NOUS SOMMES LE 26 AOÛT

Nous sommes le 26 août 2022.

26 août 1970
Neuf militantes féministes (dont Monique Wittig, Christine Delphy, Christiane Rochefort, Anne Zelensky-Tristan et Margaret Stephenson) déposent une gerbe de fleurs au pied de l’arc de triomphe à la femme du soldat inconnu. Sur leurs banderoles, parmi les slogans de manifestation : « Il y a encore plus inconnu que le soldat inconnu, sa femme. »

Ce jour marque la naissance du MLF, un moment décisif dans l’histoire d’un mouvement qui, depuis mai 68, avait entrepris de s’organiser. Pourtant, en mai 68, rares étaient encore celles qui participaient aux débats, c’était plutôt l’inverse, la parole publique ne leur appartenait pas. Mais, dans ces années, la critique des institutions et du savoir bourgeois, tenaient le haut du pavé. À force de malmener l’université, l’État, l’armée, l’Église, le mariage, la famille, l’éducation… il fallait bien que le patriarcat y passe.
La parole des femmes ne tardera pas à s’affranchir du pouvoir des leaders mâles.
En avril 1970, à Paris, un premier grand rassemblement féministe fait son apparition à l’université de Vincennes. En mai 1970, parait dans le journal « L’idiot International », un article intitulé « Combat pour la libération des femmes ». En décembre 70, parait en France le 1er numéro du Journal « Le Torchon brûle ». En 1972, en Belgique sortira le Petit livre rouge des femmes. Le 11 novembre de la même année verra l’organisation, de la première Journée des femmes qui mobilisera une dizaine de milliers de femmes belges.
La vague féministe née en Amérique du Nord au cours des années soixante autour du « Women’s Lib » aura contribué largement à l’impulsion. Ce 26 août 1970 est d’ailleurs aussi un jour hautement symbolique aux États-Unis. C’est en effet, 50 ans plus tôt, le 26 août 1920, que les femmes ont obtenu le droit de vote par l’adoption du 19ème amendement de la constitution. C’est ce jour que les femmes new-yorkaises ont choisi pour descendre dans la rue pour revendiquer l’égalité entre hommes et femmes et manifester contre le « devoir conjugal ».
Depuis les années 70, diverses nouvelles formes d’action féministe ont vu le jour. On n’a heureusement pas fini d’en parler…

Par un hasard du calendrier, le 26 août marque aussi une date essentielle dans l’avancée des droits, puisque c’est le 26 août 1789, à Versailles, que l’Assemblée nationale constituante adoptait le texte de la « Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ».
Tandis que débutait la Révolution française, les députés offrait au monde un texte qui condensait les aspirations et les idéaux du «Siècle des Lumières». Dans sa définition, le mot Homme étant sensé être du genre neutre dans la langue française, elle s’appliquait à l’ensemble des êtres humains, hommes et femmes réunis.
On voit par là qu’il y avait encore de l’ouvrage. Et que ce n’est pas fini.
Il n’y a pas si longtemps, Robert Badinter faisait observer que « lorsque la France se targue d’être la patrie des droits de l’homme, c’est une figure de style, elle est la patrie de la déclaration des droits de l’homme, aller plus loin relève de la cécité historique. »

Tout autre chose
Il n’y a pas si longtemps, on parlait de Léo Ferré (né le 24 août 1916). Si vous connaissez un peu Ferré, vous connaissez cette chanson, « Les étrangers » :
« C’est pas comme en avril en avril soixante-huit
Lochu tu t’en souviens la mer on s’en foutait
On était trois copains avec une tragédie
Et puis ce chien perdu tout prêt à se suicider
[…………]
Lochu tu t’en souviens c’était beau dans ce temps-là
[………….]
Et les soirs d’illusions avec la nuit qui va
Dans Brest ou dans Lorient, on pleure et on s’en va
Lochu ? L’An Dix mille… Tu te rappelles ?
Lochu ? L’An Dix mille…
L’An Dix mille, l’An Dix mille, l’An Dix mille… »

Mais vous êtes-vous demandé qui est ce Lochu que Léo interpelle de la sorte ?
Eh bien, figurez-vous que c’est aujourd’hui l’anniversaire de sa naissance, puisqu’il est né à Vannes (Bretagne), le 26 août 1899.
René Lochu, le copain à Ferré était un militant anarchiste, syndicaliste et pacifiste.
Né dans une caserne —35e régiment d’artillerie — où son père exerçait comme maréchal-ferrant et où sa mère était cantinière, il devient ouvrier tailleur dans la confection. C’est au service militaire, effectué dans la Marine à partir de 1918, que Lochu prit conscience que la discipline militaire lui était insupportable. Il participa, en avril 1919, à l’évacuation d’Odessa par les troupes françaises, puis au convoyage des troupes contre-révolutionnaires du général tsariste Dénikine.
Démobilisé en janvier 1921, il reprend son métier de tailleur qu’il exercera ensuite à l’Arsenal de Brest. À la Maison du Peuple de Brest, il découvre l’anarchie et commence à militer au syndicat CGT puis au groupe anarchiste de Brest.
Il participe aux actions de soutien à Sacco et Vanzetti et aide les libertaires italiens fuyants le fascisme. En 1927, il rencontre Nestor Makhno venu se reposer en Bretagne. En août 1936, il apporte son aide au « Comité pour l’Espagne libre » pour soutenir la révolution espagnole puis aider les réfugiés. À la déclaration de guerre, il diffuse le tract « Paix immédiate » qui vaudra la prison à son auteur Louis Lecoin et qui vaudra à Lochu de subir une perquisition (infructueuse).
Il se lie d’amitié avec Léo Ferré pour lequel il organise des galas en Bretagne, en avril 68. Une période de drame et de peine pour Ferré pendant laquelle Lochu l’accompagnera de son amitié. Léo lui dédiera la chanson « Les Étrangers » et préfacera son livre de souvenirs : « Libertaires, mes compagnons de Brest et d’ailleurs »(1983).
Il meurt à Vannes le 6 juillet 1989.

Voilà, vous savez tout. Ça ne vous servira à rien. Mais c’est chouette de faire connaître un inconnu.

« Quand la mer se ramène avec des étrangers
Homme ou chien c’est pareil on les regarde naviguer
Et dans les rues de Lorient ou de Brest pour les sauver
Y’a toujours un marin qui rallume son voilier »

André Clette

On se l’écoute (et on se le regarde)
C’est par ici →

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