.
Sale temps pour les mouettes.

L’actualité météorologique s’est également répartie cet été entre inondations tsunamiques et incendies apocalyptiques. Tout ce qui ne brûle pas se noie – et inversement.
Pendant ce temps, les glaciers de montagne et les banquises polaires continuent à fondre comme glaçons en terrasse, dans les verres de Spritz abandonnés par les touristes masqués. Les océans montent, millimètre par millimètre, en même temps que le mercure dans les thermomètres. Toutes les villes côtières préparent leurs canots de sauvetage. Même notre bon vieux Gulf Stream, qui depuis quatre millions d’années crapahute les calories du Golfe de Mexique aux artichauts armoricains, semble tirer la langue et s’épuiser en d’improbables courants d’air. S’il nous lâche, on pourra bientôt skier en Bretagne.
Chaque bulletin météo ressemble ainsi chaque jour un peu plus au scénario d’un film catastrophe (hormis peut-être le ski en Bretagne).

Quelle bande-annonce de rêve pour le sixième rapport du GIEC !
Cet aréopage de scientifiques cornaqués par l’ONU, qui nous annonce rituellement depuis trente-quatre ans les dramatiques conséquences du réchauffement climatique planétaire.
Le cinquième rapport (2012-2013) avait accouché en 2016 de l’Accord de Paris, où les 195 pays membres s’étaient engagés à “prendre des mesures pour réduire l’émission des gaz à effet de serre” afin de “limiter le réchauffement climatique nettement en dessous de 2°, idéalement à 1,5° “.
Cet accord était toutefois peu contraignant pour les grands émetteurs de CO2.
Contresigné par tous les pays pétroliers, l’Accord de Paris ne mentionnait par exemple même pas explicitement une réduction des énergies fossiles.
Autant pisser dans un violon, et convaincre les médias qu’on fait de la musique.
Cela s’appelle la diplomatie.
Une autre structure de l’ONU, dans son programme voué à l’Environnement, avait d’ailleurs déjà calculé à l’époque que « même dans le cas d’une mise en œuvre intégrale des engagements pris à Paris, les émissions prévues d’ici à 2030 entraîneront une hausse des températures mondiales de 2,9 à 3,4 °C d’ici la fin du siècle » (rapport du PNUE, 3 nov 2016).
OXFAM vient par ailleurs de publier une judicieuse étude sur trente-cinq des grandes entreprises françaises du CAC40. Seules trois d’entre elles ont pris depuis 2016 des mesures susceptibles de respecter les objectifs de l’Accord de Paris. Toutes les autres sont dans le rouge ! (1).

Si le rapport du GIEC est donc un bon outil scientifique pour révéler l’état actuel de la planète, et les possibles scénarios qui dessinent son avenir, tout le raout diplomatico-étatique qui l’a accompagné relève, à mes yeux, du pur foutage de gueule.
Non parce que ces diplomates, ces politiques et ces économistes seraient ontologiquement des menteurs ou des incapables.
Mais parce qu’ils sont, les uns et les autres, au service d’un système capitaliste et/ou productiviste, dans lequel les énergies carbonées gardent une place centrale, et pour qui la croissance perpétuelle reste une absolue nécessité économique.
Dans ce contexte, exiger à la fois la poursuite de cette croissance, et une baisse sensible de la production de CO2, c’est appuyer à la fois sur le frein et l’accélérateur.
Cela ne fonctionne pas.
Bien sûr, on trouvera toujours des gouvernements vertueux pour faire isoler les toits, ou un capitaine d’industrie, touché par la grâce, qui remplacera son jet par un VTT.
Mais vous croyez vraiment que les pays du Golfe vont renoncer à vendre du pétrole ? La Chine et les économies émergentes, renoncer à leur développement ? Et les USA, renoncer à fabriquer, vendre et faire rouler des bagnoles ?
Autant demander à un révolver de servir d’arrosoir.
Face à ce cancer généralisé planétaire, nos actions ne relèvent donc plus de la médecine curative, mais des soins palliatifs.
Tiens, à la place des voitures, on pourrait plutôt fabriquer et vendre des vaccins. Quelle est l’empreinte carbone d’une seringue ? Bon, je sors.
Croire que ces états vont donc collectivement descendre de cheval, changer de système et de paradigme, renoncer à leurs profits, postes et prébendes, pour se transformer en Abbé Pierre du réchauffement climatique, les pieds nus dans le sable des désert et les champs inondés, relève pour moi de la politique-fiction, pour ne pas dire de la pure absurdité.
Si nous espérons vraiment cela, pour le coup, c’est nous qui sommes des imbéciles.

Suis-je trop pessimiste ? Chaque fois que je me suis posé la question, j’ai constaté après coup ne pas l’avoir été assez.
Ce qui nous menace vraiment, face à ce diagnostic catastrophique, c’est plutôt un sentiment d’impuissance : la paralysie de la sidération.
Les seuls à avoir peut-être pris la mesure du péril sont donc les individus et collectifs qui explorent la ligne de crête de la décroissance et de la “sobriété volontaire” (2).
Ceux et celles qui inventent d’autres façons de vivre, d’autres façons de produire, plus compatibles avec l’état de la planète, et qui cherchent leur bien-être collectif dans la simplicité, la solidarité et l’échange, plutôt que dans l’accumulation infinie des biens de consommation.
Ces écolos radicaux, ces utopistes réalistes, ces bricoleurs de génie, qui, comme jadis les petits bonhommes de Reiser, fabriquent une douche d’eau chaude avec des bouts de tuyau d’arrosage, des maisons habitables avec des déchets recyclés, et du bonheur collectif avec des aventures individuelles.
Mais on est sans doute plus là dans la posture morale, l’action militante, ou l’exploration existentielle, que dans le contre-modèle sociétal.
J’en suis d’ailleurs moi-même, dans ma propre vie quotidienne, assez éloigné.
Mais j’ai le plus grand respect pour ceux qui, comme Pierre Eyben ci-dessous, tentent d’articuler aujourd’hui cette nécessaire révolution du quotidien avec un engagement politique et citoyen compatible avec l’avenir de la planète.
C’est un sentier étroit et hasardeux, certes, un peu perdu dans les Montagnes de l’Utopie, mais je n’en vois plus d’autre humainement praticable.

Claude Semal, le 11 août 2021.

(1) https://www.oxfamfrance.org (publication 2021 “CAC degré de trop”)
(2) https://mrmondialisation.org/la-decroissance-volontaire-sinon-rien/

Petite stratégie personnelle de résistance à l’impuissance (par Pierre Eyben)

Chaque rapport du #GIEC est plus précis mais aussi plus effrayant tant l’accélération du dérèglement climatique semble évidente.
Sinon à être dans le déni, comment ne pas se trouver abattu et paralysé face à l’ampleur de la vague qui arrive sur nous ?

1. Se mettre en mouvement à titre personnel et avec sa famille (zéro déchet, mobilité douce, régime alimentaire, consommation responsable,…). Les actes individuels ne suffiront pas c’est l’évidence, mais dédouaner totalement nos pratiques est une forme de confort moral aussi injuste que de tout faire reposer dessus.
Oui, il nous faut aussi sortir d’une forme de cécité sur l’impact de notre mode de vie occidental (qui d’ailleurs n’est pas très épanouissant) !

2. Agir collectivement à l’échelle locale (participer à des GAC, à des coopératives citoyennes, à la vie associative ou politique,…) parce que c’est d’abord collectivement et autour de nous qu’il est possible de prendre conscience et de retisser d’autres modèles de sociétés. Les combats locaux (par exemple contre l’insensé projet d’aéroport de fret à Liège massivement soutenu par les pouvoirs publics) sont aussi l’occasion d’un travail de pédagogie et de conviction de terrain. Ils matérialisent la capacité de stopper (ou pas) les plus évidentes protubérances de la folie actuelle.

3. Retrouver le chemin de la radicalité, ce que j’appelle l’écosocialisme.
La social-démocratie a échoué sur l’enjeu des inégalités sociales qui grandissent à nouveau, l’écologie politique échoue sur celui des défis environnementaux.
Chacune a cru qu’il s’agissait de dompter le capitalisme. Il s’agit de comprendre et de faire comprendre qu’il n’y aura point de salut sans sortie du capitalisme. Or, sortir du capitalisme, cela signifie stopper les capitalistes qui détiennent les clefs de notre économie. C’est par nature un projet révolutionnaire car c’est s’attaquer aux bases (à la racine) du système actuel, et que celles et (surtout) ceux qui se gavent dans ce système font et feront tout pour qu’il perdure.
Au bout du chemin, il est bien probable que se trouvera l’échec mais nous aurons rendu la route utile.

Pierre Eyben, du mouvement “Demain”, sur sa page Facebook.

1 Commentaire
  • Raphaël Marchal
    Publié à 12:52h, 14 août

    j’apprécie particulièrement la contribution de Pierre Eyben – Merci ! Raphy Rafaël

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