“ON N’APPREND PAS À UN ENFANT À FAIRE SES LACETS EN LE METTANT AU COIN…” par Laurence Dudek

Pour en finir avec le “débat” sur la mise à l’écart d’un enfant pour le punir…
Petite mise au point concernant les “preuves scientifiques” tant plébiscitées en argumentaire de la non-violence éducative (toutes catégories d’éducation bienveillante confondues).
Cette bataille d’études en neurosciences a quelque chose qui me dérange. Pas seulement parce que j’abhorre les débats (j’ai déjà largement explicité cela ici).
Quand les neurosciences ont commencé à avoir pignon sur rue en matière de psychopédagogie, cela faisait déjà de nombreuses années que ce qu’elles démontrent en termes de nocivité des rapports de force, des punitions/récompense, du stress lié aux séparations précoces, etc., je le savais déjà.
Tout comme je savais déjà les effets bénéfiques d’un câlin avant qu’on en fasse la démonstration par l’imagerie médicale et les hormones…
Vous remarquerez sûrement que je ne fais que très peu appel aux neurosciences pour démontrer les différents items de ma méthode (je préfère m’en référer à l’éthologie, le logo du label Education Efficace en témoigne), non pas que je les dénigre, bien au contraire : je suis ravie que l’on démontre sans conteste aux tenants de la carotte et du bâton la vacuité de leur argumentaire pour les acculer à admettre qu’il s’agit bien de politique et non de savoir, mais je n’en ai pas besoin.
Précisément parce que c’est politique.
Je n’ai pas besoin qu’on démontre scientifiquement que maintenir un enfant contre son gré sur une chaise, le couper de l’affection de sa mère ou le menacer en comptant jusqu’à 3 est toxique pour son développement cérébral.
Je n’ai pas besoin des neurosciences, précisément parce que j’ai ma conscience.
J’ai ma conscience de classe chevillée au corps, ma mémoire d’enfant bien arrimée à l’adulte que je suis et un idéal dont je ne laisse personne me dire qu’il est utopique, et ce même si cette personne est détentrice d’un diplôme en jesaistousme qu’elle exhibe en guise d’argumentation.
Quand bien même une étude scientifique démontrerait que les enfants qu’on conditionne en les pinçant quand ils font une erreur sont plus attentifs et plus obéissants après qu’avant…
Il se trouve que la science est plutôt du côté de la bienveillance : l’immense majorité des études en neurosciences valide les théories du bien-être partagé comme axe éducatif d’excellence. Certes, mais ça n’est pas le sujet !
Quand l’argument ultime est qu’aucune étude scientifique ne démontre que punir est nocif, outre le fait qu’évidemment aucune étude scientifique ne démontre non plus que c’est bénéfique, on parle plutôt de rhétorique, pas de démonstration.

Vous lirez dans mes livres que le premier vecteur d’apprentissage chez l’enfant est l’exemple.
Nous devons garder présent à l’esprit que les primates (dont nous sommes), tous les mammifères ainsi qu’une large partie des animaux vertébrés apprennent en reproduisant (consciemment avec application ou inconsciemment par automatisme) ce qu’on fait avec eux ou en leur présence (ce qu’on leur fait ou ce qu’on leur montre), c’est la base.
Punir apprend donc essentiellement à être puni…et à punir soi-même.
On n’apprend pas à un enfant à faire ses lacets en le mettant au coin pour qu’il comprenne quand il se trompe, comment donc imaginer qu’il puisse apprendre à respecter une consigne qu’il n’a pas réussi à appliquer (faire moins de bruit, se taire, ne pas réclamer quelque chose, etc.) en l’envoyant culpabiliser dans sa chambre ?…
Aucune preuve scientifique n’est nécessaire pour se rendre compte à quel point c’est inefficace et inepte.
Et puis, quoi ? La performance, la rapidité d’exécution, l’obéissance, la contrition, et toutes ces valeurs qui jalonnent le discours bourgeois de l’autorité au plus gradé, sont des objectifs politiques orientés vers la reproduction d’un système hiérarchisé où les plus forts sont dominants et où les faibles leur font allégeance.
Ça c’est politique…
Sciences sans conscience n’est que ruine de l’âme dit Rabelais.
Je n’ai évidemment pas besoin de la science pour savoir que ces valeurs là ne sont pas les miennes !
Et j’annonce la couleur aux parents et éducateurs qui me lisent : mes recommandations en psychopédagogie n’ont rien à voir avec l’adaptation à ce système, elles ont tout à voir avec un autre monde vers lequel nous allons, où l’empathie, le partage, l’écoute, le temps long, l’autonomie émotionnelle, l’estime de soi et l’amour jalonnent le chemin.
En cela je ne souhaite pas débattre, ni convaincre, ni même avoir raison, je propose une vision éclairée par les résultats obtenus et je ne laisse pas la doxa m’impressionner.
Et je le répète : Scientifique ou pas, rien ne me fera accepter de faire du mal à un enfant en lui faisant croire que c’est pour son bien.

Laurence Dudek, psycho-pédagogue et psychothérapeute (sur son compte Facebook)

NDLR : Les livres de Laurence Dudek m’ont beaucoup apporté en tant que parent. Parfois déroutants pour ceux et celles qui, comme moi, appartiennent à cette génération qui a été “éduquée” à la carotte et au bâton (ou plutôt, au bonbon et à la gifle…), mais très efficace si on entreprend soi-même sa “méthode”. C’est d’ailleurs son sous-titre : “l’éducation efficace”. Comme Laurence le précise encore dans ce texte, son projet éducatif est aussi “politique”. Il ne s’agit pas de se “soumettre” à une société de domination et de violence, mais de se préparer plutôt à en sortir. Vous lirez sans doute avec intérêt son interview dans l’Asympto : Interview de Laurence Dudek BIENVEILLANTE DANS UN MONDE DE BRUTES

Pas de commentaires

Poster un commentaire