MANOUCHIAN AU PANTHÉON : LE DOUBLE JEU DE MACRON par Hugues Le Paige

Qui ne se réjouirait pas de l’entrée de Missak Manouchian et de sa femme Mélinée au Panthéon ? Ouvrir les portails du temple de la République à l’un des responsables des FTP-MOI (Francs-tireurs et Partisans-Main d’Œuvre Immigrée), à qui la France avait refusé par deux fois d’accorder la nationalité, est d’abord un acte de réparation (1).

La fameuse “Affiche Rouge”, que chantèrent Aragon et Ferré

Elle comble, au moins partiellement, le trou noir d’une mémoire historique jusque-là soigneusement entretenue par tous les pouvoirs de la République.
Enfin, des communistes, des internationalistes, de toutes origines (Juifs en majorité, Arméniens, Espagnols, Italiens, Polonais, Roumains… et tant d’autres) ont droit à la reconnaissance de leur combat et de leur sacrifice pour la France et un autre monde.
Ce n’est pas rien quand on connaît la conception étroite et souvent partiale de l’histoire officielle de la résistance.
Oui, de ce point de vue, on ne peut que se réjouir de voir entrer au Panthéon celui qui incarne « L’Affiche Rouge », celle où les nazis dénonçaient « l’armée du crime, commandée par des étrangers et inspirés par les Juifs ».

Et pourtant, ce geste décidé par le Président de la République charrie sa part d’ombre et de double jeu. Car c’est bien le même Macron qui vient de faire adopter une loi sur l’immigration dont le Rassemblement National a pu proclamer triomphalement qu’elle représentait sa « victoire idéologique ».
L’introduction de la préférence nationale, la mise en cause du droit du sol, l’alignement sur toutes les mesures réclamées à cor et à cri par l’extrême-droite, qui dicte désormais sa loi à la droite traditionnelle, le tout sur le regard complice du macronisme : voilà qui corrompt l’initiative mémorielle du chef de l’État.

Emmanuel Macron est coutumier du fait : il sait utiliser la mémoire, le seul domaine où il affirme des principes, pour tenter de se refaire une virginité politique. Mais du même coup, il prend le risque de dénaturer la portée de ses propres initiatives. La seule présence de Martine Le Pen ce 21 février au Panthéon en est la preuve.

Un hommage à “grand spectacle”, avec beaucoup d’arrière-pensées.

Par l’incessante pratique tacticienne de la triangulation, de la manipulation et de la confusion politique permanente, Macron a pris le risque de faire du Rassemblement National le maître du jeu et sans doute le futur vainqueur des prochaines échéances électorales, alors qu’il avait été élu pour lui faire barrage.
L’opportunisme présidentiel lui tient lieu de projet, et les coups médiatiques remplacent les valeurs qu’il prétend porter. Cela n’enlève rien à l’importance symbolique et historique de l’entrée des Manouchian au Panthéon – même si d’autres parrains leur auraient fait honneur.

Hugues Le Paige, sur son blog (2) et en libre lecture dans l’Asympto, avec l’aimable autorisation de l’auteur

(1) Dans son discours au Panthéon, ce 21 février, Emmanuel Macron a regretté que « La France ait alors oublié sa vocation d’asile ». Et aujourd’hui ? Toute son intervention en hommage à Manouchian et à ses camarades contredisait la politique menée par ses gouvernements. Double langage qui lui a aussi permis de saluer les communistes comme ceux-ci ne l’ont jamais entendu. « Est-ce ainsi que les hommes font de la politique ? » (pour ceux qui ont entendu le discours macronien…)

(2) https://leblognotesdehugueslepaige.be/manouchian-au-pantheon-le-double-jeu-de-macron/

NDLR : lire aussi sur Médiapart “Manouchian, Marine Le Pen et la Légion Etrangère” – omniprésente à la cérémonie, et dont Le Pen père fit partie en Indochine et en Algérie : https://blogs.mediapart.fr/histoire-coloniale-et-postcoloniale/blog/220224/manouchian-marine-le-pen-et-la-legion-etrangere-0

 

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