MON FILS, CINQ, BIENTÔT SIX par Thomas Burion (sur Facebook).

Mon fils, cinq ans, bientôt six, puni et forcé d’être assis au sol par un surveillant pour s’être levé et avoir voulu admirer les flocons tombant du ciel. Malheur à celui ou celle qui se laisse émerveiller.

Mon fils, cinq ans, bientôt six, puni et écarté de ses camarades de classe pour avoir parlé ou réagi lors du visionnage d’un film “éducatif” sur un écran. C’est la troisième fois qu’on flanque un écran devant leur nez cette semaine. Nous, parents, n’en sommes pas avisés. Malheur à celui ou celle qui fait la démonstration d’un geste, d’un mouvement, d’une manifestation le distinguant du monde des objets inertes et dociles.

Mon fils, cinq ans, bientôt six, puni, tiré par les oreilles, pour avoir été distrait et ne pas avoir écouté les consignes. On prétextera aussi, en opposant la parole de l’adulte dépositaire de l’autorité à celle d’un gosse de cinq ans, sans recul ni faits objectifs, qu’il “cherche” les autres enfants et “se roule par terre” pendant l’activité. Malheur à celui ou celle, qui, âgé de cinq ans, se montre vivant et, pire encore, ose s’opposer à un contact physique non consenti constitutif d’une agression et d’un abus de pouvoir.

Mon fils, cinq, bientôt six, écarté de son meilleur ami parce que la maman de ce meilleur ami (qui par ailleurs est gentil et charmant), ne supporte pas notre fils pour des raisons obscures (et inconnues de nous malgré une demande de médiation) et est intervenue auprès de la direction pour qu’on les empêche de vivre leur amitié à l’école. Malheur à celui ou celle dont la parole d’une adulte malveillante, bénéficiant visiblement de l’oreille de l’institution scolaire, peut assassiner socialement à l’âge où les premières amitiés sont non seulement intenses, mais aussi solides que candides.
Un point commun à tout ceci : officiellement, mon fils n’a jamais été puni. Pas une seule remarque ni un seul écrit. Il aura fallu que j’intervienne, par écrit, de façon correcte mais pugnace, pour que l’une des adultes à qui je confie mon fils reconnaisse du bout du lèvre la véracité des faits. Mais même à l’écrit, ils se dédouanent en utilisant le bréviaire de la moisissure argumentative et du sophisme pour rejeter l’opprobre sur un gamin de cinq ans, bientôt six.

Mon fils, cinq ans, bientôt six, n’aime déjà plus l’école. Les faits que je cite se sont déroulés cette semaine. La liste est longue.
Pourtant, les violences éducatives à l’école, dont je suis un acteur professionnel en tant qu’éducateur et syndicaliste, viennent d’être officiellement et explicitement prohibées par le parlement en date du 4 octobre dernier.
Résilient, mon fils de cinq ans, bientôt six ans, s’est fait une raison. Par lui-même, il adopte une stratégie de survie face à ce qu’il convient d’appeler du dressage. Et toute la famille, fatiguée et résignée, se dit plus que quelques mois à tenir avant de changer d’école… en espérant que les défauts structurels de l’institution scolaire épargneront de temps en temps les pauvres gosses qui s’y font broyer.

Thomas Burion (sur facebook)

Pas de commentaires

Poster un commentaire