NOUS SOMMES LE 11 AOÛT

Nous sommes le 11 août 2022.

Le 11 Août 1984, Ronald Reagan, président des USA se prépare à donner un discours radiodiffusé. Il ignore que son micro est déjà branché et plaisante en disant : « Chers compatriotes, je suis heureux de vous annoncer que je viens de signer un décret prévoyant d’effacer l’Union soviétique de la carte pour toujours. Nous commencerons le bombardement d’ici cinq minutes ». Le message fut diffusé sur les ondes…
Je suppose que nous serons d’accord, à l’unanimité pour décerner « la palme de la plus belle bourde commise un 11 août » à Ronald Reagan.

“L’émancipateur”, à l’époque où l’on pouvait mettre “anarchiste” et “communiste” dans le même sous-titre

Sinon, on retiendra que c’est le 11 août 1906 que paraissait, à Bruxelles, le premier numéro du journal « L’Émancipateur », sous-titré : « Organe du Groupement Communiste Libertaire » avec la devise : « De chacun selon ses forces ; à chacun selon ses besoins ». Cet hebdomadaire est l’organe de la Colonie libertaire fondée à Stockel-Bois, par Émile Chapelier, également le responsable du journal. Le journal cessera de paraître en décembre 1906 après 13 numéros. Le journal « Le Communiste » lui succèdera en juin 1907. Ces journaux numérisés sont lisibles ici (1).
À cette époque, Stockel, hameau de Woluwe-Saint-Pierre, au sud-est de Bruxelles, n’était pas encore ce quartier résidentiel huppé que l’on connaît. En 1905, Émile Chapelier et quelques compagnons y fondaient, au lieu-dit des ‘Trois Couleurs’, une « colonie communiste libertaire » baptisée « L’Expérience ».
Leurs activités consistaient à essayer de subsister matériellement, à organiser des réunions et à publier des journaux. Les articles qui y paraissent sont signés par Eugène Marin et Émile Chapelier (membres de la colonie), mais aussi par des personnalités anarchistes de l’époque : Élisée Reclus, Pierre Kropotkine, Victor Serge (dit Le Rétif), Francisco Ferrer ou encore Alexandra David-Neel.

Cours d’espérento dans l’éphémère “colonie” anarchiste à Stockel

En octobre 1906, la colonie « l’Expérience », expulsée de Stockel-Bois, s’installe à Boitsfort, au lieu-dit Karrenberg. Elle achète une imprimerie qui lui permettra d’éditer ses propres publications sur l’espéranto, le syndicalisme, le néo-malthusianisme et l’amour libre et, à partir de juin 1907, le journal « Le Communiste ».
Pour propager ses idées, la communauté donne, également entre 1906 et 1907, des représentations théâtrales dans ses locaux mais aussi dans plusieurs villes de Belgique. Les compagnons s’improvisent comédiens pour jouer la pièce de Chapelier « La Nouvelle Clairière ». Le dimanche, la colonie s’ouvre aux visiteurs et des conférences y sont données. Mais à la suite de discordes et de divers problèmes économiques, « L’Expérience » finira par se dissoudre en février 1908.
Émile Chapelier s’éloigne des libertaires et adhère en 1908 au “Parti Ouvrier Belge” où il sera un des animateurs de la minorité antiparlementaire et prosyndicaliste révolutionnaire. En 1910, il fonde, à Bruxelles, le Cercle de la Libre pensée prolétarienne. Après la première guerre mondiale, il sera un temps membre du Parti communiste belge, mais surtout actif au sein de la Ligue matérialiste de Belgique, pour laquelle il rédige, en 1929, une brochure « La libre pensée prolétarienne contre la libre pensée bourgeoise ».

Tout autre chose, ou presque…

C’est aujourd’hui l’anniversaire de Fernando Arrabal, dramaturge, cinéaste, romancier, essayiste, peintre et poète. Il est aussi Transcendant Satrape du collège de ‘Pataphysique.
Ça lui fait 90 ans tout rond, puisqu’il est né le 11 août 1932, à Melilla, dans le Maroc espagnol, sous la République. Son père, artiste peintre, était aussi officier de carrière tout en étant républicain, ce qui lui valut, dès le soulèvement franquiste de 1936, d’être arrêté puis condamné à mort. Sa peine sera commuée en trente ans de prison, mais il mourra en 1942, lors d’une « tentative d’évasion ».
Fernando Arrabal écrit sa première pièce, « Pique-nique en campagne » en 1952. Celle-ci sera suivie du « Tricycle », qui remporte en 1954 le prix du Théâtre d’essai. L’année suivante, il quitte l’Espagne pour Paris.
En 1958 paraît en France un premier volume de pièces réunissant notamment « Fando et Lis » et « Le Cimetière des voitures ». Les grands thèmes d’Arrabal y sont déjà présents : la représentation théâtrale comme cérémonial cathartique, les personnages tour à tour bourreaux et victimes, la relation amour-haine, la cruauté, le rire, le blasphème… se retrouveront tout au long d’une œuvre abondante (plus de 100 pièces de théâtre). Quelques titres émergent : « L’Architecte et l’Empereur d’Assyrie » (1967), « Le Jardin des délices » (1969), « Et ils passeront des menottes aux fleurs » (1970), « Le Roi de Sodome » (1979).
Au début des années ’60, Arrabal fait la rencontre de Topor et Jodorowsky, avec lesquels il crée le Mouvement Panique (nom évoquant le dieu grec Pan) qu’il définit comme une « manière d’être […] régie par la confusion, l’humour, la terreur, le hasard et l’euphorie » (Panique, Manifeste pour le troisième millénaire).
Victor Garcia met en scène plusieurs de ses pièces avec un grand succès, suivi par Jorge Lavelli, Peter Brook, Jérôme Savary, Georges Vitaly…
Alors qu’il se rend en Espagne en 1967, Arrabal est arrêté et emprisonné pour avoir tenu des propos blasphématoires envers le régime. Une campagne internationale, notamment menée par Mauriac, Ionesco, Miller, Beckett…, le fait libérer peu après. En 1971, il envoie une Lettre au général Franco, provoquant un scandale.

La même année, il réalise « Viva la muerte » d’après son livre semi-autobiographique, « Baal Babylone ». Il est aussi acteur dans le film qui se situe pendant la guerre d’Espagne et sous le régime de Franco. (‘Viva la muerte’ était un cri de ralliement du camp franquiste pendant la guerre d’Espagne.)
Peut-être avez-vous en tête la mélodie du générique du film, sans forcément savoir d’où elle vient, tant elle entre dans l’oreille dès la première écoute. Son titre, c’est « Ekkoleg », c’est du danois. Celle qui l’a composée s’appelle Grethe Agatz. Les dessins du générique sont de Roland Topor. Ça vaut le coup de prendre 3 minute 50″ pour le regarder…

André Clette

C’est par ici : →

(1) https://archivesautonomies.org/spip.php?article2815&lang=fr

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