LES PAUVRES PRIVÉS DE VIE PRIVÉE ? par Bernadette Schaeck

La vie privée des pauvres ne vaudrait-elle pas tripette ?
A partir du 1er mars, les CPAS pourront obtenir un remboursement des aides sociales qu’ils ont accordées, à condition de le faire via le budget de référence “REMI”.
Pour cela, ils devront encoder de nombreuses données concernant tous les revenus et charges du demandeur, qu’ils transmettront sur le site web du CEBUD, qui calculera automatiquement, d’après un budget de référence préétabli, quel montant d’aide sociale est nécessaire pour « vivre conformément à la dignité humaine » ou encore « pour participer pleinement à la société ».
Le CPAS sera remboursé du montant de l’aide déterminé par ce mécanisme.
Un budget de 75 millions, réparti sur deux ans, est alloué à ces nouvelles aides (frais de logiciel et licences compris).

Il y aurait beaucoup à dire sur de nombreux aspects de cette procédure.
Dont le fait que les CPAS doivent donner leur adhésion (qui est volontaire) avant le 1er mars, alors que sur le site du CEBUD, des outils primordiaux sont encore absents (Guide de l’utilisateur, Guide des produits, Livre non encore publié …) (1).
45 CPAS utilisent pourtant déjà cet outil, avant que soient décidées ces mesures de remboursement des aides accordées via REMI.

A ce stade, quelques remarques importantes du point de vue des usagers :
– Le transfert des données via ce mécanisme pourra se faire sans l’accord du demandeur. Cela fait partie de l’enquête sociale, selon le SPP Intégration sociale.
– Le transfert des données pourra se faire pour tous les demandeurs et bénéficiaires, même s’ils ne demandent pas d’aide sociale complémentaire au RI (“Revenu d’Insertion”).
– Les données sont transférées sur un site web, sans garanties minimales de protection des données. Cet aspect sera à creuser par des personnes compétentes dans le domaine informatique.
Mais il s’avère déjà que c’est très problématique, du point de vue du respect de la protection de la vie privée (stockage des données : où ? par qui ? pour combien de temps ? sous quel contrôle ?).
Pour obtenir cette aide sociale, les bénéficiaires devront suivre un « parcours d’intégration ». Sauf s’ils ont déjà un PIIS (NDLR : Parcours Individualisé d’Intégration Sociale, à ne pas confondre avec le Manneken Pis), ou s’ils travaillent, ou s’ils peuvent invoquer des raisons de santé ou d’équité.
Activation et contrôle de la vie privée semblent donc bien être aux commandes de cette nouvelle mesure. Au nom de la “pleine participation à la vie sociale”.
L’enfer est pavé de bonnes intentions…

Bernadette Schaeck (de l’Association de Défense des Allocataires Sociaux)

(1)
https://www.youtube.com/watch?v=APY-w_SMPwU
https://www.budgetsdereference.be/
https://www.remiredi.be/

1 Commentaire
  • didier somzé
    Publié à 13:48h, 12 février

    Le travail de l’Adas rend de la dignité et des droits aux personnes précarisées, voire carrément exclues du jeu social.
    Bravo Bernadette, bravo l’équipe,
    didier

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