« LES BAGNOLES DE MA VIE » par Mirko Popovitch.

Mirko Popovitch est certainement une des personnalités culturelles bruxelloises les plus attachantes. J’ai toujours eu le sentiment qu’il avait le don d’ubiquité, ou qu’il avait mené simultanément plusieurs vies parallèles. Je l’ai surtout connu comme animateur directeur du Centre Culturel de Boitsfort et de sa célèbre Fête des Fleurs – dont il fit un des hauts lieux de la création et de la diffusion en Belgique francophone. J’y ai personnellement créé sept ou huit spectacles.

Mais avec feu Dieudonné Kabongo, il avait aussi formé un duo épatant d’humoristes ; comme réalisateur, il a toujours été actif dans le milieu du cinéma ; il a piloté plusieurs projets culturels en Afrique et il a été le premier directeur de la « Zinneke Parade ». Sans compter tout ce que j’ai certainement oublié.
Aujourd’hui pensionné, il est encore une des chevilles ouvrières du « Gang des Vieux en Colère » – quand il ne « coatche » pas Timour, son petit-fils rappeur, ou qu’il participe probablement à mille autres choses.
Aussi, lorsque Mirko a publié sur Facebook, en cinq épisodes, une saga des “bagnoles de sa vie”, je me suis tout de suite dit que cela ferait un beau sujet pour l’Asymptomatique. Vous en jugerez par vous-mêmes.

Une étonnante épopée familiale, à cheval sur deux siècles, entre la Yougoslavie, la Suisse, la Belgique et l’Afrique, et qui nous raconte je crois aussi beaucoup de choses sur notre histoire commune.
La dernière foi que j’ai croisé Mirko, c’était à la soirée « Chefs d’œuvres en Péril » de l’émission « Le Monde est un Village », au 140, où j’ai chanté « Sémira » en duo avec son petit-fils. Et c’est Mirko et Béatrice qui m’ont ramené à Saint-Gilles en bagnole.
Mais si j’avais préalablement lu le feuilleton de ses accidents de la route, je ne suis pas sûr que j’aurais accepté ;-).
Allez, roulez jeunesse !

Claude Semal

EPISODE 1/5

1. Ma grand-mère maternelle, Lisette Petré (Billy) a mené la grande vie. Fille d’épicière, elle s’est faite remarquer dans le sport en devenant recordwomen du lancer du disque aux Jeux Olympiques d’Anvers (Détenu pendant une bonne dizaine de semaines !). Elle était également chanteuse d’opérettes, mannequin et surtout modèle pour des sculpteurs qui travaillaient avec la Fonderie de Molenbeek.

Billy au volant d’une décapotable

Entre autres, elle a posé pour Pierre de Soete auteur du monument aux aviateurs installé devant l’ULB. La voici avec du beau monde assis à l’arrière d’une « je ne sais quoi décapotable », ce bel engin est celui-là même qui va s’écraser sur un arbre du bois de la Cambre et briser quelques os de mon aïeule dont le bassin. Rassurez-vous, Billy a survécu jusqu’à ses 96 ans.

“Parrain” en Suisse

2. Bien des années auparavant, après avoir largué mon grand-père, ma chère grand-mère a eu la bonne idée d’épouser en seconde noces Edwin Godfried Meyer, un Suisse élégant. Dans les années 20, le père d’Edwin avait acquis une voiture (je pense sans certitude à une Citroën), il ne devait pas en avoir beaucoup dans ce bourg coincé entre des montagnes alémaniques. Mais le jeune homme avait été élevé dans un cadre protestant rigoureux à Saint Gall. Chaque dimanche, mon pauvre parrain (c’est ainsi qu’on l’appelait) devait laver à fond la belle auto et, plus désopilant, il devait étendre une couche de truc goudronné sur le bas de caisse du véhicule, cela pour le protéger des malfaisances de la neige omniprésente dans cette région.

Mon grand-père

2 bis. Anecdote : Lors des Jeux Olympiques d’Anvers en 1920, la championne avait rencontré Roger Fischlin mon grand-père, un héros de l’expédition des Autocanons belges en Russie 1914-18 au côté de Marcel Thiry, de Julien Lahaut, Constant le Marin et bien d’autres … Ce Grand-père (homme à la pipe appuyé sur le blindé) était aussi le capitaine de l’équipe de foot belge (les Diables rouges de l’époque). Dans le contexte très festif des olympiades, ils se sont plu et ont procréé ! Heureusement pour moi, ils ont eu une fille et quelques voitures …

3. Là, c’est moi devant la VW de 1948 que j’ai subtilisé à mon grand-père (les premiers modèles avaient deux petits carreaux à l’arrière et les clignoteurs étaient des flèches qui se levaient sur le côté). Je l’avais customisée et je circulais au départ de Tourinnes-la-Grosse pour rejoindre les salles de fêtes en Wallonie profonde où, bassiste des orchestres « Red Devils » et des « Loups Garous », nous animions des bals populaires et thés dansants.

Bassiste des “Red Devils” et des “Loups Garous”

Anecdote subversive : jeune idiot à l’époque (sic) je n’avais pas jugé bon de payer l’assurance à temps, le certificat vert était magnifiquement dépassé ! Une nuit bien trempée, en revenant d’un concert avec Béatrice, nous sommes arrêtés sur une route du Brabant-Wallon par deux gendarmes zélés de la brigade des stupéfiants, enfin, vous voyez … Il pleut abondamment, j’ouvre péniblement ma vitre avec la manivelle, le sbire me demande les papiers de la voiture et les cartes d’identités. Panique pour l’absence de certificat vert actualisé, heureusement Bon papa avait l’habitude de ne rien jeter, il conservait ses papelards depuis l’achat de la coccinelle en 1948. La main dans le vide poche, j’empoigne un paquet de document d’assurance méticuleusement rangé, je le tends à l’homme au long képi qui, malgré la drache s’obstine à tout vérifier : les phares, les clignoteurs, les pneus… Calé sur mon siège, je vois sa silhouette agiter sa lampe de poche comme un chercheur d’or, soudain il s’approche, présente sa main mouillée pour saisir l’insaisissable papier et là ; coup de génie, je laisse tomber la liasse de documents sur ses doigts glissants. Bardaf, tout est par terre, bien trempé, dégoulinant et le pauvre brigadier jure et s’excuse comme s’il était responsable de la chute des feuilles. Incroyable, mais j’en suis sorti avec les excuses du pandore !

Un tournage à la Côte.

4. Une Renault 4 rouge, ma première voiture achetée. Débordé par mon boulot à la CITEL (Cinéma Télévision), j’avais demandé à mon grand-père d’aller la choisir et de me l’amener, il a pris une rouge, couleur du Standard de Liège ! Je l’ai gardée longtemps, et je me suis marié avec elle, enfin je veux dire avec ma femme mais aussi avec cette voiture, tu comprends ! Malheureusement j’ai fini par emboutir le véhicule rue Paul Émile Janson dans la belle auto de Roger Beeckmans, un génial cameraman des émissions « Faits Divers », « Neufs millions » qui ont été de grandes réalisations de la RTBF. Cet accident dont j’étais l’auteur fut quand même une excellente rencontre, j’ai assumé les dégâts et nous sommes restés bons amis. Et pour conclure, ma femme et moi, une fois mariés, nous avons eu une fille et une bonne quinzaine de caisses en tout genre ….

EPISODE 2/5

Mon parrain garagiste, dont je porte le prénom.

5. Là, avec une vieille Renault, c’est Mirko mon parrain garagiste, un Serbe comme mon père qui avait combattu dans le maquis en Yougoslavie pendant la seconde guerre. Un soir au milieu des années 50, nous suivions une autre de ces voitures (une Citroën traction avant). Nous étions sur une route pavée du côté de La Louvière et il tombait une pluie grasse et incessante. La fête des vieux soudards avait été bien arrosée de slivovitz (alcool de prune) et de musique slave, mon père m’initiait sans trop le vouloir à la Culture slave, je prenais un bain de virilité gothique, une plongée dans un autre siècle. J’étais très jeune et fasciné par ces vieux soudards rescapés de la guerre et des camps.

Dans le maquis en Yougoslavie.

Le jour ne s’était pas encore levé quand nous avions repris la route avec plusieurs véhicules et le destin a frappé. Ce moment est resté vivace dans mon imagerie familiale, cela reste un film dramatique. La voiture du parrain qui se trouvait devant celle de mon père a dérapé et s’est encastrée dans un arbre, il y avait des flammes qui sortaient du capot et le volant l’avait décapité. Les autres passagers étaient groggys, étendus tremblants sur l’herbe, j’ai vu du sang dans les cheveux, avec l’éclairage des phares des voitures alignées autour de la scène, j’ai le souvenir d’une scène tournée en noir et blanc. C’était horrible, tout le monde criait et pleurait, cela n’en finissait pas. J’ai fini par m’endormir sur la banquette de la Simca du pater et parfois la séquence revient dans mes nuits actuelles.

À la casse !

6. La Ford Taunus : j’avais cru faire une bonne affaire, la carrosserie était nickel et les sièges en bon état. Elle ne coûtait pas cher et le vendeur affirmait avec conviction qu’il suffisait d’une petite révision. Quel coquin, quel embobelineur, quel escroc ! En fait, il fallait remplacer la boîte de vitesse, l’embrayage et deux amortisseurs, … Une fortune pour un péquenaud dans mon genre. J’avais besoin de me venger, alors j’ai laissé les enfants se défouler royalement avant le dernier voyage pour la casse. Un voisin, ami du patrimoine matériel a failli mourir d’apoplexie en voyant ce sacrilège.

Mon presque cercueil à roulettes

7. Un mot aussi en hommage à Toone VI, Pierre Welleman, le Toone qui a précédé José Géal, huitième du nom. Suite à ma participation un tournage d’un docu 16mm sur Toone de Mohamed El Manouni alors étudiant à l’INSAS, j’avais aidé à plusieurs reprises le vieil manipulateur de « poecheke » (je crois son expression usuelle) en pleine dépression. Il ne pouvait plus conduire sa vieille 2cv camionnette, alors il me l’a donnée, je l’ai retapé et utilisé pendant plus de deux ans. Une nuit, en rentrant de Beauvechain vers Bruxelles avec Béatrice et bébé Vanessa, nous nous sommes endormis en roulant sur l’autoroute ! La tête contre la vitre de ma portière, je rêvais que j’étais dans un train « tchouc-tchouc-tchouc ».
Puis il y a eu comme un sifflement puissant, une sorte de signal aigu. Je me suis réveillé en sursaut et j’ai vu un poteau qui venait à pleine vitesse vers nous. J’ai stoppé net, halluciné, nous étions là sur le bord de l’autoroute arrêté du côté gauche, la voie était heureusement déserte à cette heure tardive. Ma porte était coincée contre la balustrade, une odeur de peinture brûlée envahissait l’habitacle et des flammèches fumantes erraient à l’extérieur du véhicule. Nous l’avions échappé belle, la protection du bord de l’autoroute avait guidé en ligne droite la 2cv en frottant le métal. Le bas de la carrosserie avait épousé la forme du parapet la peinture grise avait en partie disparue à cet endroit. Suite à cette aventure, j’ai douté du sens du destin puis j’ai remercié mon instinct qui magiquement m’avait averti au bon moment. J’ai aussi juré de ne plus jamais prendre la route en étant fatigué, surtout avec ma femme et ma fille. Depuis cet incident, j’énerve mon entourage en m’arrêtant toutes les deux heures sur un long trajet pour une micro sieste, et là, couché dans l’herbe parmi les joyeuses fourmis je médite sur le sens de la vie.

Épisode 3/5

C’est pas la jeep, c’est la Hyundai !

8. Une jeep blindée Minerva à Beauvechain, c’était pendant mon service militaire dans les UDA. Cette obligation a renforcé ma belgitude galopante. A cette époque, élevé dans les souvenirs de la guerre et de la résistance nombreux dans la mémoire familiale, j’étais assez inconscient de la chose militaire et pour sauter du statut d’apatride réfugié de l’ONU à celui de bon citoyen belge, il fallait passer par le tribunal et le service militaire. La seule chose positive que je retiens du service militaire, c’est cette discipline de vie qui t’oblige à te lever régulièrement à des heures matinales, qui t’impose une certaine hygiène et surtout le respect des autres, du moins ceux qui te sont proches.
Je n’étais pas sérieux du tout à cet âge, j’avais peu de références, peu de nouvelles du père qui avait définitivement quitté le foyer et la maman était submergée par les difficultés de la vie. Nous n’avions pas le moyen de prolonger des études, alors on se débrouillait comme on pouvait.
Pour l’obéissance, c‘était plus compliqué, j’étais d’un naturel indiscipliné, ce qui fait que j’ai vécu pas mal de nuits en salle de police, au cachot et autres … Chassez le naturel, il revient en jeep ! J’ai beaucoup déconné à l’armée, mais ce fut quand même formatif, j’ai obtenu un permis de conduire, une mention tireur d’élite très utile dans les kermesses (sic), un badge de projectionniste 16mm et surtout la détermination de ne pas limiter mon avenir au pédantisme et aux diktats abrutissants. Plus honnêtement, j’ai coûté cher à l’ABL (Armée belge, belgisch leger) auteur de quelques accidents pendant le service, dont un avec la blindée (cf. la même que sur la photo). Je ne sais quel plouc avait eu l’idée d’organiser, avec un pari financier à l’appui, une course sur les tarmacs du champ d’aviation. J’ai gagné mais la fin de piste était trop courte et je me suis retrouvé dans le fossé ! Heureusement, j’ai été éjecté sans dégâts corporels et la blindée a effectué quelques joyeux tonneaux sur l’herbe tendre. Avec la crême des parieurs, nous l’avons redressée, ni vu ni connu, mais l’engin présentait quelques léger dégâts peu visibles. Je l’ai très hypocritement rentrée au bercail où elle est allée se confondre avec ses sœurs bien alignées.

9. La petite Hyundai Atos verte, cette coréenne était géniale en ville et se garait facilement. Avec elle, nous avons même été, à quatre, jusqu’à Prague en voyageant avec une caisse sur le toit comme le faisaient les immigrés qui rentraient le temps des vacances au pays. En fin de carrière, elle m’a été volée du côté de Walhain.

Un freinage à la Groucho Marx 

10. La rouge à droite avec moi en Groucho, c’est une autre aventure, voici une Wartburg, production originaire d’Allemagne de l’Est. Cette voiture dispose d’un véritable châssis, elle est entièrement démontable et facilement réparable par un petit initié comme moi. J’en avais même récupéré une seconde accidentée pour transférer des pièces.
Un été, nous étions partis Béatrice, Vanessa, Jacqueline et ses deux filles pour Saint Raphaël. La route est longue, vers le Sud, il faut passer des cols et des vallées. Précision, les freins de la Wartburg étaient à tambours comme pour les motos et ça frotte et ça chauffe dans les descentes puisqu’on freine beaucoup. L’équipée joyeuse chantait à tue-tête quand je me suis aperçu en pleine plongée vers la ville que la pédale de frein ne répondait plus, les disques avaient dilatés et s’étaient bloqués et le véhicule accélérait naturellement par l’effet de son poids! Ma femme qui avait compris le problème était heureusement restée calme mais on déboulait plein tube dans les virages. Pas moyen d’agir sur le moteur, celui-ci hurlait littéralement !
Tout cela était rapide et surprenant, j’ai cherché et repéré un massif de verdure qui ne présentait pas de troncs, pas d’obstacles apparents. J’ai rasé les branches pour ralentir un maximum, j’ai forcé l’entrée dans la végétation et j’ai laissé le bolide s’enfoncer dans l’épaisse verdure. C’était la chance, le bon choix, audacieux mais efficace, tant pis pour les griffes sur la carrosserie, l’équipage était intact. De passage dans un garage de la vallée, le mécanicien nous informe que cela arrive souvent à cet endroit et que les croix au pied de la boucle sont celles de victimes d’accidents de ce type.

La Wartburg a aussi été le véhicule d’une dizaine de tournées de KOPOKAPO en France et en Suisse. Le duo que nous avions formé Dieudonné Kabongo et moi, souvent accompagné de Christophe notre régisseur. Équipée d’un moteur deux temps cette berline faisait un bruit genre « poet-poet-poet ». C’est une tondeuse à gazon disait mon frère ironique, mais ce solide vestige de la guerre froide trimballait une remorque toute décorée qui contenait notre sono et nos décors.
Nous passions difficilement inaperçus avec cet attelage et Christophe avait tendance à conduire ce carrosse socialiste comme un zinc, à fond la caisse. Ce qu’il fera quelques années plus tard en devenant l’heureux pilote personnel d’un homme d’affaire canadien qui dispose de son propre Jet. De quoi faire rêver Charles Michel !

11. Voici une Chevrolet conduite par mon père au Congo dans les années 50 (increvable, je parle de la bagnole !). Lors de l’expo 58, mon père avait tenté de se recycler professionnellement en répondant à une annonce éditée par un descendant du Baron Dhanis (figure coloniale belge). Mais ce n’était pas le bon moment et gloire à mon géniteur, il n’avait pas la fibre de la spéculation, son côté profondément slave avait pas mal d’accointance avec l’esprit bantou (sociabilité, sens de la fête et de la communauté, débrouillardise), ce dont je me revendique aujourd’hui. Un ami kinois a géré le paradigme en disant : « Avec tout ce qu’il fait pour la culture en RDC et avec les congolais de Belgique, Mirko a largement remboursé sa part de dette coloniale! »

EPISODE 4/5

12. L’Estafette Renault, rachetée pour deux fois rien à des Scouts, donc en mauvais état. J’ai tout retapé et repeint et avec Béatrice, nous l’avons emménagée en camping-car pour partir dans des aventures européennes. Vanessa, notre fille avait 5-6 ans à l’époque, ce furent de magnifiques expéditions dont :
– un retour aux sources de deux mois en Yougoslavie pendant tout un été ;
– divers périples en France, Italie et Suisse, nous dormions n’importe où, en ville où à la campagne, ce qui est plus difficile aujourd’hui avec les restrictions des libertés qui s’additionnent au fil du temps.
Cette chouette camionnette a aussi servi pour emmener le matériel son et éclairage au Cirque Royal lors des deux festivals intitulés Contr’eurovision (1977 et 1979) ces événements phares de la contreculture étaient organisés par le journal POUR.
Dans la même logique, mon bahut fut également utilisé pour la production de deux documentaires réalisés pendant le festival « Le temps des cerises » à Floreffe en 1979. L’un a été réalisé par Manu Bonmariage et l’autre par moi-même, nous avons tout transporté dans l’Estafette, les caméras, et leurs accessoires, l’éclairage de studio, la logistique et tout ce qu’il fallait pour dormir sur place avec une équipe de douze personnes.

Et comment ne pas oublier les tournées des artistes québécois : Conventum, Jim et Bertrand, la Bottine souriante, Pauline Julien, Daniel le Bateleur, le Rêve du Diable, … C’est tout une génération de folkeux de la belle Province qui est venue s’exprimer en Belgique, et « … tabarnak, avait du fun embarquant dans le char de Mirko et sa blonde. On y-va-tu dans l’Estafette? ».
Je dois également évoquer les coups de main à mes amis chiliens : les Cordova. Ils organisaient depuis la rue de l’Hospice les tournées de ces magnifiques artistes rescapés de l’épouvantable dictature pinochienne. Parmi eux : Illapu, Quilapayun, Los Jaivas, Anti-illimani et bien entendu Machitun le band mené par la fratrie : Roberto, Daniel, George et Manu. Ces organisateurs-musicos ont si souvent animés Watermael-Boitsfort lors des Fêtes des fleurs, carnavals et à l’occasion de concerts isolés.

La solide camionnette a aussi été l’objet d’une bavure policière originale vécue lors du tournage du « Motard de l’Apocalypse », un court métrage de Richard Olivier. Roland Mahauden y incarnait un soldat allemand qui se cachait, depuis la fin de la guerre, dans un ancien charbonnage prés de Binche. La nuit, Roland et moi, les plus sportifs de l’équipe, nous restions sur le site abandonné et couvert de poussière de charbon pour garder le matériel (six motos, les caméras, l’éclairage, le groupe électrogène, etc…). Au cinquième jour, nous partons chercher des frites à Binche, le snack-friterie est à côté d’une agence bancaire et là, confusion due à nos tenues vintage et militaires d’une autre époque. Il faut préciser que nous étions aussi maquillés, poussiéreux, c’était bizarre… ! La gendarmerie en civil, en uniforme, nous prend pour les gangsters qu’ils espéraient coincés suite à une dénonciation. La suite : pas de ménagement et même quelques insultes et brutalités, puis fouille du véhicule et découverte d’un vieux fusil Mauser rouillé (pour les besoins du film). Le pire, nous étions dans l’impossibilité de parler à un flic intelligent pour expliquer la méprise, le soir tombait quand un cerveau plus censé a corrigé le tir raté. Je pense souvent aux truands qui ont dû se demander en cavalant : mais qui sont ces clowns qui nous ont doublé sur ce coup

EPISODE 5/5

13. Celle-là, c’est la SIMCA (aronde) que mon père avait achetée lorsque nous habitions Waterloo, rue Victor Hugo. Le jour même, lors du baptême du véhicule qui sentait le neuf, j’ai dégorgé sur le tapis la moitié de l’américain frite avalé en sortant de chez le concessionnaire français. Avec cette belle auto et quelques pilules de dramamine, nous sommes allés plusieurs fois visiter l’Expo 58, mon père fréquentait des fonctionnaires qui œuvraient pour le pavillon colonial. Avec un petit sidecar de l’organisation 58, il lui arrivait d’aider en transportant des caisses d’affichettes et de prospectus pour les hôtesses et avec sa nouvelle voiture, il organisait des visites pour des invités congolais.
Je me souviens notamment de la montée de l’escalier du Lion de Waterloo. Les visiteurs n’en revenaient pas et se demandaient ce que faisait ce lion sur cette petite montagne ? En riant, ils proposaient à mon père de l’échanger avec celle de Stanley qui venait d’être installée à Léopoldville ? Il n’y aura pas d’échanges de monuments : le lion restera bien sur sa butte mais la statue du pauvre Stanley finira amputée des pieds et sera abandonnée dans un terrain vague de Kinshasa au début de l’ère mobutienne. J’avais 10 ans et je suivais admirativement les bonnes humeurs de mon père et de ses copains africains. Un jour de beau temps, dans notre jardin de la rue Victor Hugo à Mont St Jean, il avait cuisiné un nombre incroyable de « tchevap-tchichi » bien serbes et forts épicés pour toute une délégation menée par un Chef coutumier au nom de Mwenia Putu avec qui il s’était lié d’amitié. Ce dernier sera élu sénateur dans les pas du premier ministre Kasavubu. Quelle époque !

14. La Peugeot 404 jaune de ma mère. Elle l’avait reçue de Billy et Parrain (nos grands-parents). Nous habitions Tourinnes-la-Grosse. Un soir d’hiver, il avait neigé, mon frère Edwin et moi rentrions bien joyeux d’une soirée bien arrosée. Dans le virage de La Bruyère, la voiture a dérapé sur les flocons et s’est retournée dans le fossé. Nous nous sommes retrouvés à l’envers, la tête en bas, envahi d’une fumée blanche qui sentait l’acide où je ne sais quoi. Tout était blanc, et, l’alcool aidant, nous nous sommes crus morts, dans les nuages, au Paradis. En fait, il ne faut pas boire quand on conduit (sic), cela donne des hallucinations. Notre pauvre mère fut déconcertée, mais ses deux fils alcooliques étaient vivants, la caisse avait esthétiquement beaucoup souffert mais la mécanique était intacte. Nous avons trouvé dans le village un apprenti carrossier qui s’est défoulé pendant des mois pour tenter de remettre la tôle en état, ce qui fut plus ou moins fait et ainsi, la Peugeot customisée , avec une bonne dizaine de bosses en hommage aux dunes de la côte belge a encore roulé quelques années.
Autre anecdote, près de Wavre, ma mère se fait arrêter par des gendarmes : « Madame, vous avez roulé sur la ligne blanche, papiers s’il vous plaît ». Ma mèredécontenancée mais sincère : « oh excusez-moi, je ne savais pas que vous veniez de la repeindre ! »

15. La PT CRUISER, la plus belle voiture que j’ai jamais possédée. Sven, un ami flamand affirmait que d’après des études sérieuses, c’était la caisse typique des soixante-huitards, son côté rétro, vintage m’avait toujours séduit. Un jour, en allant à Jodoigne reconduire Timour chez Alain son père, j’apprends que le voisin un cadre italien de l’UE doit la vendre en extrême urgence avant de s’envoler pour l’Amérique latine. Il fait beau, je suis inspiré, j’y vais : le couple entouré de cartons et de valises est en discussion tendue sur le sort de cette voiture. Lui énervé: « Je la vends au premier venu … ». Waouh, je suis là, sans réfléchir, je me présente à peine et je lance « je la prends, j’ai maxi 14000 euros, pas un radis de plus ». Et voilà, sur ce coup du destin, pendant une dizaine d’années j’ai piloté et adoré cette voiture jusqu’à ce que le règlement biscornu sur le diesel m’oblige à la vendre à un ferrailleur pour 125 euros. Ce bienheureux margoulin venu de l’Est comme mon père me l’a avoué, elle roule aujourd’hui impeccablement quelque part dans les Balkans. Vous pouvez aller le vérifier en achetant un billet d’avion à 40 euros aller/retour et en polluant par ce fait autant que ma belle cruiser pendant trois mois.

16. Rien à dire sur la Clio Renault que j’utilise aujourd’hui, parfaite pour mes 75 ans, efficace, fiable, pratique. C’est au moins la cinquième voiture que j’ai achetée chez mon ami Ameel rue de l’Hospice Communal. Le garage Ameel est installé dans l’ancien cinéma RIO situé rue de l’Hospice communal, jadis les boitsfortois allaient là découvrir les films populaires de l’époque. J’ai connu le grand-père Ameel, le fils Michel Ameel, le petit fils Boris Ameel et j’espère la suite plus tard l’arrière petit fiston Ameel. Pour moi, ce garage est magique, les mécanos sont bons, nous avons suivis les mêmes routes wallonnes pour atterrir à Boitsfort et enfin le fond du garage a accueilli les projections éphémères de Brigitte Bardot, Orson Wells, Dirk Bogarde, Clark Gable et même cet OVNI de Tino Rossi, …
Plus punk, tu meurs !
Plus énervant, faut avouer que je suis une klette, j’achète cette belle Clio noire à 10h00, une heure après, en rentrant dans mon garage rue du Bien Faire, j’accroche le mur d’entrée et abîme royalement ma fière acquisition. Bon après tout, ce n’est que de la tôle !

Mirko Popovich

50 ans séparent ces deux photos.

2 Commentaires
  • Claudine Van O
    Publié à 13:07h, 09 septembre

    Salut Claude et Mirko,
    J’aurais pas parié un kopeck sur le fait que j’ai du plaisir à lire un article à propos de la bagnole… Miroir devrait proposer une chronique à Touring Secours si ça existe encore !!!! Allez, roulons et soyons prudents… Claudine

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