19 décembre 2024
LES TRAQUEURS DE PAUVRES par Bernadette Schaeck
Aujourd’hui Anderlecht, hier Schaerbeek. Un traitement de l’ “affaire” diamétralement opposé de plusieurs points de vue. En 2019, des centaines de personnes, voire quelques milliers, n’avaient pas perçu le RI parfois depuis plusieurs mois.
La situation des usagers était catastrophique.
Un Assistant Social (AS), vrai lanceur d’alerte, avait contacté l’aDAS (Association de Défense des Allocataires Sociaux) pour informer du problème.
La RTBF TV avait très vite relayé et interviewé l’AS.
S’en est suivi une action commune bien réjouissante entre les travailleurs, l’aDAS, des usagers et des appuis extérieurs.
Le traitement médiatique, en particulier par la RTBF, avait été correct. Le reste de la presse n’était pas tombée dans un traitement sensationnaliste et superficiel.
Les conseillers avaient pris, sans doute pas de manière optimale ni immédiate, mais avaient pris tout de même, sous la pression, la mesure de la gravité de la situation.
Les droits des usagers avaient été rétablis dans un délai relativement court eu égard à la gravité de la situation.
Quand vous en aurez le temps, et s’il vous en vient l’envie, lisez l’article de bilan de cette action qui a été publié dans la Revue Ensemble (1).
Il y est question de problèmes similaires à ceux vécus au CPAS d’Anderlecht : charge de travail insupportable, turn over, désaffection des AS pour le travail en CPAS, “perte de sens” du travail social, des usagers mal traités ou maltraités …
La situation dans de nombreux gros CPAS est “sur le fil” .
Anderlecht a toujours été à la pointe, mais d’autres pourraient basculer vite et fort.
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Il va être difficile – impossible ? – de rectifier toutes les contre-vérités diffusées par certains parlementaires lors des auditions à la commission des affaires sociales.
Un seul exemple : Van Quickenborne, qui détient de nombreux dossiers individuels, évoque lourdement le “scandale” de l’annulation par le CSSS (Comité spécial du service social) d’une décision de récupération de 28.000 euros, diminuée à 536 euros.
Déclarer cela suffit à ce que le “scandale” soit étalé aux yeux de tous, et dans une certaine presse. Je reprends ici une situation dans laquelle une dette de 25.000 euros avait été annulée par le Tribunal du travail [pas au CPAS d’Anderlecht].
Si vous avez le courage de lire jusqu’au bout, vous verrez à quel point ceux qui disent n’importe quoi ont dix longueurs d’avance sur nous ! Je reprends l’essentiel d’un post que j’avais publié précédemment.
Le CPAS avait pris des décisions extrêmes : retrait du RI, sanction de 6 mois, récupération de 25.000 €. Pour soi-disant fraude : elle aurait été hébergée essentiellement chez une seule personne, au lieu de l’être chez plusieurs hébergeant.es différent.es.
Une fausse sans abris coupable de grande fraude sociale ? Le Tribunal du travail en a jugé autrement. La récupération de 25.000 euros a été considérée comme illégale. Elle a donc été annulée. Le jugement avait argumenté très longuement sur la question de la détermination de la situation de sans-abri. Le CPAS a été en appel de ce jugement.
La Cour du travail a confirmé le jugement du Tribunal du travail : la récupération est illégale.
La Cour a passé au peigne fin les nombreux rapports sociaux et les nombreux rapports contradictoires que le CPAS avait fait signer à la personne. L’arrêt compte 28 pages.
On ne peut pas dire que la Cour du travail a pris une décision à la légère !
La décision de récupération a donc été annulée. Vous imaginez à quel point c’est important : devoir rembourser une telle somme quand on ne bénéficie que du RI, c’est parfois pour tout le reste de la vie, et au prix de privations constantes. Soulagement donc.
Mais reste l’incroyable énergie qu’il a fallu déployer pour contester la décision.
Plusieurs courriers de l’aDAS au CPAS ; une audition par le Conseil ; demander (et obtenir) la révocation du premier avocat qui avait été, disons, pas très actif ; obtenir la désignation d’une autre avec laquelle nous collaborons.
Puis passer des dizaines d’heure à passer au crible un très volumineux dossier « social » ; relire les conclusions du premier avocat puis celles de la deuxième ; analyser les deux conclusions de l’avocat du CPAS et les innombrables pièces jointes pour le recours au Tribunal du travail ; analyser les conclusions du CPAS et relire celles de l’avocate pour la requête en appel ; idem pour les innombrables pièces du CPAS pour l’appel devant la Cour du travail. Bref, du très lourd
C’est à tout ce prix que l’annulation de la récupération de 25.000 euros a pu être obtenue.
Une autre fois, c’est sans recours au Tribunal du travail, mais grâce à une audition bien préparée, que nous avons obtenu dans le même CPAS l’annulation d’une récupération de 20.000 euros pour une jeune étudiante.
Il est tellement plus simple de crier au scandale dans l’hémicycle de la Chambre.
Sans fournir aucune preuve. Quelques minutes et beaucoup de mauvaise foi suffisent.
Bernadette Schaeck, de l’Association de Défense des Allocataires Sociaux
(1)
https://www.ensemble.be/wp-content/uploads/2023/02/Ensemble_102_cpas_094.pdf?
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